‘Le digital est devenu un levier dans la consommation responsable pour s’exprimer, se regrouper ou simplement aller chercher conseil et information ‘ (ADEME, 2016). Il constitue donc un moyen d’expression et d’action des consom’acteurs. Comment l’utilisent-ils ? Existe-il des leviers et supports digitaux privilégiés ?
Il convient tout d’abord d’identifier les logiques d’actions qui guident les comportements des cibles marketing et comprendre les motivations qui les animent. Sont-elles les mêmes pour tous les adeptes de l’économie de partage ? Les niveaux de collaboration et de partage sont-ils identiques pour tous les types d’économies collaboratives quel que soit leur niveau d’engagement dans l’économie du partage et leur pratique digitale ?
Pour tenter de répondre à ces questions, nous avons utilisé les logiques d’action consuméristes de Frank et Walther Oettgen en 2004, pour y intégrer les supports digitaux à privilégier.
Quels sont les degrés d’engagement, logiques et motivations des consom’acteurs ?
Même si le citoyen est de plus en plus attentif à ce que ses achats respectent l’environnement et son éthique, sa consommation ne s’exprime pas de la même façon selon son degré d’engagement et le type d’économies de partage qu’il pratique.
Dans un article précédent, nous avions vu qu’il existe plusieurs types d’économies collaboratives. Botsman & Rogers divisent le secteur de l’économie de partage en trois grandes catégories : les systèmes de produits et services, les marchés de redistribution et enfin les modes de vie collaboratifs.
Les 4 logiques de consommations identifiées en 2004 par Oettgen et Oettgen nous offre une grille d’analyse. En plaçant les comportements sur un premier axe « logique individuelle/collective », et un second « logique rationaliste/affective », ils obtiennent 4 logiques de consommation associées : hédoniste, fusionnelle, responsable et réaliste.
Nous proposons ensuite d’utiliser le modèle des logiques d’action consuméristes de Frank et Walther Oettgen, publié dans leur ouvrage « La nouvelle révolution commerciale » en 2004, afin d’y intégrer les supports digitaux à privilégier pour chacune des 4 logiques de consommation (individuelle, collective, rationaliste et affective) qu’ils ont identifié, et reprises plus tard par l’ObSoCo (Observatoire société et consommation).
Les adeptes de la logique individuelle
Au Nord Ouest du mapping se nichent les plus réfractaires au changement, mais aussi les comportements les plus individualistes, pragmatiques, sceptiques….Le comportement consumériste est de type « moins, c’est mieux ». En effet, dans cette dimension réaliste, à l’intersection des logiques individuelles et rationalistes l’on trouve l’homo oeconomicus soucieux de maximiser l’utilité qu’il retire de leur consommation à titre individuel. Pour eux, la consommation collaborative est considérée comme pratique et économique par le consommateur. Les motivations utilitaristes priment avant tout. On trouve « l’achat malin », pratique (gain de temps). Nous avons donc placé ici les systèmes de services et produits comme Uber, Blabalcar, Vélib, ou encore Mon dressing secret… Au croisement des logiques individuelles et affectives (quart Nord Est), lieu d’un comportement de consommation hédoniste, les motivations sont d’avantage coopératives, les consommateurs cherchant à vivre des expériences positives basées sur le partage. Nous pouvons donc y placer l’habitat partagé, les plateformes de financement participatif, etc.
Les adeptes de la logique collective: le « bonheur est dans le près », le partage et le don
Au Sud, où la dimension collective prédomine, se trouvent les consommateurs les plus engagés dans leur consommation. Nous proposons donc d’y placer en priorité les styles de vie collaboratifs, même si les consommateurs sont aussi des adeptes des autres types d’économie de partage. En revanche, plus leur degré d’engagement sera fort, plus ils préféreront des systèmes alternatifs : ils opteront pour Mobicoop plutôt que Blablacar pour le covoiturage …
Sur l’axe sud-ouest, la dimension responsable, ce sont des motivations idéalistes qui motivent les utilisateurs à continuer de participer à la consommation collaborative. Enfin, au Sud-Est, entre la logique affective et collective, la dimension fusionnelle prédomine. Les motivations sont avant tout altruistes, l’aspect communautaire et le sentiment d’appartenance est important. Ici nous avons placé l’ESS, la gratuité (dons, gratiferia, ateliers de recyclage et réparation…). Dans cette dimension fusionnelle, l’affectif et les échanges jouent un rôle important. Nouer des liens affectifs et communautaires est capital. Développer du lien social au travers son appartenance à une communauté bienveillante est fondamental.
