Spotify, acteur majeur du streaming musical
De quand date votre dernier achat de CD physique ? C’est aujourd’hui une évidence, rare sont ceux à encore acheter leurs albums préférés en magasin. Avec des acteurs comme Spotify, Deezer, Tidal, ou dernièrement YouTube Music, de plus en plus de personnes optent pour l’abonnement. À la clé ? Vos musiques favorites en illimité.
En 2018, Spotify prévoit d’atteindre un chiffre d’affaires de près de 5 milliards d’euros, soit une hausse de 20 à 30% par rapport à 2017. Malgré cela, le géant suédois peine à être rentable et a perdu plus de 370 millions en 2017. La barre devrait rester dans le rouge en 2018, avec une perte estimée entre 230 et 300 millions d’euros notamment due aux taux de change, a déclaré le groupe en Mars dernier.
Pour autant, Spotify est sur la bonne voie et l’industrie de la musique est loin de souffrir de ce changement de pratique, bien au contraire ! En 2018, les revenus totaux de l’industrie de la musique ont augmenté de 10% en comparaison de 2017. En effet, depuis le début de l’année, le chiffre d’affaires atteint 4,6 milliards de dollars contre 4,4 milliards à la même période en 2017. Comme on peut le voir ci-dessous, le streaming représente 75% des revenus aux États-Unis. À lui seul, le streaming génère plus de revenus que la vente de CD, les téléchargements numériques ou encore les accords de licence réunis.
Ainsi, le streaming musical a bouleversé l’industrie de la musique, les chiffres explosent, le succès des plateformes comme Spotify y étant pour beaucoup. Ce nouveau mode de consommation a donc un bel avenir devant lui.
Cependant, certains acteurs dont Spotify rencontrent des difficultés avec les grands labels de l’industrie musicale, car ces derniers considèrent que la plateforme ne rémunère pas suffisamment les artistes dont elle diffuse les morceaux. Pour l’heure, les maisons de disques n’ont cependant pas le choix que de passer par des services comme Spotify car ceux-ci représentent une part importante des utilisateurs et donc de leurs revenus.
Au final, même si chacun vise à tirer la couverture toujours plus de son côté, le fait est qu’aujourd’hui, les services comme Spotify ont tout autant besoin des majors que les majors ont besoin de tirer profit des opportunités offertes par le streaming. Qui finira par l’emporter ? Nul ne le sait encore, mais une chose est sûre, la lutte sera féroce !
Actuellement, la société compte environ 75 millions d’abonnés payants et 105 millions d’utilisateurs de son service gratuit. Un chiffre en constante augmentation, il faut avouer que son offre gratuite est un levier d’acquisition redoutable. Il est possible pour les utilisateurs non-payants de parcourir 15 playlists par jour, ce qui fait en moyenne 40 heures d’écoute. De plus, fini les modes aléatoires, on peut choisir l’ordre de lecture d’une playlist.
Pour les utilisateurs premium, Il est désormais possible de télécharger 10 000 morceaux par device, la limite étant de 3 333 auparavant. «Chez Spotify, nous travaillons constamment à améliorer l’expérience de nos utilisateurs. Nous pouvons maintenant confirmer que nous avons augmenté le nombre de pistes hors ligne par périphérique – de 3 333 sur trois périphériques à 10 000 pistes par périphérique pour cinq périphériques maximum » a récemment déclaré un porte-parole de la société.
Et pourtant, la firme peine encore à dégager des bénéfices conséquents. En 2017, elle a perdu 188 millions d’euros et au second trimestre de l’année 2018, ce sont près de 394 millions d’euros qui se sont envolés, soit près du double.
Même si Spotify possède le plus grand nombre d’abonnés, la plateforme se fait doucement rattraper par ses nouveaux concurrents : Apple Music (lancé en 2015) et surtout Google avec YouTube Music (lancé en 2018) qui enregistrent de très bonnes performances.
