Attirer une audience large dans l’univers des jeux vidéo est un défi de taille pour les éditeurs et les développeurs.
Entre les joueurs occasionnels qui veulent juste se détendre et passer le temps, les hardcore gamers exigeants et les familles à la recherche d’un moment convivial à partager (comme expliqué dans mon précédent article), il devient crucial d’adopter des stratégies de communication adaptées pour sortir du lot et capter l’attention du plus grand nombre de personnes.
Au cœur de cette industrie, les jeux AAA se démarquent très clairement. Considérés comme de véritable « blockbusters » vidéoludiques, ces jeux à gros budget dictent souvent les tendances en matière de marketing et d’innovation.
Mais comment ces géants du jeu vidéo parviennent-ils à cibler autant de personnes tout en répondant aux besoins de chacun ?
Plongeons-nous dans les secrets du marketing des Triple A.
Vous avez dit jeu Triple A ?
Avant d’explorer les outils et les techniques qui permettent à l’industrie du jeu vidéo de s’adresser à un large public, posons tout d’abord les bases :
Qu’est-ce qu’un jeu AAA (prononcé triple A) ?
AAA est un acronyme qui vient du monde de la finance. Ce terme désigne la note maximale accordée à un titre (créance, opération de financement, etc.) émis par une entreprise ou un État.
Dans l’univers vidéoludique, ce sens n’est pas si éloigné de cette définition.
Selon Presse-citron, un triple A est un jeu vidéo à très gros budget, développé par un grand studio (exemple : Ubisoft, Nintendo, etc.) et destiné au grand public, offrant généralement une expérience de jeu ambitieuse et de haute qualité graphique. Ce sont eux qui, en grande partie, dictent les standards de l’industrie vidéoludique.
Les jeux AAA se caractérisent par plusieurs éléments clés (précise la Tribu Du Web) :
- Le développement du jeu qui prend souvent plusieurs années et nécessite une grande équipe de développeurs, concepteurs, ingénieurs du son, etc.
- Des mécanismes de jeu immersifs et captivants
- La qualité de leurs graphismes, conception sonore et leurs valeurs de production en général
- Un budget colossal qui nécessite des investissements financiers importants pour leur développement
- La portée et l’impact significatif sur l’industrie du jeu dans son ensemble. Ils définissent souvent des tendances et influencent l’orientation du développement des jeux, en repoussant les limites de ce qui est possible en termes de graphisme, de gameplay et de narration
Les jeux triple A bénéficient également de gros éditeurs jouant un rôle essentiel dans le bon déroulement du processus de production.
Les budgets dédiés à la promotion peuvent atteindre des montants impressionnants et il n’est pas rare que le budget marketing d’un jeu AAA représente 50% ou plus du budget de développement.
Comme exemple nous pouvons citer Red Dead Redemption 2 de Rockstar games, avec pas moins de 300 millions de dollars alloués à la campagne marketing sur un total d’environ 944 millions de dollars.
Avec un budget aussi important, ces productions sont marketées pour cibler des millions de joueurs et sont pensées pour atteindre un succès mondial.
Du marketing en veux-tu en voilà !
Pour toucher un large public, les éditeurs investissent dans des campagnes publicitaires gigantesques : télévision, mobilier urbain, DOOH, réseaux sociaux, etc., tout est utilisé pour faire la promotion des futurs jeux Triple A.
Le jeu Cyberpunk 2077 du studio CD Projekt illustre parfaitement cette campagne marketing massive.
Ses publicités ont été déployées dans 55 pays et traduites en 34 langues, couvrant aussi bien les médias traditionnels (télévision, presse, affichage publicitaire) que les plateformes numériques comme Instagram, YouTube, et X (anciennement Twitter).
Une affiche du jeu a même été placée à Times Square pour un coût impressionnant de 2,5 millions d’euros, sans oublier la diffusion de la publicité marquante narrée par l’incroyable Keanu Reeves.
Ces méthodes sont les plus communes mais certains éditeurs vont un peu plus loin en mettant en place des campagnes virales.
C’est le cas notamment avec le studio Digital Extremes qui, en 2019, a collaboré avec l’agence WhoIsTheBaldGuy pour faire la promotion de la mise à jour de leur jeu Warframe, à travers une caméra cachée.
Le pouvoir des influenceurs
Avec la montée en puissance du streaming en direct et du Esport, les influenceurs sur Twitch, YouTube ou TikTok se sont imposés comme des figures clés de l’industrie du jeu vidéo.
En 6 ans, + 78% des influenceurs ce sont intéressés au gaming, permettant aux développeurs et aux éditeurs d’atteindre un public plus large et plus diversifié que les méthodes de marketing traditionnelles.
Faire appel à eux permet de générer de la visibilité, de l’engagement et de la confiance autour d’un jeu (Triple A ou indépendants).
Ils peuvent également jouer un rôle essentiel dans la réussite du lancement en présentant le jeu d’une manière authentique et immersive.
En 2020, Riot Games sort son nouveau jeu, VALORANT, et a ciblé des streamers sur Twitch qui avaient de nombreux adeptes dans la communauté CS:GO, Call of Duty et Apex Legends.