Quels leviers digitaux pour quel type d’économie collaborative ?
« Pour près de 50% des Français, l’utilisation des nouveaux outils de communication est un vecteur d’expression de leurs choix de consommation et de revendication de leurs attentes. A travers le digital (internet, applications mobiles et réseaux sociaux), ils s’informent et expriment leur envie de bien-être et leur engagement pour une consommation respectueuse de l’environnement. »
Etude GreenFlex 2016 réalisée en partenariat avec l’ADEME
Sur le mapping des logiques et dimensions consuméristes d’Oettgen et Oettgen, nous avons donc placé les différents leviers à privilégier en fonction des dimensions et logiques psycho-sociologiques. A l’Ouest, où les usagers sont plus opportunistes et n’hésitent pas à s’affranchir des barrières géographiques, l’e-réputation constitue le socle pour accorder sa confiance à des inconnus. A l’Est, où la logique affective tire les usagers vers l’engagement, les consommateurs utilisent le digital (surtout les réseaux sociaux, groupe facebook mais aussi les influenceurs) pour entretenir le lien communautaire qui les unis. Au centre, à la croisée de toutes les logiques, c’est le SEO (référencement naturel) et l’inbound marketing qui semblent les plus appropriés pour fédérer tous les consom’acteurs.
L’e-réputation socle de la consommation collaborative
Les plateformes digitales ont dématérialisé, désintermédié les relations entre les prestataires et les utilisateurs de services collaboratifs. Uber, Blablacar et Airbnb, mettent en relation directe des acteurs du monde entier. Dans ce contexte, la réputation est un mécanisme utile, surtout dans une situation où les acteurs se comportent de façon opportuniste et intéressée, dès que l’on leur en donnera l’occasion. D’ailleurs, le slogan d’Airbnb « Earn money sharing your extra space with travelers » illustre parfaitement cette logique individualiste et rationnelle de la nouvelle génération XY.
Mais comment faire confiance et laisser sa clé à des étrangers ? Comment mesurer la fiabilité des comportements de tiers ? Les systèmes d’évaluation, de réputation sur Airbnb, Blablcar permettent aux individus d’évaluer les compétences et la confiance dans un environnement d’échange social contextuel spécifique. Ainsi, un utilisateur peut accéder à son profil et voir les commentaires et évaluations laissées le concernant. Un hôte admirable Airbnb ne se révélera pas forcément être un conducteur exemplaire Blablacar.
Le Social Média marketing, pour les plus engagés
Le levier SMM (Social Média marketing), se positionne sur la dimension fusionnelle, à la croisée des logiques affectives et collectives. En effet, ce levier est par essence social et communautaire mais aussi affectif; ne serait-ce que par la rapidité et simplicité des interactions appréciatives qu’il génère (like…) et son potentiel viral. Et il en va de même pour les influenceurs, experts d’un domaine ou problématique, capables de relayer des messages auprès de la communauté et de « recommander » des produits ou services sur leurs blogs. Ils sont particulièrement utiles pour travailler la notoriété.
Selon une étude Brandwatch « Près de deux tiers des consommateurs achètent, adoptent ou boycottent une marque en fonction de sa position sur des questions de société. » Or, les réseaux sociaux, servent de moyens de mobilisation et de solidarité surtout en cas de crise. Les écologistes et adeptes du Zéro déchet, par exemple, incitent au boycott du Black Friday, Naturalia, (qui appartient au groupe Monoprix et lui même filiale du groupe Casino) détourne le black Friday avec sa campagne Vrack Friday . Destinée à lancer l’offre en vrac de l’enseigne, la campagne joue sur les mots en organisant les lettres du slogan en vrac sur une page blanche , en prenant bien soin évidemment de conserver la première et la dernière lettre de chaque mot à la bonne place (car le cerveau lit les mots dans leur globalité et ce qui importe c’est le contexte). Le minimalisme est donc de rigueur pour cette campagne engagée, même la vidéo se contente de faire défiler une succession d’images.
