Au lendemain de l’élection présidentielle, les scores records de l’abstention peuvent interroger sur l’intérêt que porte les français aux élections et à la politique en général. Une partie du public a pu être aliénée par un discours politique perçu comme détaché des réalités. En réponse à cette apathie, plusieurs initiatives digitales de candidats ou d’influenceurs sont nées dans le but d’informer et d’éduquer le public, notamment les plus jeunes qui sont aussi les plus désintéressés de la politique. On peut en arriver à s’interroger sur l’efficacité de ces initiatives digitales à raviver l’intérêt des français pour la politique et leur participation aux élections.
Un vivier en pleine explosion
Il était une époque où le discours politique public était le chasse-gardé des journaux, plateaux de télévision et émissions de radios. Aujourd’hui, les médias traditionnels peinent à capter l’intérêt du public, notamment jeune, sur les sujets politiques, même lorsqu’il s’agit de l’élection présidentielle. Les nouvelles générations ont notamment l’impression que les sujets qui leur tiennent à cœur sont peu ou mal traités. Provenant de ces constats, une nouvelle génération de pure players vidéastes et streameurs indépendants parlent ouvertement de politique et apportent des commentaires aux campagnes et à la vie politique en général. On a pu se rendre compte durant les années passées d’une explosion des chaînes et comptes en rapport direct avec la politique. Qu’il s’agisse des comptes personnels de personnalités politiques, de chaînes de créateurs indépendants, ou encore de blogs journalistiques.
Les plateformes sur lesquelles ses comptes et émissions diffusent captent un public large et relativement jeune, celui-là même qui semble le plus désintéressé par la politique. Sur Youtube, des chaînes comme Blast (500 000 abonnés) ou Mediapart (551 000 abonnés) développent un travail journalistique hors des sentiers traditionnels de la presse et de la télévision. Sur Twitch, des chaînes comme Backseat ou des évènements comme Le Débat du Siècle proposent, sous le format d’interviews ou de talkshows, d’éduquer politiquement leur public. Des créateurs de contenu su Twitch proposent également d’autres formes de commentaire politique comme nous avons pu l’observer lors du débat d’entre-deux tours. En effet, plusieurs personnalités d’internet proposaient un suivi du débat commenté, certains humoristiquement, d’autres de manière plus sérieuse. Au travers de leurs commentaires, des centaines de milliers de spectateurs ont pu assister et, à un certain degré, participer au débat via leurs commentaires.
Des personnalités politiques sont également présentes sur Tiktok, tout comme des créateurs de contenus orienté politiquement. On peut toutefois se demander si le format est adapté à transmettre des programmes et des idées complexes, en bref, à éduquer politiquement. En effet, les formats vidéo courts, adaptés à l’humour ou au clash, laissent peu d’espace et de temps pour convaincre avec des discours nuancés.
Enfin, une autre forme de communication autour de la politique s’est formée au cours des dix dernières années, les blogs journalistiques indépendants. Penchants indépendants des institutions journalistiques papier et web, des pure players comme le Bondyblog ou Mediapart ont su faire leur niche grâce à leur travail journalistique et le bouche à oreille sur les réseaux sociaux.
Une solution à l’apathie générale ?
Face au manque criant d’intérêt qu’une partie de plus en plus importante de la population, ces nouveaux médias tentent de lutter et de ranimer la fibre politique de leur public. Que ça soit au travers de l’information de fond, d’un point de vue différent, d’un parti pris éducatif ou d’un format plus adapté au public visé, souvent plus exigeant.
Sur Twitch et Youtube, le discours des chaînes est volontairement plus détendu, une approche alternative au sérieux de beaucoup de médias traditionnels et mettant en avant des formes d’engagement politique variées, tel que le volontariat associatif. Certaines chaînes prennent également position politiquement, en refusant, par exemple, d’inviter des personnalités d’extrême-droite comme Backseat. Les internautes jeunes sont, finalement, à la recherche de créateurs de contenus apparaissant comme des personnes lambdas, comme eux. Ce rapprochement, ce lien que l’on pourrait presque qualifier de parasocial, permet à ces créateurs d’ouvrir les portes de la culture politique aux nouvelles générations et eux désintéressés de la politique. Bien que ces créateurs n’aient pas toujours un discours poussant à aller voter, l’intérêt qu’il suscite pour la politique ne peut qu’avoir une répercussion positive sur la participation de leurs spectateurs sur le long terme.
Les réseaux sociaux et les plateformes vidéo sont également une manière d’échapper au décompte du temps de parole, l’Arcom ne prenant pas en compte la prise de parole sur ces plateformes. Ainsi, les candidats apparaissent sur les plateaux d’émissions susmentionnées ou créent leurs propres chaînes afin de circonvenir aux limites du temps de parole. Par là même ils s’ouvrent également des plateformes où se retrouvent beaucoup de spectateurs s’étant détournés des médias traditionnels. Si Facebook et Twitter sont les exemples originels de ce glissement de la communication politique, d’autres plateformes se sont ajoutées aux rangs. Ainsi, la participation de figures politiques telles que Jean-Luc Mélenchon u Éric Zemmour sur Youtube et Twitch a sans doute contribuer à répandre leurs discours et leurs idées à un public plus jeune.
Au travers des de cet article, un constat s’impose : le vivier digital du journalisme et du commentaire politique est fertile. La multiplication des chaînes et comptes en lien avec la politique, ainsi que leur succès, démontre que la politique est capable de capter un public large. Le digital semble en passe de devenir un levier essentiel pour s’adresser à un public jeune et désintéressé de la politique grâce à un langage et des sujets plus proche de sa réalité.
Dans notre prochain article, nous aborderons la question des algorithmes des réseaux sociaux et de leur influence sur la politisation des utilisateurs.
- https://www.meta-media.fr/2022/04/01/television-plateformes-qui-rebat-les-cartes-de-la-presidentielle.html
- https://www.letudiant.fr/lifestyle/engagement-et-vie-associative/article/presidentielle-mal-representes-et-resignes-les-jeunes-se-desinteressent-de-la-politique.html
- https://www.journaldunet.fr/business/dictionnaire-du-marketing/1198337-pure-player-definition-exemples-et-synonymes/
- https://www.lemonde.fr/campus/article/2022/04/05/jean-massiet-hugodecrypte-brut-comment-de-nouveaux-producteurs-d-infos-captent-les-jeunes-sur-les-reseaux-sociaux_6120599_4401467.html