Booktubeurs, blogueurs, bookstagrameurs… De nouveaux termes font leur apparition dans le monde de l’édition ! Avec l’avènement du digital, les tendances se sont diversifiées et ont ainsi pu créer de nouvelles opportunités pour le monde littéraire. Mais au final, qui sont-ils vraiment ? Que peuvent-ils vous apporter, vous les professionnels de l’édition ? Nous faisons le point.
Autrefois délaissés voire sous-estimés par les éditeurs et les salons d’édition, les influenceurs sont dès à présent reconnus comme un véritable levier permettant au monde littéraire de gagner en visibilité sur Internet et, surtout, de jouer un rôle dans la décision d’achat auprès des internautes . Considérés comme “un nouveau type de créateurs”, c’est grâce, entre autres, à Nine Gorman et Emilie Bulledop, deux influenceuses littéraires très connues, que le monde de la littérature et de l’édition s’est ouvert petit à petit au phénomène de l’influence.
Les influenceurs de l’édition : qui sont-ils ?
D’après une enquête réalisée en 2018 par l’Agence Régionale du Livre (ARL) auprès de 50 blogueurs, booktubeurs et bookstagrameurs, le profil type de l’influenceur du livre est le suivant :
Quel est l’intérêt pour un professionnel du livre de faire appel à un influenceur ? À cette question, les influenceurs répondent qu’ils jouent le rôle d’interface entre les professionnels et les lecteurs, ce qui leur permet de cibler un public particulier, généralement celui des jeunes, de promouvoir des livres qui ne bénéficient pas forcément d’un plan média et de véhiculer une autre image du livre. Le souffle des mots, Bulldop et Victor Dixen font aujourd’hui partie de la liste des influenceurs littéraires les plus en vogue du moment :
Source : Instagram – @lesouffledesmots
Blogueuse littéraire et booktubeuse depuis 2013, Audrey (Le Souffle des Mots) conseille les livres en fonction d’un contexte : la cuisine ou encore le bien-être personnel pour ne citer qu’eux. Elle partage également ses idées lectures et propose à ses abonnées de gagner des livres par le biais de jeux concours qu’elle met en place dans le cadre de partenariats.
Source : site internet de Victor Dixen – www.victordixen.com
Écrivain se décrivant comme rêveur le jour et écrivain la nuit, il est son propre influenceur ! Il a déjà écrit 6 séries de livres fantastiques, dont certains sont des best-sellers. Sur son compte Instagram, il évoque l’avancement de ses projets, fait gagner quelques exemplaires de ses livres et reposte des critiques de ses ouvrages.
Source : Instagram – @bulledop
Véritable passionnée du livre, Emilie Bulledop est une dévoreuse de mots ! Elle offre sur sa chaîne YouTube des recommandations de lectures sur différents univers littéraires et parle également de mangas ou encore de sujets divers et variés autour de la bibliophilie.
Comme vous pouvez le constater, ces influenceurs se spécialisent davantage dans la littérature jeunesse, communément appelée la Young Adult, mais pas que ! Ils communiquent également sur la littérature générale, ce qui permet de toucher un public jeune et varié.
Mais alors, quelles sont leurs stratégies pour se distinguer sur le web ?
Les plateformes sociales : un levier digital supplémentaire pour les influenceurs
Bien que les réseaux aient fortement aidé les influenceurs à promouvoir les ouvrages, les acteurs de la littérature ne sont pas une nouveauté sur le web. Bien au contraire ! Avec l’arrivée du web participatif (web 2.0), les blogs spécialisés sur la chronique de livres sont apparus en 2003.
Ce qui change maintenant avec les réseaux sociaux : l’interaction. Les échanges entre les influenceurs et les internautes deviennent de plus en plus fréquents et se font très facilement. Ainsi l’internaute peut donner son avis et l’influenceur adapter son contenu pour répondre au besoin du premier.
Aujourd’hui les influenceurs sont capables de toucher un public jeune mais aussi une cible beaucoup plus large. Avec le système des hashtags, les internautes sont en mesure de trouver du contenu en lien avec leurs centres d’intérêt, ce qui permet aux influenceurs de toucher une cible en lien avec leur contenu.
Depuis l’arrivée de Facebook, des réseaux sociaux sont nés et ont ainsi pu développer un véritable secteur littéraire amateur. Leur principal avantage : tout le monde est à égalité, que ce soit l’auteur, l’éditeur ou le lecteur. Chaque partie peut communiquer et échanger de l’information sans pour autant passer par un processus lié à une chaîne éditoriale.
Youtube et les booktubeurs
La plateforme sociale de la vidéo, si on peut l’appeler ainsi, est un véritable terrain de jeu pour les influenceurs, appelés booktubeurs car ils sont présents sur YouTube.
