Vous pensez que rendre votre site web compréhensible par la clientèle étrangère peut suffire à exporter votre activité ? Détrompez-vous, il en faut bien plus pour attirer de nouveaux prospects à l’international ! Pour réussir votre opération séduction, vous devez repenser l’expérience utilisateur dans sa globalité, afin de l’adapter aux spécificités socio-culturelles de votre cible. Et ça commence dès l’UX design !
Au programme de cet article :
La notion de socio-culturalité en UX design
Le terme d’UX design a fini par entrer dans le langage courant, mais lorsqu’on doit le traduire en français, on parle en général de conception de l’expérience utilisateur. Concrètement, cette discipline regroupe l’ensemble des techniques visant à offrir à l’utilisateur une interface efficace et agréable à utiliser.
La vision traditionnelle de l’UX design en 7 piliers
Même si la notion d’UX design est assez récente (début des années 90), elle a déjà fait l’objet de bon nombre de définitions. La plus complète est sans doute celle que l’on doit à Peter Morville, un bibliothécaire américain spécialiste de l’architecture informationnelle.
Selon lui, 7 facteurs clés définissent la manière dont l’expérience utilisateur est perçue par chacun. Ceux-ci peuvent être représentés sous la forme d’un diagramme alvéolé :
Voici à quoi correspond chacun des 7 piliers définis par Peter Morville :
1. Utile
Le produit ou le service proposé doit répondre à un besoin.
2. Utilisable
Il doit être facile à manier, et être le plus intuitif possible.
3. Crédible
Le service ou le produit proposé doit inspirer la confiance.
4. Trouvable
Le classement de l’information doit permettre à trouver rapidement ce qu’on cherche.
5. Désirable
Il doit être attractif, avec un aspect visuel qui produit une forme d’émotion chez l’utilisateur.
6. Précieux
Il doit être source de valeur ajoutée, c’est-à-dire procurer un bénéfice plutôt qu’un coût.
7. Accessible
L’accès doit être possible pour tous, y compris aux personnes en situation de handicap (exemple : possibilité de naviguer vocalement ou de personnaliser l’affichage).
La socio-culturalité : un huitième pilier incontournable ?
C’est à Samir Dash, lui-même UX designer, que l’on doit l’introduction de la notion de socio-culturalité en UX design.
Selon lui, chaque concepteur doit garder à l’esprit que sa logique n’est pas universelle. Le design s’inscrit dans une démarche user-centric, c’est-à-dire qui place l’utilisateur au centre de la réflexion. Dès sa conception l’interface doit être envisagée dans son environnement final, c’est-à-dire celui de l’utilisateur.
C’est pourquoi il recommande une immersion totale dans l’environnement de l’internaute, plutôt que de se baser sur les simples suppositions des designers. Se concentrer sur l’internaute permet ainsi d’éviter les biais de l’interprétation personnelle.
Les spécificités socio-culturelles en UX design
Des recherches menées en sciences neurologiques ont révélé que 2 grands processus de pensée prévalent chez l’humain. Ces schémas permettent de distinguer les individus dans leur manière de récupérer et de traiter l’information.
L’approche holistique orientale
L’approche holistique serait majoritaire dans les cultures d’Orient et d’Asie. Dans ce schéma de pensée, on perçoit son expérience de façon globale, sans se focaliser sur les éléments individuels qui la composent.
Lorsqu’il s’agit d’appréhender une interface, c’est l’aspect visuel général qui retient l’attention de l’utilisateur favorisant ce type d’approche. Il ne s’attarde pas tout de suite sur les détails, et commence par apprécier l’environnement dans sa globalité. Son besoin d’être guidé sur le fonctionnement et le sens navigation ne s’exprime que dans un second temps.
L’approche analytique occidentale
La logique analytique serait plus présente chez les populations occidentales. Ces dernières auraient donc plutôt tendance à se focaliser sur des éléments d’information individuels.