En collaborant avec cette plateforme de streaming, Riot Games a lancé sa version bêta fermée exclusivement aux streamers de certains pays et à incité les utilisateurs à regarder les streams du jeu pour avoir une chance d’obtenir un accès à la bêta fermée.
Résultats : les utilisateurs de la plateforme ont regardé 334 millions d’heures de contenu VALORANT sur Twitch au cours du premier mois de collaboration et Riot Games a pu optimiser son budget marketing.
La hype oui, mais pas que !
Pour maximiser l’engouement des jeux triple A et toucher un public mondial, les éditeurs profitent des showcases en ligne (Nintendo Direct, State of Play de PlayStation, etc.) et des évènements physiques (Gamescom, Paris Games Week, etc.), pour partager des bandes annonces et des exclusivités.
Cela provoque une attente chez les joueurs et les motive à acheter le jeu à sa sortie.
Le jeu God of War Ragnarök, développé par Sony Santa Monica Studio, fait partie de ces Triple A qu’on n’attendait pas et a enflammé les réseaux sociaux lors de sa révélation à l’E3 de 2016. Après un mini concert, presque 10 min de gameplay ont été dévoilés, provoquant la hype chez les joueurs, fan ou non.
Si le numérique fait des merveilles, les expériences IRL (en réel) conservent une place privilégiée pour renforcer le lien émotionnel entre les jeux et les joueurs. Organiser des événements immersifs avant le lancement d’un titre permet de transporter les fans dans l’univers du jeu.
Par exemple, le jeu Princess Peach : Showtime ! de Nintendo a eu le droit à une avant-première exclusive, où des créatrices de contenu belges ont pu tester le jeu avant sa sortie. Ce type d’événement crée une connexion unique entre les joueurs et la marque, leur offrant un avant-goût exclusif du produit et permettant ensuite aux influenceurs d’en faire la promotion sur les réseaux sociaux.
En plus de ces événements, des expériences uniques comme les alpha/bêta, les playtests, les démos ou bien encore les early access sont un bon moyen pour engager les joueurs et les prospects. Ils permettent de découvrir en partie ou complètement le jeu tout en contribuant au développement de celui-ci.
Monster Hunter Wilds, le prochain gros jeu de Capcom, est un parfait exemple. Après avoir proposé une version jouable à la Gamescom puis à la Paris Games Week l’année dernière, deux bêta ouvertes du jeu ont eu lieu, une fin octobre 2024 pour les membres PlayStation Plus et une début novembre 2024 pour les joueurs console et PC.
Capcom a ainsi pu récolter de nombreux retours et a déjà prévu d’améliorer le jeu avant sa sortie le 28 février 2025, ce qui rassure les fans et les motive à acheter le jeu à sa sortie.
On a échangé nos franchises
Les collaborations culturelles et les promotions croisées existent depuis longtemps. Elles jouent un rôle essentiel dans le marketing vidéoludique et permettent aux développeurs et aux éditeurs de toucher des audiences larges, d’augmenter la croissance des ventes, tout en renforçant l’univers des jeux.
Fortnite, jeu développé par Epic games, est un très bel exemple. Ce mastodonte du gaming aux 500 millions d’utilisateurs, multiplie depuis 2018 les partenariats avec des franchises culturelles majeures, comme Star Wars, Marvel, ou bien Stranger Things, afin d’accroitre sa notoriété et d’agrandir sa cible de joueur.
Il en est de même pour le jeu d’horreur et de survie Dead by Daylight de Behaviour Interactive qui nous permet de jouer avec plein de franchises de films d’horreur.
Ou bien encore Monster Hunter : World de Capcom qui a collaboré avec un autre grand jeu, The Witcher 3 : Wild Hunt de CD Projekt en proposant une quête spéciale.
Le jeu Minecraft développé par Markus Persson puis Mojang Studios ne fait pas exception à la règle et à aussi collaboré avec plusieurs marques dont Burberry en 2022.
15 skins aux couleurs de la maison de luxe étaient proposés ainsi qu’un jeu d’aventure baptisé « Burberry : Freedom to Go Beyond », où les joueurs étaient invités à découvrir quatre royaumes. Une collection de vêtements de luxe a aussi été créée pour l’occasion.
Ces collaborations s’étendent également aux productions audiovisuelles, comme la série Arcane sur Netflix, inspirée de l’univers du jeu League of Legends de Riot Games, qui a captivé à la fois les fans du jeu et un public plus large grâce à son récit riche et son animation de qualité.
De même, Amazon Prime Video a lancé Secret Level, une série qui met en lumière les coulisses de l’industrie du jeu vidéo, renforçant l’intérêt culturel pour ce média.
Quel avenir pour les Triple A ?
Les outils modernes évoqués permettent de combiner différentes approches, et à première vue, toutes ces stratégies marketing utilisées pour cibler un large public semblent efficaces (si l’on regarde les bénéfices des entreprises jouant avec ces procédés), mais est-ce que cela fonctionnera encore sur le long terme ? Est-ce qu’à trop vouloir plaire à tout le monde, finalement on ne plait à personne ?
À en croire certains, l’avenir ne serait pas de trouver encore d’autres méthodes pour toucher plus de joueurs, comme avec le Metaverse ou bien les IA, mais au contraire d’en faire moins pour privilégier la qualité à la quantité, et surtout innover en prenant des risques, comme ce que font les développeurs de jeux indépendants.