Décidément, ce début d’année 2019 est riche en annonces phares côté Google. Non content d’annoncer le lancement de phases de test pour la livraison de produits par drone dans quelques villes des Etats-Unis, le géant numérique de Mountain View s’essaye également à la diffusion d’annonces publicitaires dans les résultats de son assistant vocal Google Home.
S’il faut bien évidemment attendre les résultats de ce test pour savoir s’ils sont concluants, une chose est sûre : l’avènement du SEA vocal n’a jamais semblé aussi proche. Et avec lui, c’est à un exercice d’imagination qu’il faut se prêter pour envisager à quoi la publicité vocale de demain pourrait bien ressembler.
Comme nous l’expliquions dans un précédent article, la recherche vocale se décline en deux types. D’une part, la recherche vocale qui permet d’afficher des résultats de recherche classiques sur un device (desktop ou smartphone) et qui ne diffère que très peu d’une requête traditionnelle dans le sens où l’on requête à voix haute plutôt que de taper sur un clavier ou un écran tactile.
D’autre part, celui qui nous intéresse dans le présent article, la recherche vocale via des terminaux vocaux connectés tels que les enceintes connectées. Avec ces terminaux vocaux, le résultat d’une requête vocale n’est restitué que par voie audio. L’utilisateur n’a pas accès aux résultats de sa requête sur un écran : son attention doit être focalisée sur le haut-parleur. C’est la raison pour laquelle la principale difficulté consiste à distinguer le SEA vocal d’un simple spot publicitaire à la radio.
Marketing de l’attention et publicité intrusive :
Dans le cas d’un spot radio publicitaire, le message est délivré de façon unilatérale et il est impossible pour le destinataire d’interagir avec lui. Les spots radios sont par conséquent jugés particulièrement invasifs, et les publicitaires doivent rivaliser de créativité pour que l’auditeur n’ait pas l’impression de les « subir ». Ces spots relèvent d’un marketing de l’attention où tout est bon pour capter l’attention d’un potentiel consommateur. Or, dans un contexte où l’on est chaque jour exposé à des milliers de messages publicitaires, les enceintes vocales n’ont pas pour vocation de diffuser elles aussi de la réclame en continue : on le sait, elles sont destinées principalement à un usage récréatif (écouter de la musique par exemple) et l’aspect ludique de la requête vocale (demander la météo, poser une question de culture générale) joue un grand rôle dans leur succès et leur adoption.
A l’inverse de la radio, le SEA est en effet réputé pour être un levier publicitaire « intentionnel », c’est-à-dire qu’il permet de répondre à un besoin exprimé par la requête de l’internaute. C’est le fait que l’internaute ait une requête à satisfaire qui fait d’ailleurs la force de ce levier : les liens sponsorisés (quand ils sont de qualité et en rapport avec les requêtes, ce à quoi l’algorithme de Google veille avec attention) ne sont pas jugés aussi invasifs que des bannières display par exemple, car ils sont censés être là pour vous aider, pour répondre à votre besoin immédiat. Cerise sur le gâteau, l’annonceur n’est facturé sur l’achat de ses mots-clés que lorsque l’internaute clique effectivement sur l’un de ses liens sponsorisés, preuve que ces liens lui ont été utiles.
Le SEA vocal, pour s’immiscer durablement dans notre quotidien, doit donc lui aussi être le moins intrusif possible, et conserver cette vocation de réponse à un besoin formulé par l’internaute.
Et pour être le moins invasif possible, l’assistant vocal devra renvoyer le moins de résultats possibles. Il faudra donc que le ou les quelques résultats restitués soient les plus pertinents possibles, c’est-à-dire qu’ils répondent au mieux au besoin de l’utilisateur, un besoin généralement contextualisé qui devra impliquer une réponse claire, fiable et géolocalisée.
Des annonces vocales différentes suivant la typologie des requêtes :
Dans le cas de requêtes marques ciblées formulées à l’assistant vocal (ex : « Commande moi une étagère Ikea »), la publicité vocale ne devrait logiquement renvoyer que des résultats en rapport avec la marque citée, ce qui n’est pas forcément le cas pour du SEA traditionnel. En effet, sur desktop ou mobile, un annonceur peut très bien acheter les mots-clés marques de ses concurrents pour tenter de lui « voler » des clics-internautes et donc des leads. Cette stratégie de conquête peut fonctionner hors-vocal car l’internaute qui a tappé par exemple « acheter voiture Renault » et tombe sur un lien sponsorisé « voiture Peugeot » décide facilement d’ignorer ce lien si besoin. Pour du SEA vocal, entendre le robot synthétiseur nous répondre à côté de la plaque semble plus problématique, en plus de jeter potentiellement la suspicion sur l’annonceur qui s’est positionné sur les mots-clés de ses concurrents.
Dans le cas d’une requête visant un type de produit générique (ex : « où est-ce que je peux acheter des chaussures pas loin ? »), la bataille entre annonceurs sera d’autant plus féroce et plus le résultat sera localisé à proximité, plus il devrait avoir de chance d’être sélectionné.
Le SEA vocal, un levier à part entière à même de rivaliser avec le Social Media et la vidéo?
En matière de publicité digitale, c’est le SMO (Social Media Optimization) qui explose ces derniers temps, avec des volumes d’investissements en très nette augmentation sur les plateformes Facebook, Instagram, Snapchat et autres réseaux en vogue. Cette tendance au Social Media s’accompagne également d’une explosion du recours au format vidéo (les fameuses « créas » visuelles). Or la démarche de la vidéo est tout l’inverse du SEA vocal : c’est l’image qui est impactante et qui permet de communiquer par un langage de formes et de couleurs, d’éléments contextuels etc. La vidéo permet d’exprimer énormément de notions et d’informations en un temps très court, tout en permettant de jouer sur des besoins « aspirationnels » (créer l’envie chez un consommateur, là où elle n’existait pas avant). L’on consomme d’ailleurs des publicités vidéos sur les réseaux sociaux sans but affiché : le simple plaisir de voir une belle publicité vidéo peut suffire à la regarder.
Tout cela pose la question de savoir comment dans ce contexte, l’essor du SEA vocal pourrait affecter les trends de dépenses publicitaires par levier ? Si les annonceurs doivent continuer à investir en SEA mais privilégier le vocal alors qu’ils doivent également concentrer leurs efforts sur le SMO, c’est le Search traditionnel qui pourrait alors en pâtir. Comme quoi derrière l’essor d’assistants vocaux qui peuvent s’apparenter à de simples gadgets, se cachent en réalité des enjeux publicitaires qui se chiffrent à plusieurs milliards.
Sources :
- https://www.journaldunet.com/ebusiness/publicite/1207588-pub-vocale-search-data-a-quoi-ressemblera-la-publicite-sur-les-assistants-intelligents/
- https://searchengineland.com/google-tests-ads-in-assistant-results-312062
- https://ads-up.fr/blog/annonce-publicitaire-assistant-vocal/
- https://www.journaldunet.com/solutions/expert/70499/seo-2019—tout-savoir-sur-l-aeo–l-answer-engine-optimization.shtml
- https://www.kaspersky.fr/blog/voice-helper-ads/10571/
- http://www.dynamique-mag.com/article/publicite-assistants-vocaux.10179