À l’ère du digital, le catalogue papier conserve son utilité
Si les industriels et les enseignes multiplient leur présence sur les supports numériques pour assurer leur communication, le catalogue papier reste un allié de choix pour porter l’image de leurs marques.
« Nous éditons autant de catalogues en 2019 qu’en 2015. » Le « constat de Caroline Harmant, directeur du marketing et de la communication de Knauf, résume parfaitement la situation. Alors que depuis plusieurs années tout le monde parle de se tourner vers une communication entièrement digitale, la réalité est tout autre, et le papier compte toujours de nombreux adeptes. L’approche est d’ailleurs souvent adaptée à la clientèle visée, selon Nicolas Legros, responsable du marketing de la marque Kinedo. « Nous n’avons pas les mêmes outils pour les clients particuliers ou professionnels. Pour ces derniers, nous disposons d’un catalogue de tarifs annuel qui reprend l’ensemble des informations de notre gamme mais qui n’est pas forcément très simple à manier. C’est un outil qui doit également servir à la formation. Pour les particuliers, nous essayons d’expliquer les produits, de les faire rêver avec des mises en ambiance. Nous sommes plus dans un esprit de carnet de tendances. »
Affirmer la présence de la marque. Point. P Matériaux de Construction applique la stratégie, explique Jérôme Sens, responsable de la communication commerciale de l’enseigne filiale de Saint-Gobain Distribution Bâtiment France : « Pour les particuliers, nous montrons avant tout l’étendue de notre gamme en mettant en avant des tendances pour leur faire découvrir que chez Point. P, nous proposons également des solutions pour répondre à leurs projets de rénovation. Dans nos catalogues professionnels, nous mettons surtout en priorité nos gammes matériaux et outillage avec des versions par région pour coller au mieux à la réalité du terrain. » Si les outils digitaux continuent de se développer en parallèle, l’attachement des clients pour le papier est une évidence, selon Régis Mabilon, responsable du marketing de la distribution chez Weber : « Chaque année, nos clients réclament notre guide, édité depuis 1992. Il s’agit d’un véritable lien entre le distributeur et le client final. Le Guide Weber a porté la marque Weber, c’est un formidable outil de promotion des nouveautés, d’autant qu’il est à disposition dans les points de vente. » Industriels et distributeurs le reconnaissent bien volontiers, le catalogue participe grandement de la notoriété d’une marque ou d’une enseigne. Pour Jérôme Sens, « il est le plus gros support de communication chez Point. P Matériaux de Construction, c’est l’outil qui véhicule le plus l’image de l’entreprise et les services que nous pouvons apporter aux clients ». Et Nicolas Legros d’ajouter que, pour Kinedo, il s’agit « d’une présence physique de la marque sur le point de vente à destination des distributeurs et des installateurs ».
Publier des éditions moins austères. Ce support de communication a su évoluer avec les années pour passer d’une simple présentation de gamme assez austère à un outil de tendances, aux ambiances recréées pour suggérer des idées aux clients finaux. Les négoces et les artisans peuvent s’en servir comme d’un outil de prescription. Tamara Bedjikian, directrice du marketing clients de VM, y perçoit même « un rapport sensoriel. Le catalogue papier crée un contact physique avec les clients et les sens entrent véritablement en jeu. Il a plus d’impact que la version digitale, car il est beaucoup plus difficile d’être attentif avec une lecture sur écran, d’où l’importance qu’il soit bien fait ! Nous nous sommes rendu compte que les clients cherchaient des inspirations à travers les catalogues ; il est donc nécessaire de bénéficier d’une grande qualité visuelle, avec des belles photos, pour susciter l’envie. Nous avons aussi intégré des témoignages clients et des renvois vers notre blog, car les offres sont complémentaires. » Jérôme Sens, lui, y voit une réelle logique pour accompagner le parcours client : « Les particuliers vont aller chercher de l’inspiration sur le Web, mais ils veulent voir physiquement les produits, pour les toucher, visualiser les formats… Il vont donc se déplacer sur le lieu de vente. Nos catalogues entrent en scène à ce moment-là, car les clients pourront repartir chez eux avec, et continuer leur recherche d’inspiration avant de passer commande. » Associer papier et digital semble être en accord avec le vent de l’histoire, sachant qu’il existe différentes solutions pour y parvenir. Ainsi Caroline Harmant analyse le numérique comme un prolongement du papier : « Toutes nos fiches produits se retrouvent sur notre site, de manière plus détaillée. Le catalogue papier doit donner les infos utiles à ce qui est utilisé sur le point de vente alors que l’ensemble des informations se retrouveront sur le Web. » Passer de l’un à l’autre est également ce que Weber a voulu faire grâce à l’intégration de codes QR à l’intérieur du catalogue pour accéder directement à la fiche produit sur le Web.
Jouer la complémentarité. Chez Point. P, la nouvelle édition 2019 des catalogues va marquer un tournant dans l’association papier-digital. Jérôme Sens explique : « Si nous avons constaté qu’il était toujours très important d’avoir ce lien papier avec les clients, nous avons souhaité digitaliser un peu plus les catalogues qui vont sortir le 11 avril. Ainsi, nous avons placé un code-barres à côté de chaque article. Grâce à l’appli Point. P (gratuite), le client peut alors flasher le code-barres pour connaître le stock du produit dans son agence à J-1 ainsi que son tarif personnalisé. C’est une véritable innovation qui va permettre aussi aux clients de passer éventuellement commande directement en ligne, notre site devenant e-commerce dès avril. Nous répondons ainsi aux attentes de clients qui nous ont exprimé un vrai besoin d’être renseignés sur la disponibilité des produits et sur le prix lors de tables rondes que nous avons organisées. »
« Le catalogue papier crée un contact physique avec les clients et les sens entrent véritablement en jeu. Il a plus d’impact que la version digitale. » Tamara Bedjikian, directrice du marketing clients de VM
Développer des synergies. Avec cette nouvelle édition de son catalogue, Point. P matérialise vraiment la complémentarité entre papier et Web, le site Internet (ou l’appli) devenant le prolongement du catalogue papier. Est-ce un premier pas vers la disparition du papier ? Tamara Bedjikian n’y croit pas : « Le digital ne peut pas encore remplacer le catalogue. L’édition de catalogues représente un coût, mais nous ne pouvons pas nous en passer, c’est quelque chose que l’on partage, que l’on transmet, c’est un outil qualitatif où le choix des visuels et du papier est primordial… Il faut également une bonne synergie entre les différents médiums pour une communication efficace. Nous utilisons aussi les réseaux sociaux pour mettre en avant de jolies réalisations avec de vrais chantiers associés à des témoignages de clients. » Une manière de rendre plus concrète la promesse faite à travers le catalogue et ses belles ambiances proposées.
Passer vers le tout-digital ne semble pas pour demain, et si certains acteurs de la grande distribution (notamment E. Leclerc) ont tenté le pari, ils sont rapidement revenus en arrière pour remettre un lien papier avec leurs clients, dans leurs boîtes aux lettres. Pour Jérôme Sens, « nous sommes dans un entre-deux où il faut réussir à utiliser les deux canaux de communication notamment parce que nous n’avons pas une population de clients 100 % digitalisée. Après il faut trouver le bon compromis, parce que nous sommes aussi dans une dynamique environnementale qui demande un ajustement dans la bonne gestion du papier. Il est important d’innover, pour inciter nos clients à utiliser davantage le digital. » Le catalogue papier a donc encore de beaux jours devant lui, le tout est de savoir bien doser papier et digital.