Révolution au pays de la mode ! Depuis quelques années, la seconde main est en plein boom, notamment dans le secteur de l’habillement. Face à la multiplication des plateformes de revente entre particuliers et à leur succès grandissant, les acteurs traditionnels s’adaptent pour relever les nouveaux défis de ce marché en pleine mutation.
Qu’il soit motivé par des considérations économiques ou écologiques, l’achat de vêtements d’occasion sur internet est devenu une habitude pour bon nombre de français. En témoigne le succès affolant de la plateforme Vinted ! D’après Lucie Soulard, co-fondatrice d’une solution web pour les enseignes souhaitant s’ouvrir au marché de l’occasion : “les millennials vont consulter un site de revente avant même d’aller sur l’e-shop de la marque en question. Le marché de la seconde main explose et échappait jusque-là aux marques.” Face à cette mutation des comportements de consommation, les acteurs traditionnels du secteur de la mode doivent alors s’adapter pour rester dans la course.
C’est le cas de La Redoute qui, en décembre dernier, lançait son offre de seconde-main avec son site La Reboucle. Avec ce nouveau service, l’enseigne souhaite clairement affirmer ses engagements RSE et “invite ses clients à s’impliquer dans l’économie circulaire et le développement durable”. Au-delà des raisons purement écologiques mises en avant, La Redoute souhaite surtout fidéliser sa clientèle et s’affirmer en tant que “plateforme lifestyle préférée des familles ». Le fonctionnement est simple : les clients peuvent vendre leurs produits d’occasion via le site La Reboucle, en échange de cash ou d’une carte cadeau créditée de 25% supplémentaires, à dépenser… sur le site de Laredoute, évidemment !
Pas question non plus pour Zalando de se laisser concurrencer ! Actuellement premier cybermarchand de mode en Europe, la marque a d’ailleurs récemment déployé une campagne de communication massive afin de promouvoir sa nouvelle offre de seconde-main. Là encore, le système de reprise des vêtements se fait en échange de cartes cadeaux Zalando, pour des produits neufs donc.
Nombreuses sont donc les marques à succomber à l’appel de la seconde-main et à lancer leur propre plateforme : C&A avec oCcAz, Kiabi avec Seconde main by Kiabi… pour n’en citer que quelques-unes. Si la majorité de ces entreprises justifient le choix d’élargir leur offre par des raisons écologiques ou de durabilité, toutes proposent sensiblement les mêmes récompenses : Des cartes-cadeaux ou réductions, à utiliser sur leur collection actuelle. Ainsi, le but reste tout de même de fidéliser le client en le poussant à vendre d’occasion pour acheter du neuf.
Même les marques avec des positionnements plus haut de gamme se lancent dans l’aventure, à l’image de Sandro, The Kooples, Ba&sh ou encore Aigle. Cependant, là où les enseignes de fast-fashion acceptent toutes marques lors de la collecte, ces dernières se chargeront de revendre leur propre produit uniquement ! Il s’agit peut-être là d’un moyen de garder la mainmise sur la seconde vie de leurs vêtements et de conserver un certain prestige, tout en captant une clientèle avec un budget plus réduit.
Mais passer à l’occasion pour un acteur traditionnel de l’industrie de la mode n’est pas si simple et implique des défis notamment logistiques, mais aussi des coûts, comme l’explique Benoît Samarcq, spécialiste retail et e-commerce de Xerfi : “Les business models et la structure de coûts de la vente de produits d’occasion sont bien différents du commerce de détail de produits neufs. L’offre de produits d’occasion expose notamment au risque d’écorner son image de marque – en raison d’une offre jugée moins qualitative ou encore d’accentuer les pressions tarifaires en modifiant durablement les prix de référence des clients.”
La question du risque de cannibalisation d’une partie des ventes de produits neufs se pose également. Dans le secteur du luxe, ce phénomène ne semble pas avoir lieu, et au contraire la seconde main apparaît comme complémentaire et limite vertueuse pour les enseignes. En effet, une cliente qui se tourne vers la seconde-main pour s’acheter un sac de luxe par exemple, le fait, car elle n’a pas les moyens de s’acheter du neuf.
Cependant, le pari peut-être plus risqué pour les enseignes bas de gamme et de fast-fashion. En effet, pourquoi un client achèterait t-il un article neuf alors qu’il sait qu’il pourra facilement le retrouver d’ici quelques jours sur une des multiples plateformes disponibles ?
Si pour l’instant certaines marques tentent de relever le défis de se mettre à la seconde-main, sous couvert de motivations écologiques, l’idée première reste de conserver une clientèle, et de contrer le géant Vinted qui ne cesse de gagner du terrain. Face à cette course effrénée, l’achat d’occasion semble perdre un peu de son sens premier, surtout sur le volet écologique.
Cette nouvelle offre commerciale a-t-elle réellement pour but d’enrichir les marques ? Ou ne s’agirait-il pas là d’une stratégie de greenwashing pour se démarquer dans un marché où les habitudes de consommation sont en plein bouleversement ?