Duel de géants : Spotify contre l’industrie de la musique
Aujourd’hui, Spotify, géant au 180 millions d’abonnés dont 75 millions payants, vit des heures sombres. Nombreux sont ceux à penser que Spotify et les autres plateformes du même genre ne rémunèrent pas suffisamment les artistes, ce qui entraîne des tensions auprès des grandes maisons de disques, qui ne trouvent plus Spotify suffisamment fiable, et nommant même la plateforme parmi les fautifs de la baisse des ventes physiques amorcée en 2000.
La firme suédoise est souvent critiquée par les labels sur sa rémunération envers les artistes. En guise de réponse, elle se fait un malin plaisir de rappeler les sommes astronomiques que ceux-ci amassent, au détriment des interprètes dans la lutte contre le piratage et dénonce l’exploitation de ces derniers sur le plan de leur rétribution. En effet, en règle générale, les labels touchent 52% du chiffre d’affaires généré à chaque écoute d’un titre alors que les artistes ne se contentent que de 15% des recettes.
Depuis toujours, les maisons de disques ont été légion. À présent ne subsistent que trois géants : Universal, Sony et Warner qui représentent à eux seuls 80% du marché. Mais si les labels commencent à penser qu’ils perdent du terrain face à Spotify, ils ne sont pas dépassés pour autant, loin de là. Spotify est d’ailleurs sur le point d’entamer des discussions pour de nouveaux contrats avec les trois maisons de disques. Ces négociations devraient déterminer si la plateforme, entrée en Bourse au mois d’Avril, pourra enfin générer des bénéfices.
La croissance de Spotify est, à n’en pas douter, une menace pour l’industrie du disque. Mais pour autant, les principaux labels ne peuvent pas se passer de la visibilité offerte par le service de streaming suédois. Une liaison à haut risque pour les deux parties. Cependant, il existe une alternative pour Spotify : celle de rémunérer directement les artistes et ainsi de proposer un modèle économique qui serait plus juste envers les interprètes les moins renommés. Les majors resteront-ils les bras croisés devant une telle initiative ? Rien n’est moins sûr, mais approfondissons un peu cette nouvelle piste étudiée par Spotify.
Quand Spotify exploite un créneau délaissé par les majors
Spotify a engagé des actions concrètes pour se positionner non plus comme un simple maillon de l’industrie mais comme une véritable alternative aux labels et maisons de disques auprès des artistes indépendants et de leurs agences. En effet, l’entreprise suédoise est actuellement en train de revoir son business model pour satisfaire au mieux aux exigences de cette cible trop souvent délaissée par les acteurs traditionnels.
La première initiative de Spotify est de proposer à ces acteurs une rémunération plus juste. Fini donc les miettes réservées aux auteurs pour leurs créations. Spotify prône désormais un nouveau modèle où le “Big Three” (Universal Music Group, Sony Music Entertainment et Warner Music Group) n’est plus au centre des négociations. Le service de streaming tend en effet de plus en plus à court-circuiter les mastodontes de l’industrie afin d’établir des contrats de diffusion directement auprès des artistes avec des conditions très avantageuses pour les deux parties.
Ainsi, en l’absence d’intermédiaires à rémunérer, Spotify verserait 50% des revenus nets générés pour l’écoute d’un morceau sur sa plateforme directement dans la poche de l’artiste, ainsi que quelques redevances supplémentaires liées à la composition musicale aux éditeurs et aux sociétés de perception. À cet égard, bien que Spotify propose des contrats de diffusion à des montants significativement plus bas que ce qu’ont l’habitude d’offrir les acteurs traditionnels de l’industrie, le fait de percevoir une part bien plus importante des bénéfices générés sur la plateforme constitue finalement une alternative beaucoup plus intéressante pour les artistes indépendants.
