
“We belong to something beautiful”. Le très bienveillant slogan, semble offrir à ses clients un abri, un cercle de confiance et de bien-être. Ce cercle, c’est celui voulu par Sephora. Véritable fleuron made in France du retail beauté, la marque fondée à Limoges en 1969, affiche des chiffres qui donneraient le vertige à un équilibriste. Mastodonte dans un secteur à très forte concurrence, Sephora a su résister aux assauts répétés de ses deux plus grands ennemis. D’abord, ceux qu’on appelle les drugstore make-up, mais aussi et surtout, les e-retailers. Et non contente d’avoir relevé le défi de la concurrence directe au tournant des années 2010, Sephora s’est offert le luxe d’innover, d’aller plus loin. Son atout ? Son armée de clients hyper captifs et surtout la mesure des données qu’ils ont bien voulu offrir au cercle de confiance, parce qu’après tout, they « belong to something », mais à quoi exactement ?
1 Sephora : géant aux pieds d’argiles mais à la tête bien faite :

Fondée par un parfumeur français à la fin des années 1960, Sephora affiche une vitalité et une compétitivité qui écœurent la concurrence. Forte d’un chiffre d’affaires de près de 13 milliards d’euros en 2024, l’entreprise compte plus de 180 000 clients et emploie 46 000 personnes (dont 39 000 en magasin). Plus grand retailer beauté au monde, on pourrait donc imaginer que la marque, qui appartient au groupe LVMH (dont elle constitue l’un des fleurons), aurait trop à perdre, à force d’errances sur le terrain de l’innovation. Et pourtant, c’est à sa souplesse que ce géant du retailing beauté, implanté dans 35 pays, doit sa croissance perpétuelle. En 2011, avec 2 milliards de chiffre d’affaires dans le monde, Sephora s’offre une belle frayeur. Attaquée de tous côtés, d’abord sur sa tranche « magasins physiques » avec l’essor des parfums et cosmétiques à bas prix, dépassée aussi par les pure-players, tels que Beauty-bay ou Blissim, la marque décide de revoir en profondeur son business model. La réputation de l’enseigne s’effrite, mais elle possède en réalité un trésor dont peu peuvent se targuer : Sa base clientèle qui lui permet d’obtenir des données, de les tracker, mais surtout de les transformer en vente à nouveau. Ainsi, de simples réponses à des questionnaires ou l’intégration à des programmes de fidélité, donnent à la marque de précieuses informations sur les habitudes d’achats, leur saisonnalité, les réponses positives ou non aux offres commerciales. Et ces informations sont utilisées sur tous les canaux, à tous les niveaux. En magasin, celles fournies sur internet sont utilisées par les vendeurs pour orienter et déclencher une vente en fonction de ce qui plait au client. Sur l’application, on connait la temporalité des achats en magasin, l’adresse et la météo. Avec pour résultat, en moins de dix ans, de faire de la marque le 3ᵉ site d’e-commerce beauté-santé en France, en terme de nombre de clients avec 19% de parts de marché (Fevad) derrière Amazon et Vinted. C’est à une idée toute simple, qui devient géniale lorsqu’on fait la taille de Sephora, que l’on doit ce succès. Celle de l’Atawad.
2- L’ATAWAD ou le partout, tout le temps :
Sa plus grande réussite, c’est à une omnicanalité au cordeau que Sephora la doit. L’ATAWAD (ou Any Time, Any Where, Any Device) a permis à l’enseigne d’exister

absolument partout où VOUS existez. Sans se rendre trop oppressante, avec une présence en ligne mais aussi hors ligne (à laquelle elle tient toujours farouchement via ses 30 000 points de vente physiques), elle a surtout mis au point l’application mobile « My Sephora » très tôt, dès 2012. Puis, à coup d’intelligence artificielle, elle a pu affiner sa compréhension clients et éviter un maximum de frottements sur les différents points de contact. Et pas que le digital. L’IA est venue nourrir encore plus l’image de la marque auprès de son public. Au-delà de permettre aux vendeurs (en physique) et aux équipes marketing d’accéder aux informations personnelles de sa clientèle, véritable mine d’or, les offres personnalisées (type anniversaire, chute de cheveux ou maquillage pour peaux à besoins spécifiques), les chatbot, les outils de diagnostic, mais aussi et surtout, le géotracking qui permet à la marque d’orienter les consommateurs vers les boutiques les plus proches et d’observer la concentration de clientèle à ajuster au besoin, ont fait littéralement exploser le potentiel de connaissance client de Sephora. Être partout, tout le temps a permis à l’enseigne de passer du retailing digitalisé au stade supérieur. Celui du «Phygital ». La force de Sephora est de toujours activer un canal, voire plusieurs, en plus de celui initialement sollicité, au même moment. Il n’est en aucun cas question de fonctionner par alternance. L’attaque est toujours simultanée . Et c’est Alexandre Meerson, directeur digital, data et IT EMEA pour Sephora qui en parle le mieux. En juin 2024, au cours d’une interview accordée à Le Media, il indique : « Nous mesurons l’impact des activations digitales sur le business retail et ses applications au service de nos conseillères et des clients en points de vente, notamment via les outils de diagnostic. La part du chiffre d’affaires digital est croissante et va bien au-delà de l’e-commerce ».
SEPHORA FLASH : L’hybridation poussée à son paroxysme : En octobre 2015, Sephora fait trembler le monde de la beauté et installe, en plein cœur de Paris, une toute petite boutique face à l’Hôtel de ville. D’un genre particulier, celle-ci n’a pas vocation à s’implanter durablement. Sephora Flash opère une hybridation directement expérimentable entre le digital et le physique. Plus petit que les magasins traditionnels, il affiche moins de références, mais permet aussi d’acheter en ligne et rapidement des produits non exposés via des bornes interactives. Ceux-ci seront livrés chez lui ou sur place dans la journée. À l’entrée, un (vrai) robot distribue des cartes NFC (cartes intelligentes à courte distance) qui servent de paniers virtuels. Ce type de boutique, qui a fleuri entre 2015 et 2022, est une opération de promotion de la marque et de ses promesses de très grande envergure. En effet, elles ont surtout pour but la mise en avant des activités de bien-être puisqu’elles proposent entre autres, des bars à sourcils, des miroirs à selfies, des mises en beauté express… Les Sephora flash ambitionnent de mettre le digital au service de l’humain en faisant du commerce de proximité connecté, mais pas que. Cette expérience de marketing local, ramenée au global, permet à la marque de tirer des enseignements sur les nouveaux besoins des clients. Ainsi, si ce format de boutique n’existe plus aujourd’hui, il a permis de mettre en place un abonnement payant« same-day unlimited shopping » qui permet aux clients pressés d’obtenir en quelques heures chez eux ou en magasin les produits de leur choix. Sephora flash a donc constitué un test grandeur nature que seule la marque, véritable mastodonte du secteur, pouvait mettre en œuvre.
3 – De la mémoire transgénérationnelle à la mémorisation de vos habitudes d’achats :
Il semble très clair que le tour de force de Sephora n’est pas nécessairement le déploiement de ses moyens. La marque, même si elle a prouvé qu’elle avait su

