À l’heure où on crie aux fake news et aux faux comptes, les influenceurs n’échappent pas à cette tendance de dénoncer le « fake » et la notion de « fake influenceur » a pris une tout autre dimension depuis le début de l’été.
Une fake news, c’est un message délivrant délibérément une information incorrecte afin d’influencer l’opinion publique, et on ne parle pas ici de sites comme le Gorafi ou ScienceInfo qui se sont spécialisés dans les fake news à visée divertissante. De la même manière que les fausses informations circulent sur le net à la vitesse d’une connexion internet, il existe également des fake influenceurs, et notamment sur Instagram, royaume de l’influence marketing.
Qu’est-ce qu’un fake influenceur ?
Un influenceur est un individu passionné par un sujet (voyage, food, lifestyle…) qui partage son quotidien avec sa communauté sur les médias sociaux (Instagram, Youtube…). La communauté d’un l’influenceur grandit naturellement en même temps que sa popularité augmente. On désigne alors comme fake influenceur une personne dont la communauté n’aura pas été créée organiquement. En d’autres termes, le fake influenceur achète des abonnés, des likes, des commentaires, des vues, des retweets… Tout cela uniquement pour gonfler ses statistiques et faire paraitre sa communauté plus grande ou plus engagée qu’elle ne l’est en réalité. Conséquence directe : la communauté d’un fake influenceur se compose alors de robots plus que de personnes réelles.
Mais cette pratique est loin d’être une nouveauté ! On se souviendra de l’expérience qu’avait mené l’agence Mediakik en début d’année 2017 en créant deux faux comptes Instagram et qui, après avoir acheté des abonnés, des likes et des commentaires, avait très rapidement réussi à conclure des partenariats rémunérés avec des marques. Si elle revient d’actualité, c’est tout bonnement parce qu’elle a pris une ampleur inédite.
Pourquoi acheter des abonnés, des likes et des commentaires ?
Aujourd’hui, l’influence marketing a en effet le vent en poupe et il est très commun de voir des marques s’associer à des influenceurs, que ce soit des célébrités comme des micro-influenceurs, afin de promouvoir un produit ou de travailler leur image de marque. Et qui dit partenariat, dit évidemment rémunération. Alors que l’influenceur promeut un produit ou une marque auprès de sa communauté, il est normal qu’il soit rémunéré en conséquence. Seulement voilà, la rétribution des influenceurs dépend en majeure partie de leur influence, autrement dit de la taille et de l’engagement de leur communauté : plus un influenceur est connu plus sa rémunération sera élevée, et ce simplement car sa capacité à toucher du monde sera importante.
Acheter des abonnés ou des likes prend alors tout son sens : il s’agit d’un business profitable qui permet aux fake influenceurs de conclure des partenariats avec des marques.
Quelles conséquences à ces fake influenceurs ?
Le problème touche essentiellement les marques et les agences mais menace également les « vrais » influenceurs.
Jusqu’à il n’y a pas si longtemps encore, les marques et les agences n’étaient pas particulièrement vigilantes quant aux influenceurs avec lesquels elles s’associaient. Bien entendu, elles prêtaient attention aux statistiques affichées (nombre d’abonnés, de likes…) et pouvaient demander à un influenceur davantage de détails sur sa communauté (âge moyen, parité homme/femme…) mais souvent sans aller au-delà de ces chiffres.
La prise de conscience collective que certains pouvaient tricher et en profiter au détriment des annonceurs est venue de l’initiative de « vrais » influenceurs qui, soucieux de protéger leur travail, ont commencé à dénoncer ces pratiques d’achat. Parmi les plus remarquées, la prise de parole du français Guillaume Ruchon qui a consacré une vidéo de 20 minutes sur le sujet. Entre explication et dénonciation des pratiques, il explique comment débusquer ces fakes et n’hésite pas à mettre à jour une dizaine de comptes suspectés d’être des fakes. L’influenceur invite par ailleurs les marques et agences à la vigilance et leur demande de s’assurer de travailler avec de véritables influenceurs.
Une marque investit chaque fois parce qu’elle attend un retour sur investissement, et il en va de même lorsqu’il s’agit d’investir dans le marketing d’influence. Les communautés des fake influenceurs étant plus ou moins composées de faux comptes, le message diffusé par un fake influenceur n’atteindra finalement que des robots. Conséquence ? Peu de business réel pour la marque communicante qui ne s’adresse finalement qu’à une poignée de personnes physiques.
Pour les « vrais » influenceurs, cette prise de conscience des marques et des agences a toute son importance et permet de mettre à jour des pratiques injustes qui dévalorisent le temps et l’investissement requis pour animer et faire grandir une communauté de façon organique. Bien que pas encore reconnu comme tel, être influenceur est un métier et chaque fake influenceur qui signerait un partenariat avec une marque prend potentiellement la place légitime qu’aurait pu avoir un véritable influenceur.
Quelles solutions aux fake influenceurs ?
À l’instar d’Unilever, qui investit tout de même plusieurs dizaines de millions d’euros dans le marketing d’influence, et qui a annoncé ne plus vouloir travailler avec des influenceurs qui achèteraient des abonnés ou des likes, ou encore d’AccordHotels qui a mis en place une charte de « collaboration influenceur », il est essentiel que les annonceurs et les agences établissent un cadre clair pour les partenariats qui profitera aussi bien aux influenceurs qu’aux marques elles-mêmes.
La première étape consiste à aller creuser au-delà des chiffres présentés par un influenceur potentiel : a-t-il soudainement gagné un nombre important d’abonnés ? quel est son taux d’engagement ? quelles nationalités sont représentées dans sa communauté ? a-t-il beaucoup de mass followers ? Les marques et agences qui se poseront les bonnes questions avant de recourir à un influenceur limiteront les risques de travailler avec des fake influenceurs qui leur couteront plus qu’ils ne leur rapporteront.
Les marques et agences peuvent heureusement s’appuyer sur des outils d’analyse de comptes qui leur permettront de débusquer rapidement les fake influenceurs et ainsi s’assurer de la diffusion de leur message auprès d’une véritable audience.
Quelques exemples d’outils utiles :
- Socialblade : gratuit, à utiliser pour Instagram, Youtube, Facebook, Twitter, Twitch…
- HypeAuditor : payant, à utiliser pour Instagram
- Buzzweb : gratuit, à utiliser pour Instagram
- Sparkscore : gratuit, à utiliser pour Twitter
Une autre solution que peuvent envisager les annonceurs est le recours à des agences spécialisées dans le marketing d’influence telles que Brand and Celebrities, Reech, Hivency, Stellar… Certaines sont spécialisées dans les micro-influenceurs, d’autres dans les célébrités mais toutes ont une conscience accrue de ces problématiques et sont particulièrement vigilantes quant aux influenceurs qu’elles mettent en lien avec les marques.
Ainsi, et alors qu’il est si facile d’acheter abonnés et likes, l’ensemble des annonceurs et des agences se doit de prendre le temps d’interroger la crédibilité de ses influenceurs partenaires et d’être en mesure de démasquer les fakes qui nuisent directement à leur business.
Sources :
https://siecledigital.fr/2018/07/03/instagram-les-influenceurs-denoncent-les-faux-influenceurs/
http://www.ladn.eu/non-classe/unilever-ne-veut-plus-travailler-avec-les-influenceurs-qui-trichent/
http://www.ladn.eu/non-classe/accorhotels-lance-une-charte-pour-travailler-avec-les-influenceurs/