Lorsqu’elles naviguent sur un site web, on considère qu’elles ont besoin de trouver leurs repères rapidement, et de se sentir guidées. En UX design, cela passe par exemple par des titres visibles et correctement hiérarchisés, ou encore par la présence de boutons d’action visibles et rapidement accessibles.
Illustrations à l’international
Si tout ça vous semble encore un peu flou, voici quelques exemples concrets qui devraient vous permettre d’y voir plus clair !
🙋🏻♂️ Internaute français : le besoin de clarté
Lorsqu’il consulte un site web, l’utilisateur français a besoin de clarté. Les interfaces surchargées et désorganisées, très peu pour lui ! Au-delà de l’UX design, il souhaite aussi être rassuré sur la provenance et la qualité des produits. L’extrait issu du site Coca-Cola France disponible ci-dessous illustre bien ces 2 spécificités françaises.
La marque a créé une page spécifique pour mettre en avant son engagement « Made in France ». Elle a fait le choix du noir et blanc, d’un design très épuré, et de symboles forts représentant la France (une terrasse typiquement parisienne située devant l’Arc de Triomphe, difficile de faire plus cliché !). Cette page n’est disponible que dans la version française du site, et répond parfaitement aux besoins de sobriété visuelle et de réassurance de l’internaute français.
Extrait du site Coca-Cola France
🙋🏻♂️ Internaute allemand : la fonctionnalité avant tout
L’utilisateur allemand est lui aussi réputé pour apprécier les sites sobres, mais surtout fonctionnels. Il ne souhaite pas être encombré de visuels inutiles, et préfère aller droit à l’essentiel.
Observons par exemple la page web du site Coca-Cola dédiée à la présentation des marques du groupe.
Sur la version allemande du site, chaque marque est représentée par son logo sur un fond blanc :
Extrait du site Coca-Cola Allemagne
Sur la version française, la présentation de chaque marque est accompagnée d’une photo. Elles donnent un côté plus humain et convivial, toujours dans un souci de rassurer l’internaute français :
Extrait du site Coca-Cola France
Par ailleurs, les consommateurs allemands sont particulièrement attachés à la qualité et aux spécificités techniques des produits qu’ils consomment. C’est pourquoi les fiches produits disponibles sur les sites destinées à cette cible sont en général très détaillées. Elles contiennent des présentations techniques et précises avec beaucoup d’informations textuelles, des photos et des vidéos.
🙋🏻♂️ Internaute japonais : la densité de l’information
On associe en général la culture japonaise à une esthétique simple, épurée et minimaliste. Pourtant, lorsqu’on parle d’interface numérique, c’est tout le contraire ! Les Japonais aiment recevoir un maximum d’informations au premier coup d’œil, et les espaces blancs sont considérés comme superflus.
« Les Japonais sont habitués aux panneaux publicitaires numériques qu’on trouve dans la rue, comme à Tokyo. Et ils ont été des adeptes pendant longtemps du téléphone à clapet avec des petits écrans. C’est dans leurs habitudes de voir des interfaces plutôt chargées sur des espaces réduits. »
Octavia Kawase, UX Researcher de Ferpection
Stratégies.fr
L’extrait de la page d’accueil du site Picard en est un parfait exemple.
Dans sa version japonaise, elle consiste en une juxtaposition d’images et de textes plutôt resserrés, avec peu d’espaces vides. Un encart déroulant affiche une succession de news en temps réel :
Extrait du site Picard Japon
La version française est quant à elle bien plus épurée, et laisse apparaître un large menu parfaitement structuré :
Extrait du site Picard France
Comment adapter l’UX design au contexte socio-culturel ?
Comme le préconise Samir Dash, pour réussir son travail d’UX design, il convient avant tout de se libérer de tout préjugé culturel.
La méthodologie
Deux étapes sont particulièrement indispensables en UX design pour éviter l’interférence de tout biais culturel.