s’adapter à l’ère du numérique, est très consciente et fière du rapport qu’elle entretient avec sa communauté gigantesque de clients. Elle les choie. Elle les « chouchoute » en quelque sorte. Mais surtout, elle n’oublie pas que les mères, les pères d’hier ont acquis des parfums et des crèmes, dans les mêmes magasins que fréquentent aujourd’hui leurs enfants. Que les enfants de ces enfants parcourront les mêmes allées. La promesse de la marque est là. Pour elle, il est inconcevable de renier son ADN. Dès 1969, c’est justement l’expérientiel, l’usage des sens, qu’ambitionne Dominique Mandonnaud (créateur de l’enseigne) pour se démarquer de la concurrence. Pour lui, il est impératif de flâner, de toucher, de sentir les produits librement. C’est toujours le cas aujourd’hui. On entre chez Sephora comme on pénètre dans un temple des sens. L’idée est là. Les vendeurs sont appelés « conseillers beauté » et sont formés par l’enseigne pour offrir des expériences clients personnalisées, formés également aux outils d’analyse clients. Tout est mis en œuvre pour fluidifier et mettre le public en confiance. L’image de marque est de plus en plus travaillée, en phase, voire à l’avant-garde sur les questions de genre et d’inclusivité. C’est ce travail de funnel haut qui porte aussi ses fruits, car, malgré les prix souvent plus élevés que ceux de la concurrence, le succès est indéniable. Les clients consomment des marques de luxe, Sephora ne s’en cache pas. Elle ne s’en est jamais caché, et le prix participe du cadeau que l’on se fait à soi ou que l’on fait aux autres.
4 – Quelle place pour le digital dans L’approche marketing de Sephora ?
Et avec un panier moyen en France de 52 euros en 2023 en magasin physique (Nielson IQ), contre 49 euros chez Marionnaud, on comprend vite, qu’acheter en magasin fait partie de l’expérience de consommation Sephora, ce qui ne l’empêche pas du tout de proposer les même services en e-commerce. Ici, la confiance reste la même. Sephora saura adapter son offre à ceux qui achètent plus fréquemment en ligne, puisque elle connait ses reflexe d’achats. Et cette même confiance engage de plus en plus et de mieux en mieux les clients dans le monde digital. On suit Sephora sur les réseaux comme on suivrait un membre de sa famille. Chaque marché couvert par la marque a sa propre page instagram, elle s’adapte à son public. A titre d’exemple La page Middle East met l’accent sur les soins capillaires, ou les marques locales comme Huda Beauty. En Angleterre, c’est plutôt l’expérience vécue, les questions d’inclusivité qui viendront nourrir le contenu. Mais toujours, c’est au global que tout se joue et aujourd’hui, Sephora réuni une communauté de 22,6 millions de followers sur Instagram (chiffres Iconosquare). La marque a su créer avec sa clientèle une relation forte, fondée sur la confiance, une connaissance fine des nouvelles habitudes d’achats grâce à l’usage d’outils intelligents et d’une stratégie omnicanal décomplexée.
« L’application mobile permet d’apporter une valeur ajoutée à chaque interaction, en proposant des recommandations personnalisées et en répondant aux besoins spécifiques des consommateurs. Cette approche centrée sur le client se traduit par une augmentation de la valeur client à long terme. Pour nous, la conversion n’est pas un indicateur, c’est un résultat. Ce n’est que le fruit de diverses activations », affirme avec force Alexandre Meerson, directeur digital de Sephora.
La marque a fourni bien des effort pour mieux comprendre ses clients. Pour vendre plus, évidemment, mais aussi pour vendre mieux, en phase avec les attentes de notre époque. Une stratégie du donnant-donnant mais aussi du gagnant-gagnant.

Melissa Krazem
Sources : « Mon rêve c’est 20 milliards »: la fulgurante ascension du mastodonte de la beauté Sephora
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