Depuis le début de la crise de la Covid 19, l’industrie cinématographique peine à sortir la tête de l’eau. En effet, de janvier à septembre 2020, le cinéma français n’a compté que 50 millions d’entrées contre 139 millions sur la même période en 2019 soit une baisse de 63%. Malgré la crise de la Covid 19 et la fermeture des salles de cinéma, les spectateurs ont tout de même pu avoir accès au cinéma grâce aux plateformes de streaming comme Netflix ou Amazon.
En France les règles sont très strictes et vieillissantes (décret du 27 mars 1992 et de la loi du 30 septembre 1986) concernant la chronologie des médias et de la publicité pour le cinéma sur la télévision.
Dans notre article nous allons analyser la loi du 19 août 2020 et ces avantages pour l’industrie cinématographique par le prisme de témoignage de patrons du cinéma.
La loi en question
Le texte qui entame une révolution paraît au journal officiel le 5 aout 2020. Il vise à assouplir le régime du décret du 27 mars 1992 et de la loi du 30 septembre 1986 notamment à travers son article 3, en effet, il autorise pour une période de dix-huit mois la publicité pour le secteur du cinéma sur les chaînes audiovisuelles classiques (TF1, France 2, France 3, M6 …).
Ce texte vient également réviser le décret du 17 janvier 1990 en augmentant le nombre de longs-métrages pouvant être diffusés sur les antennes de télévision. Les chaînes comme TF1, France 2 ou encore M6 pourront désormais diffuser pas moins de 244 œuvres par an contre 192 selon la loi de 1990. De plus, le nombre de diffusions annuelles en prime time, « c’est-à-dire entre 20h30 et 22h30 », passe de 144 à 192. Les chaînes peuvent désormais diffuser annuellement 800 longs métrages contre 500 auparavant avec comme règle que chaque œuvre ne peut être diffusée plus de sept fois pendant une période de trois semaines. L’obtention des droits sera donc régie par l’offre et la demande ce qui pourra augmenter le prix de diffusion d’un film.
Cette loi met aussi fin à l’interdiction de diffuser des films en clair certains jours et/ou soirs, comme le mercredi soir, le vendredi soir ou le samedi. Une disposition qui visait à protéger les salles de cinéma, mais qui ne s’appliquait pas aux plates-formes de streaming, et dont les chaînes réclamaient la suppression. Les diffuseurs autres que spécialisés dans le cinéma ou en paiement à la séance pourront programmer uniquement des longs métrages dont ils ont financé la production et des films d’art et essai qui figureront sur la liste établie par le président du CNC.
Ce texte fait également mention d’une autre donnée très importante dans l’évolution des règles cinématographiques, en effet, il autorise pour une période de dix-huit mois les publicités télévisées en faveur du secteur du cinéma. Celles-ci étaient jusqu’ici interdites, une mesure qui visait à soutenir les films indépendants, qui n’ont pas a priori les moyens de se payer des campagnes publicitaires, contrairement aux « blockbusters » américains.
Son application et ses avantages
Cette loi était attendue depuis longtemps dans le milieu du cinéma pour mettre sur un pied d’égalité le cinéma et les plateformes de streaming VOD comme Netflix ou encore Amazon Prime Vidéo. L’industrie cinématographique dispose désormais de nouvelles armes face à l’émergence concurrentielle. D’ailleurs plusieurs chaînes du groupe Altice, dont BFMTV et des chaînes RMC, ont fait pendant plus d’une semaine de la pub pour un film sorti le mercredi 5 août au cinéma. Une campagne de publicité illégale, la loi interdisant à l’époque aux chaînes télévisées de faire la promotion de films destinés aux salles obscures.
Un film diffusé au cinéma peut désormais sortir en DVD ou VOD seulement 4 mois après son apparition sur grand écran et seulement 3 mois si le film a fait moins de 100 000 entrées en salles. En 8 mois il peut se retrouver sur des chaînes spécialisées comme Canal + ou encore OCS et en 22 mois sur les chaînes gratuites de la TNT. Cela constitue un réel avantage pour les distributeurs qui peuvent se réjouir de pouvoir vendre leur film très rapidement après leurs sorties en salles, il s’agit la bien évidemment d’un apport financier non négligeable pour les studios de cinéma.
Cependant toute l’industrie du cinéma n’est pas unanime, en effet l’autorisation de la publicité cinéma à la télévision est depuis plusieurs mois contestés par une partie de la profession. Dans les colonnes du média Boxoffice (Boxoffice Pro n°385 du 19 février 2020), Jean Labadie, président de Le Pacte, qualifiait cette disposition « d’une des plus grandes imbécilités que la Terre ait portée ! Comme dans tous les autres pays où elle existe, elle sera coûteuse et inefficace. Mais pour faire plaisir à TF1 et M6, le gouvernement est prêt à tout, même à tuer les distributeurs de petite et moyenne taille ainsi que le cinéma français ». « La publicité TV ne va qu’accentuer les différences entre les sociétés et les films surexposés », indiquait Didier Lacourt, directeur de la distribution chez Diaphana, tandis qu’Éric Lagesse, président de Pyramide, la considérait comme « un indicateur rouge extrêmement alarmant sur l’intérêt du gouvernement pour le cinéma indépendant ».
La loi du 19 août 2020 redésigne les stratégies marketing et commerciales de la sortie en VOD des films français. En effet, il est désormais possible d’acheter sur sa box un film 4 mois après sa sortie en salles sur les box des opérateurs internet ainsi que sur les plateformes spécialisées comme Apple TV ou encore Amazon Prime Vidéo mais les vrais gagnant de cette nouvelle chronologie des médias sont bien les sociétés de distribution car les droits des films ne peuvent pas être rachetés par les services de streaming vidéo.
Sources :
https://larevuedesmedias.ina.fr/chronologie-des-medias-crise-sanitaire-cinema-a-la-television
https://www.allocine.fr/article/fichearticle_gen_carticle=18688617.html