De plus en plus de projets naissent pour mettre l’intelligence artificielle au service des industries culturelles et créatives. La musique, la peinture ou encore la création publicitaire : la quasi-totalité des secteurs doivent désormais composer avec le progrès technologique. Le plus étonnant reste la vitesse à laquelle l’intelligence artificielle semble s’adapter aux contraintes de création, tant et si bien que le temps où la technologie supplantera l’humain pour devenir un artiste omnipotent ne semble pas si éloigné.
Quand l’IA se prend pour de Vinci
Un laboratoire travaillant sur l’informatique a développé le système de peinture “RePaint”. Le principe de ce système est de reproduire les oeuvres d’art grâce à l’intelligence artificielle et l’impression 3D.
D’un point de vue technique, voici comment tout s’articule : RePaint fonctionne d’abord avec l’impression 3D superposant dix encres transparentes différentes en couche mince. L’intelligence artificielle, dont les connaissances des peintures sont constamment mises à jour et améliorées, prédit quant à elle la pile idéale nécessaire pour mettre au point les couleurs les plus fidèles à l’original. Ainsi, l’IA est capable de déterminer quelles couleurs sont nécessaires dans des zones particulières d’une peinture, en s’ajustant par exemple aux changements des conditions d’éclairage pour garantir la cohérence. Enfin, la technologie repose également sur le tramage qui correspond à un maillage de points de couleurs permettant de mieux faire correspondre les teintes colorées.
Au moment où cet article est écrit, RePaint n’est pas encore capable de reproduire à la perfection les plus grand tableaux de maîtres. Le système ne peut pas encore recréer la texture de surface et sa réflexion. De plus, seules les oeuvres au format d’une carte postale sont susceptibles d’être reproduites. Mais selon les dires de plusieurs chercheurs et ingénieurs, ce n’est qu’une question de temps avant que RePaint ne puisse délivrer son plein potentiel et s’attaquer à des peintures grandeur nature.
Vous connaissez la Joconde ? L’une des peinture les plus connus au monde est exposé au musée du Louvre à Paris et attire à elle seule des milliers de visiteurs par jour. Voyez par vous-même :
Vous la voyez ? Elle est tout au fond…
Montons dans la DeLorean du Doc et faisons un petit saut vers le futur. Nous nous retrouvons toujours dans le musée du Louvre et allons voir le portrait de la Joconde peint non pas par un certain De Vinci, mais par REpaint.
Oui, finies les grosses foules infranchissables pour contempler cette oeuvre. Plus la peine d’attendre une soirée privatisée pour contempler l’oeuvre dans ses moindres détails. Les musées ont tout à y gagner en utilisant la technologie RePaint : il sera ainsi possible d’augmenter le nombres de visiteurs sans que ceux-ci ne se retrouvent inconfortablement attroupés pour ne poser les yeux que quelques secondes sur une création. Quant aux marques, elles pourraient potentiellement profiter de cette nouvelle trouvaille pour, pourquoi pas, revisiter certains classiques à des fins publicitaires en offrant un mélange subtil entre la fidélité d’un point de vue technique aux œuvres de maîtres et l’innovation exigée par leurs stratégies de communication.
Les caricaturistes de demain ?
Des chercheurs des universités de Stanford, Hong Kong et de Microsoft, ont mis au point une intelligence artificielle aux capacités caricaturales impressionnantes. Avec cette IA, il a été possible de transformer des dizaines d’images, notamment tirées de vidéos, en caricatures très réalistes.
Comment ont-ils procédé pour mettre au point une intelligence artificielle si efficace ? En utilisant 2 réseaux :
- Un premier qui détermine la forme géométrique du visage sur une photo et s’en sert de base pour réaliser sa caricature
- Un second qui définit le style graphique le mieux approprié au visage
Les premiers résultats sont assez époustouflant et très prometteurs ! Plusieurs sondages ont été réalisés auprès de personnes qui reconnaissaient parfaitement la personne dessinée. Certaines ont même déclaré que la qualité de ces caricatures était supérieure à celle d’oeuvres réalisées par des dessinateurs professionnels.
Mais là ou l’IA se démarque totalement de ses collègues humains, c’est qu’elle réussit à dessiner un véritable portrait à partir d’une caricature. Imaginez, par exemple, les personnages créés par la Warner Bros en vrai ! Un tel usage de l’IA pourrait en effet permettre aux marques et aux éditeurs de donner plus que jamais vie à leurs icônes et autres égéries fictives. Les chercheurs ont par ailleurs déclaré que l’IA pourrait être utilisé pour mettre des filtres sur les caricatures.
Mozart 2.0
Le modèle du machine learning ne se limite pas simplement au dessin. Le monde de la musique est également concerné. En effet, Jun Inoue, Gyo Kitagawa et Taishi Fukuyama ont mis au point, dans le cadre du projet “Amadeus Code”, une IA capable de créer ses propres compositions. Elle se nourrit de données issues de succès musicaux pour ensuite composer. Une mélodie peut alors être composée en l’espace de quelques minutes seulement !
Cependant, pour tout musicien un tant soit peu aguerri et rompu à l’exercice de composition, les possibilités sont immenses. En effet, il s’en faut de peu pour qu’une piste musicale basique se transforme en véritable tube : l’ajout de quelques instruments, un peu de rythme, quelques paroles et le tour est joué !