➡️ En amont : une UX research approfondie
Ce type d’étude a pour objectif d’étudier avec précision les spécificités socio-culturelles de la cible convoitée : ses besoins, ses attentes, ses freins, ses réticences, ses habitudes comportementales…
Pour mener à bien sa mission, l’UX researcher peut utiliser différentes méthodes :
- Les méthodes dites quantitatives : sondages, eye-tracking via webcam, outils analytics…
- Les méthodes dites qualitatives : entretiens de groupes, entretiens individuels, eye-tracking en salle…
L’utilisation de certains de ces outils peut être coûteuse, mais faire l’impasse sur cette étape présente un risque considérable pour la réussite de votre internationalisation. Comme toujours en marketing digital, pensez avant tout au retour sur investissement que vous pourrez tirer de votre dépense !
Et si vous vous demandez lequel de ces 2 types de méthodes est à privilégier, sachez que c’est justement leur combinaison qui fait leur force !
➡️ En aval : le testing
Comme son nom l’indique, cette pratique consiste à tester l’interface en conditions réelles, auprès d’un ou plusieurs échantillons correspondant à la cible. On parle également d’A/B testing, lorsque 2 versions différentes de l’interface sont soumises au panel de testeurs.
Pour réussir son A/B testing, il convient de respecter certaines règles :
- bien définir son objectif,
- isoler une variable à analyser par test,
- identifier des indicateurs clairs et mesurables,
- sélectionner ses échantillons avec soin (composition, taille…),
- et tester les 2 versions en simultané.
La mise en place d’une campagne de testing ne s’improvise pas si l’on souhaite pouvoir en tirer des résultats exploitables. C’est pourquoi il est recommandé de faire appel à une équipe de professionnels pour vous accompagner dans cette tâche.
Les éléments à adapter
Vous souhaitez connaître la liste exhaustive des éléments de votre site web qu’il convient d’adapter à la culture de votre cible ? Eh bien c’est simple, tous les aspects de votre site web sont concernés, car ils peuvent tous être perçus différemment à travers le monde !
« Un Allemand sur 5 lit les CGV , contre 7% des Français. L’internaute chinois, quant à lui, va regarder 10 fois plus d’images qu’un américain lorsqu’il arrive sur un site web. »
Jonathan Cherki, Fondateur de Contentsquare
Podcast Génération DIY – Episode 343
Pensez notamment à adapter :
✔️ les couleurs (leurs significations diffèrent selon la région du globe),
✔️ le sens de lecture (qui impacte fortement la mise en page),
✔️ le sens de navigation,
✔️ l’emplacement des CTA,
✔️ le vocabulaire, le ton et les expression,
✔️ le mode de paiement (virement, carte bancaire, paypal…),
✔️ les devises…
Nous avons d’ailleurs consacré tout un article au sujet de la localisation, si vous souhaitez en savoir plus !
L’UX design ne relève donc pas d’une simple question d’esthétique, et constitue un levier fondamental de votre stratégie d’internationalisation. Mettez toutes les chances de votre côté pour capter l’attention de votre nouvelle cible et gagner sa confiance ! 🚀
Pour consulter nos autres articles consacrés à l’internationalisation :
Traduire son site web
Si vous êtes à la tête d’une activité qui se porte bien sur le marché national, vous envisagez peut-être de partir à la conquête de marchés étrangers. Mais gare à la précipitation ! Pensez à adapter votre stratégie marketing aux spécificités du marché visé.
SEO multilingue
Si votre activité en ligne s’adresse à une clientèle internationale, vous devez vous assurer d’être visible sur les moteurs de recherche pour tous vos publics cibles. Mais comment procéder lorsque ces publics parlent des langues différentes ?
Réseaux sociaux internationaux
Si vous souhaitez exporter votre activité, l’utilisation des réseaux sociaux constitue une stratégie marketing particulièrement efficace. Mais attention à prendre quelques précautions pour éviter un coup d’épée dans l’eau !