C’est un phénomène international : on retrouve des booktubeurs un peu partout dans le monde et de toutes origines. Chacun a son propre style, sa manière de présenter l’information ou encore ses genres littéraires de prédilection et leur propre public. Ce sont majoritairement des femmes (hello les booktubeuses !). Néanmoins certains hommes se font connaître. C’est le cas notamment de La brigade du Livre qui, à ce jour, comptabilise un peu plus de 38 000 abonnés sur leur chaîne YouTube.
Instagram et les bookstagrameurs
Arrivé plus tard sur le marché des réseaux sociaux, Instagram a su tout de même attirer les influenceurs du livre grâce à des bookstagrameurs influents.
L’idée est simple : les influenceurs utilisent Instagram pour exprimer leurs intérêts littéraires et faire découvrir à leur communauté leurs nouvelles inspirations. Grâce à des techniques graphiques, ils arrivent à mettre en scène le livre dans un univers approprié. La plupart du temps, ils ont un blog en supplément pour pouvoir rédiger des articles sur leurs critiques littéraires. Leur logique ? Capter l’attention de leur communauté par la photo sur Instagram et la rediriger ensuite sur le blog pour lire la critique.
L’émergence du hashtag #bookstagram a permis notamment de réunir tous les passionnés du livre. Réunissant aujourd’hui presque 64 millions d’utilisateurs, il est un véritable tremplin pour les influenceurs mais aussi un moyen pour les lecteurs de découvrir des livres, des univers… Encore une fois, cela démontre que les réseaux sociaux permettent de créer un lien entre l’éditeur et les lecteurs. C’est une stratégie à prendre en considération pour les professionnels de l’édition s’ils veulent booster leur business.
Pour résumer, les réseaux sociaux ont permis et permettent encore aux éditeurs de faire connaître leurs livres et d’augmenter leur chiffre d’affaires. D’autres réseaux sociaux, comme Tik Tok et Snapchat, attirent peu à peu l’univers de la littérature, notamment les passionnés du Young Adult puisqu’on trouve sur ces deux plateformes sociales un public âgé entre 15 et 24 ans.
Influenceurs et professionnels du livre : quels partenariats possible ?
D’après Stéphanie Vecchione, consultante en promotion digitale du livre, il existe plusieurs types de partenariats entre un influenceur et un professionnel de l’édition.
La plupart du temps il s’agit de partenariats non commerciaux. C’est le cas notamment des services presse et des jeux concours. L’influenceur n’est pas rémunéré ; il reçoit de la part de l’éditeur du contenu et un outil d’animation intéressant pour sa communauté. De plus, il ne parle que du livre dès lors qu’il l’a aimé ou que sa critique s’est avérée constructive.
Toutefois, à partir du moment où le travail demandé à l’influenceur devient conséquent, comme la création d’une vidéo visant à mettre en avant une maison d’édition par exemple, nous entrons dans la catégorie des partenariats commerciaux. Ce fut le cas notamment entre Decitre et Emilie Bulledop. Cette dernière a présenté l’offre et l’équipe de la librairie de Levallois. L’éditeur peut également demander à l’influenceur d’animer ses réseaux sociaux pendant une journée, une soirée ou même couvrir un événement.
Un des éléments déterminants pour un éditeur, dans sa volonté de nouer un partenariat avec influenceur, est le nombre d’abonnés de celui-ci. En effet, s’il a une communauté assez vaste, le partenariat sera très probablement de type commercial.
Quels sont les avantages pour le professionnel de l’édition ?
Stéphanie Vecchione explique qu’il est intéressant d’entretenir un ensemble de partenaires intéressés et engagés autour de son catalogue produits. Cela a des répercussions sur toutes les nouvelles sorties mais également sur le fonds de catalogue.
La principale limite d’un partenariat avec un influenceur est le coût. Pour un petit éditeur, Stéphanie Vecchione recommande de privilégier les partenariats non commerciaux, sauf s’il y a un enjeu très important autour d’un livre et qu’un budget assez élevé est prévu.
D’autre part, il ne faut pas oublier que créer une chaîne YouTube, pour une maison d’édition, prend du temps et de l’énergie. Il faut du temps pour créer les vidéos, créer et agrandir une communauté. Il faut aussi penser à rémunérer une ressource humaine dans certains cas. L’influenceur, de son côté, a déjà sa communauté. Il peut rapidement apporter des résultats concrets à l’éditeur. Le retour sur investissement (ROI) est plus impactant.
Un des faits importants concernant les influenceurs est qu’ils jouent un rôle dans la décision d’achat des internautes. En effet, depuis qu’il est possible de donner son avis sur Internet, les lecteurs les consultent, se font leur propre opinion et lisent les recommandations. Il a même été prouvé que l’internaute passe à l’acte d’achat à partir du moment où les avis qu’il a reçus sont positifs et qu’il a été recommandé par son entourage, un collègue ou un ami par exemple.
Au niveau du tarif, combien ça coûte ?