Grâce aux réseaux sociaux, le pouvoir des consommateurs n’a jamais été aussi important. L’enjeu aujourd’hui est donc de faire du marketing avec les consommateurs et de le faire participer et d’engager des discussions entre les marques et les consommateurs, notamment en créant des groupes Facebook sur des sujets en rapport avec les intérêts des publics cibles. Le mouvement Zéro-déchet se développe à grande vitesse sur les réseaux sociaux avec des pages Instagram, des blogs, ou encore des groupes sur Facebook, comme celui des « écolos bio zéro déchet » qui compte à ce jour près de 79 000 membres.
D’ailleurs, Biocoop, Naturalia et La vie Claire sont bien présents sur Facebook ; même si Biocoop draine 59,2% du trafic.
Sur Youtube, la part de trafic disputé entre les concurrents est plus équilibrée (avec 36,5% pour Biocoop, puis La vie Claire 24,4% suivie de près par Naturalia, 23,1% , et enfin Bio c’bon avec 15,5%). En effet, la vidéo constitue un bon levier émotionnel. ‘Plus l’image exerce sa fonction monstrative (direct) et visualisante (gros plan), plus elle nous donne l’illusion que ce que l’on voit ne peut être que ‘ce qui est’ (Plantin, Doury, Traverso, 2000 ).
Synadis Bio, (le syndicat national des distributeurs spécialisés de produits biologiques, diététiques et compléments alimentaires) qui réunit 1500 magasins dont les enseignes bio les plus connues comme Biocoop, La Vie Claire, Naturalia…, lance une campagne Facebook en vue d’alerter les consommateurs sur le bio des supermarchés considéré comme une étiquette pour vendre et non une éthique de production et dénudée de valeurs environnementales.
Le SEO, une valeur sûre
Au centre, le levier le plus approprié est le SEO et en particulier celui lié aux requêtes locales pour les enseignes de la distribution du bio.
C’est Naturalia, enseigne du groupe Casino qui draine le trafic en référencement naturel avec plus de 97 800 visiteurs mensuels (hors marque) et plus de 1500 expressions placées dans les trois premières positions de Google. Vient ensuite Biocoop avec plus de 56000 visiteurs mensuels (hors marque) et 356 expressions en première page de Google.
Naturalia complète un peu sa stratégie avec du SEA (publicité Google) depuis octobre 2019 et travaille sa notoriété auprès des hommes avec du display (Biocoop cible en revanche d’avantage les femmes en Display).
Quoiqu’il en soit, les enseignes de distribution bio, misent avant tout sur le référencement naturel pour accroître leur trafic. Et celui-ci, contrairement à beaucoup de secteurs, est loin de s’être affaibli dans le contexte sanitaire actuel.
« Depuis le début de la séquence COVID-19, les produits bio sont non seulement en très forte croissance en grandes surfaces mais en plus l’écart de croissance avec les produits conventionnels se creuse : d’environ 14 points début février, cet écart a parfois dépassé les 20 points depuis. […] A cette croissance en grandes surfaces, s’ajoute le développement des achats en magasins bio spécialisés (Biocoop, Naturalia, La Vie Claire, Bio C’ Bon, Naturéo…) qui connaissent également une forte croissance en cette période de confinement. “La valeur du panier moyen y a augmenté de 48%, passant d’environ 40€ à 59€ depuis la mi-mars” nous explique Alexandre Fantuz, Directeur Marketing de Biotopia, panéliste en magasins bio. » (Nielsen, 08-04- 2020)
En résumé, avec le digital, la confiance n’a plus de proxémie. Les avis laissent des traces sur les plateformes, les réseaux sociaux … et la peur du jugement négatif des autres utilisateurs ou de notre communauté nous motive à agir de façon plus responsable. L’e-réputation est particulièrement importante pour les systèmes de produits et services, pour lesquels il s’agit de partage. Nous pensons, que le levier social et la vidéo, sont d’autant plus efficaces pour les styles de vie collaboratifs et le libre accès. Tandis qu’à la croisée des logiques, dimensions et économies de partage, on trouve le SEO et le marketing de contenu, qui demeure une valeur sûre.