De ce fait, les artistes pourraient voir leurs bénéfices augmenter et devenir détenteurs de 100% des droits de propriété sur leurs créations, ce qui n’arrive pour ainsi dire jamais lorsqu’ils signent un contrat avec un grand label. Ces conditions sont donc extrêmement avantageuses pour les artistes indépendants. D’autant plus que Spotify fait preuve d’une certaine flexibilité en n’imposant pas de clause d’exclusivité, ce qui peut potentiellement permettre aux auteurs de signer des contrats avec d’autres plateformes et ainsi de gagner en notoriété.
Par ailleurs, Spotify a tendu une nouvelle fois la main aux artistes moins renommés en mettant en place « Spotify for Artists », un outil qui leur permettra de partager gratuitement et par leurs propres moyens leur contenu sur la plateforme. En effet, cette offre, actuellement en bêta-test aux Etats-Unis, disposera de plusieurs options telles que :
- la prévisualisation du rendu final d’un titre ou d’un album avant sa diffusion sur la plateforme,
- l’accès à l’édition des métadonnées de leurs chansons,
- un outil de web analytics,
- le suivi de l’évolution de leurs royalties,
- leurs statistiques d’écoutes.
Cependant, quels avantages peut tirer Spotify de cette situation ? Le leitmotiv de la société suédoise tient actuellement en un mot : rentabilité. Malgré ses 180 millions d’utilisateurs dont 75 millions d’abonnés payants, Spotify a enregistré près de 378 millions d’euros de pertes en 2017 et la tendance ne semble pas s’inverser sur 2018, malgré l’introduction en Bourse de l’entreprise en Avril dernier. Comme expliqué un peu plus tôt, ceci est notamment dû à l’ancien modèle économique du service de streaming selon lequel il reversait la majeure partie de ses revenus nets aux labels et maisons de disques. En excluant le Big Three des négociations, Spotify a peut-être trouvé une parade à ce problème.
En effet, le fait de rétrocéder une part plus importante des revenus nets générés sur la plateforme directement aux artistes permet à Spotify de proposer des contrats de diffusion à des montants certes significativement plus bas, mais finalement beaucoup plus attractifs que ce qu’ont l’habitude d’offrir les acteurs traditionnels de l’industrie. De ce fait, ces contrats conclus de manière individuelle avec chaque auteur permettent à Spotify de réduire ses coûts car les sommes reversées aux artistes sont beaucoup plus faibles que celles que le service de streaming avait auparavant l’habitude de transférer aux labels et aux maisons de disques. Spotify a donc mis le doigt sur ce qui semble être une solution gagnant-gagnant (pourvu que l’on ne soit pas un membre du Big Three) : une réduction des investissements et donc des coûts par auteur pour la plateforme contre une rémunération plus importante des petits artistes et de leurs managers/agences.
Cependant, Spotify doit bien assurer ses arrières. En effet, compte tenu de la nature des contrats de licence qu’elle a conclu avec le Big Three, la plateforme de streaming n’a pas la possibilité de se créer un catalogue d’artistes dont elle gérerait les droits ou de disposer des droits de propriété de leurs créations. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’entreprise suédoise a explicitement demandé aux auteurs avec qui elle a scellé des contrats directs de ne pas mentionner de « signature » afin de ne pas se retrouver dans une situation qui pourrait s’avérer encore plus périlleuse qu’elle ne l’est actuellement. Car si les labels et maisons de disques peuvent désormais difficilement se passer de la visibilité offerte par Spotify, l’inverse est tout aussi vrai.
Spotify en position de force ?
Il semblerait que Spotify soit passé à la vitesse supérieure pour atteindre ses deux objectifs principaux : obtenir plus de conversions freemium → premium et devenir plus attractif que les maisons de disques classiques pour les artistes. Il est encore trop tôt pour dire si Spotify a trouvé la formule magique pour dégager des bénéfices à la hauteur de ses attentes. Avec sa nouvelle offre, la firme suédoise arrivera-t-elle à séduire de nouveaux artistes ? L’éjection du Big Three va-t-elle accentuer les tensions ? Tout nous laisse à penser que oui, au grand bonheur des internautes. Affaire à suivre donc.