Cette nouvelle technologie pourrait donc s’avérer être un belle promesse d’innovation pour les marques lors de la création de leurs spots publicitaires. En effet, en lieu et place de musiques commerciales pour lesquels ils doivent payer des droits d’auteurs, les annonceurs pourraient purement et simplement utiliser ce type d’outil pour créer leur propre bande-sonore et ainsi créer une véritable identité sonore et musicale autour de leur marque.
Un spectacle son & lumière signé IA
Image et son sont complémentaires. Prenons comme exemple le Philharmonique de Los Angeles. En hommage à Frank Gehry, architecte et concepteur de la salle de concert Walt Disney Concert Hall, l’artiste Refik Anadol s’est fixé comme objectif de concevoir une projection visuelle sur les murs extérieurs de l’édifice. Pour y parvenir, il a reçu l’aide de Google par le biais du programme Artists and Machine Intelligence, du chercheur en informatique Parag K. Mital et des concepteurs sonores Kerim Karaoglu et Robert Thomas.
En combinant leurs expertises, ils sont parvenus à utiliser le machine learning afin d’interpréter près de 45 téraoctets de données comprenant des enregistrements audio et des images d’archives relatives à des événements qui avaient eu lieu dans le Philharmonique. Ils ont ensuite développé un outil pour visualiser les 18 000 heures d’enregistrements audio à leur disposition. Le système a permis d’optimiser la recherche en se basant sur 250 attributs dont le timbre, l’amplitude, le tempo, etc. Enfin, ils ont sélectionné les souvenirs les plus spécifiques afin d’accompagner la bande sonore qu’ils ont également créée. C’est ainsi que le “WDCH Dreams” est né.
Cette technologie pourrait être adaptée à plusieurs infrastructures modernes, tel que le stade U-Arena par exemple sur les façades duquel les marques pourraient communiquer sur leurs produits ou leur identité d’une manière plus originale et impactante qu’avec un simple panneau publicitaire. Ainsi, cette stratégie de Digital Out Of Home “très grand format” pourrait permettre aux murs extérieurs de divers édifices d’être connectés directement aux serveurs d‘un ou plusieurs annonceurs et de faire apparaître en temps réel, grâce à l’IA, diverses informations telles que leurs meilleures ventes, leurs produits en stock, leurs promotions en cours sur leurs diverses plateformes de vente, un condensé de leurs spots publicitaires les plus connus ou encore les adresses de leurs points de vente physiques à proximité. Si ce dispositif s’avère efficace, il ne serait pas étonnant que plusieurs bâtiments se mettent aux normes et deviennent le nouveau terrain de jeu des marques.
L’IA dans le rôle du réalisateur
Pour présenter son modèle ES, le constructeur Lexus a également adopté une approche novatrice basée sur l’intelligence artificielle. Il a ainsi initié une collaboration avec les sociétés IBM (Watson), THE&PARTNERSHIP et Visual Voice pour tirer le meilleur parti des données. Quant à la réalisation, la marque japonaise s’est attachée les services de Kevin Macdonald, connu notamment pour son travail sur le biopic Whitney ou encore sur le film Le Dernier Roi d’Écosse, afin d’élaborer le spot publicitaire le plus percutant qu’il soit.
Pour proposer son script via Watson, l’intelligence artificielle créée par Visual Voice a été nourrie de nombreuses publicités provenant de divers secteurs, dont certains n’étaient pas du tout liés à l’univers de l’automobile. En effet, les équipes ont également intégré des annonces de marques de joaillerie ou de parfums de luxe. Ainsi, le rendu final ressemble à un spot de voiture haut de gamme, mais avec quelques subtilités et des références fortes à la culture de la marque.
C’est ainsi que l’IA exploitée par Lexus dans sa publicité a dicté ce que les spectateurs devaient voir sur tel ou tel plan et a, par exemple, expressément précisé s’il devait y avoir de l’eau à droite ou encore une forêt à gauche, etc. Ainsi, le rendu final respecte à 98% ce qui a été écrit dans le script par la machine.
Une telle exploitation de l’IA, mutualisée à l’expertise et l’expérience d’êtres humains, pourrait donc être généralisée à plus ou moins court terme à d’autres secteurs et permettrait aux équipes créatives et de production d’avoir toutes les cartes en main afin d’élaborer des spots publicitaires toujours plus prenants et marquants pour le consommateur, tout en respectant à la lettre l’identité de marque des divers annonceurs.
Pour conclure…
Au vu de la progression constante affichée par l’intelligence artificielle et le progrès technologique en général, difficile de ne pas imaginer le facteur humain relégué au second plan dans un futur plus ou moins proche. Cependant, l’utilisation généralisée de l’intelligence artificielle dans le processus créatif, si elle est amenée à se confirmer comme peuvent nous le laisser penser les différents exemples mentionnés dans cet article, ne remettrait-elle pas en cause le concept même de “création” ?
En effet, l’intelligence artificielle doit se nourrir de projets et d’exemples précédemment conçus par des cerveaux humains pour pouvoir s’en inspirer et exprimer son plein potentiel. Elle pourrait donc se confronter, à terme, à des problématiques d’innovation et de renouvellement créatif que seules l’Homme peut élucider. Pour le moment en tout cas.