La question “faut-il rémunérer un influenceur ?” a souvent été posée auprès des professionnels. Et la réponse est oui ! Pourquoi ? Tout simplement parce qu’ils sont des professionnels dont l’activité consiste à animer une communauté. En les sollicitant, une relation basée sur un contrat se forme.
Toutefois, la rémunération peut prendre plusieurs formes : l’influenceur peut recevoir de la part du professionnel un produit gratuitement, en l’occurrence le livre sur lequel il doit communiquer, une invitation à un événement (un salon du livre par exemple) ou encore une compensation financière.
Les critères pour fixer la rémunération sont multiples ! Il faut prendre en considération la “puissance” de l’influenceur. En effet, plus sa communauté est élevée, plus il réalise d’engagement et plus la rémunération sera conséquente. De même que la zone géographique de l’influenceur a son importance. En effet, le coût d’investissement en campagne d’influence dépend avant tout du prix du marché. Faire appel à un influenceur parisien coûtera plus cher qu’un influenceur tunisien par exemple. Enfin, la complexité du brief joue également un rôle dans la rémunération. Plus la demande sera exigeante et demandera du temps, plus le coût sera élevé.
Aujourd’hui en France, même s’il est difficile d’estimer une rémunération car plein de critères sont à prendre en compte, le blog Influence4you dresse les tarifs suivants selon les prix moyens de certains facteurs :
En définitive, faire un appel à un influenceur peut apporter une véritable valeur ajoutée au business d’un éditeur. Le plus important est de choisir celui qui va être le plus en adéquation avec les valeurs du professionnel de l’édition.
Decrescenzo Éditeurs : la maison d’édition qui a choisi de faire des partenariats avec des influenceurs
Source : Facebook – @DecrescenzoEditeurs
Créée en 2012, Decrescenzo Editeurs est une maison d’édition spécialisée en littérature coréenne. Franck de Crescenzo, Directeur de ladite maison d’édition depuis bientôt 10 ans, a mis en place de nombreux partenariats avec des influenceurs du livre. En voici quelques exemples.
Des partenariats avec des blogueurs et booktubeurs
La stratégie de Decrescenzo Editeurs a été de créer leur ligne éditoriale sur la base de partenariats.
Ainsi ils ont repéré et contacté un ensemble de blogueurs qui traitaient de littérature coréenne ou de Corée tout simplement. Leur objectif ? Être au plus proche de son lectorat. D’après Franck de Crescenzo, faire appel aux blogueurs leur a permis de compenser le déficience au niveau des relations presse et de remplacer un article papier par une chronique web. D’autre part, il y avait un avantage : les blogs constituent un bon relais et la communauté possède une certaine fidélité.
Au niveau de YouTube, ils ont fait appel à quelques influenceurs pour travailler sur des chroniques vidéos. Le bilan ? Des retours positifs et encourageants ! Pour le moment Franck de Crescenzo affirme qu’il s’agit-là d’une partie à développer et à perfectionner.
La mise en place d’opérations sur Internet
Concours, articles, relais sur les réseaux sociaux… Quelques opérations sur Internet ont été mises en place par la maison d’édition dans le simple but de faire la promotion sur leurs livres et installer leur marque éditoriale.
Tout comme pour les blogs, ils ont ciblé des groupes à thème comme la Corée, l’Asie ou encore la littérature sur le plan international mais aussi local pour justement jouer la “fibre locale”
Par ailleurs, des partenariats avec des professionnels comme Babelio, Collibris ou encore le VendrediLecture ont été formés. Ces partenariats ont permis à la maison d’édition de fidéliser leur lectorat et de conserver un lien auteur-lecteur fort.
Vous l’aurez compris, les réseaux sociaux et l’influence ont joué un rôle majeur dans le business development des maisons d’édition. Les attentes des lecteurs ont évolué et ces deux leviers digitaux ont permis notamment aux professionnels de l’édition d’entrer directement en contact avec eux pour cerner leurs besoins et surtout créer une véritable communauté autour de la passion du livre.
Quentin Gradel et Axel Casanova
Sources :
https://blogfr.influence4you.com/top-12-des-influenceurs-litteraires/
https://www.livre-provencealpescotedazur.fr/nos-actions/les-influenceurs-une-opportunite-pour-le-livre-et-la-lecture/petite-enquate-aupras-des-influenceurs-du-livre-80
https://www.livre-provencealpescotedazur.fr/nos-actions/les-influenceurs-une-opportunite-pour-le-livre-et-la-lecture/partenariats-entre-influenceurs-et-professionnels-du-livre-les-bonnes-pratiques-70
https://www.netemedia.fr/les-reseaux-sociaux-nouveau-secteur-porteur-du-livre/
https://www.livre-provencealpescotedazur.fr/nos-actions/les-influenceurs-une-opportunite-pour-le-livre-et-la-lecture/un-aditeur-des-influenceurs-81
https://blogfr.influence4you.com/combien-faut-payer-influenceurs-partenariat/