La représentation, qu’est-ce que c’est ? Il s’agit de mettre en avant dans les médias (télévision, ou pop culture entre autre) des personnes qui sont habituellement invisibilisées. La représentation permet aussi de lutter contre certains clichés, si elle est bien amenée. Au contraire, une mauvaise représentation donnera une mauvaise réputation. Il existe le biais de représentativité, un homme en blouse blanche sera forcément médecin. En écriture, cela caractérise un personnage, mais peut être dangereux. Ainsi, l’image de l’intello de classe parade avec des lunettes, en vrai geek. Mais quand une minorité prend la parole, on a parfois l’impression de la voir tout le temps.
La représentation : un peu de chiffre
Habitués à ce que ce soit toujours la même catégorie sociale mise en avant, on voit un écart se creuser entre ce qu’on voit et ce qu’on croit voir. Par exemple, 24% des personnes lues, entendues ou vues dans les journaux ou à l’écran sont des femmes. Au-delà d’habituer les gens à voir des personnes habituellement invisibles, la représentation permet à ces dernières d’exister pleinement et de se retrouver. On leur donne accès à des informations qui les concernent, de se comprendre ou encore de s’accepter. Présenter un handicap à l’écran d’une manière juste permet de lever le voile sur les préjugés, par exemple. Mais dans ce cas, comment peut-on juger qu’une représentation est bonne ?
Qu’est-ce qu’une bonne représentation ?
Une bonne représentation devrait donner la parole aux personnes concernées. Au fond, c’est simple : iels sont les mieux placés pour comprendre les enjeux de leur existence. Dans l’ère du digital, on voit de plus en plus de minorités prendre la parole pour échanger sur leurs parcours. Les influenceurs·euses sont de plus en plus nombreux·ses. S’iels ne parlent pas forcément de leurs parcours en tant que personne minorisée, reste qu’iels les représentent. Quand on n’est pas concerné par une problématique, il est difficile d’en saisir toutes les problématiques. Par exemple, la série Atypical qui mettait en scène un adolescent autiste a eu quelques écorchures. Si les personnes neurotypiques l’ont apprécié, ce n’est pas le cas des concerné·es.
Tout d’abord, le héros Sam présente tous les clichés de l’autiste masculin. La série est problématique sur sa représentation de la femme, et la série présente une famille brisée par la survenue d’un enfant avec autisme. Ce narratif, on le retrouve énormément dans tout ce qui touche de près ou de loin au handicap. La série a été écrite en collaboration avec Autism Speak. Une organisation finançant des recherches pour rendre l’autisme détectable in utero… Ici, on est dans l’exemple d’une représentation qui n’a pas été construire pour le public concerné.
Quinnie dans Hartley Coeur à Vif : les enjeux d’une bonne représentation
A contrario, une bonne représentation à l’écran de l’autisme est le personnage de Quinnie dans Hartley Coeur à Vif. Celle-ci casse un peu les clichés qu’on peut avoir sur les autistes en étant une adolescente vivante et n’ayant pas forcément peur du contact. Ce personnage a vivement étant salué par les personnes concernées. La série ne fait pas de handicap de l’inspiration porn, c’est là, tout simplement. La série aborde aussi le validisme que Quinnie subit, notamment de la part de sa petite amie. Elle montre aussi un meltdown, et Quinnie n’existe pas qu’à travers son autisme. Enfin, l’actrice est elle-même autiste et TDAH. Chloe Hayden est une influenceuse et actrice, autrice du livre « Different, not less ». Elle oriente sa chaîne Tik Tok vers la santé mentale, et son parcours.
À côté de cela, le jeu vidéo Warframe a aussi profité du monde virtuel pour aborder le sujet de l’autisme. Dans l’une des missions, le joueur doit choisir l’émotion représentée sur une carte. Toutefois, dans tous les choix possibles, l’émotion ne correspond jamais à la carte. Dans tous les cas, quand le joueur ou la joueuse choisit la « mauvaise émotion », c’est du pareil au même. D’ailleurs, ce système de carte n’est pas sans rappeler celui des pictogrammes que peuvent utiliser les autistes pour communiquer. Ce passage a marqué les joueurs, en les mettant directement dans la peau d’une personne autiste. Sur reddit, on peut trouver quelques sujets traitant de cette expérience au sein du jeu.
L’autisme est un sujet parmi tant d’autres, on aurait pu aborder d’autres choses. Mais les exemples cités, de Warframe et de l’actrice Chloe Hayden sont de bons exemples de ce qu’est une représentation pertinente. Dans les 2 cas, leurs narratifs est simple : show don’t tell.
Comment le digital se heurte au queer-baiting et à la représentation questionnables
On va revenir sur le sujet du queer-baiting. Tout d’abord, une petite définition de ce phénomène : le queer-baiting ou « appât queer » est une méthode de communication, ou d’écriture qui indiquerait qu’une personne est queer, en la lui faisant emprunter certains codes (vestimentaires, attitudes, etc) dit queer, mais cela ne signifie pas que la personne l’est. Par exemple, Disney avec son film la Belle et la Bête récent et son LeFou soi-disant gay (mais jamais explicitement), a fait du queer-baiting. JK Rowling aussi – afin de citer un autre exemple – en prétendant que Dumbledore était gay, mais sans l’avoir assumé ainsi dans l’écriture du livre ou des films.
Sur le net, des personnalités comme Harry Styles ou Timothée Chalamet surfent sur la vague du queer-baiting. En portant des crops-tops pour prétendre à une masculinité toxique déconstruire, ils empruntent des codes queers. Le problème avec cela, c’est que tous les deux ne font pas partie de la communauté LGBTQIA+. Ils se mettent en avant pour ces actions. Mais il y a un double discours : c’est le cas de Sam Smith. N’étant ni mince, ni cisgenre ou hétérosexuel, Sam Smith en présentant les mêmes caractéristiques que Chalamet ou Styles a été décrié• et ridiculisé•e. Cela a été aussi le cas pour Lil Nas X, artiste noir et gay, ayant servi d’inspiration pour le personnage de K’Sante dans League of Legends.
Eliott Page, une représentation rare dans le luxe
Un double discours qui ne marche que si on rentre dans les normes blanches, minces, hétérosexuelles. Néanmoins, l’existence de Sam Smith ou de Lil Nas X ont permis de donner une représentation, construire par des personnes concernées. Ains on pourra voir parmi les danseuses de Sam Smith des personnes grosses. De même que le coming-out de l’acteur transgenre Elliot Page, inscrivant cela dans son personnage dans la série Umbrella Academy, aura permis d’ouvrir la voie aux acteur•ices transgenres.
Elliot Page a risqué sa carrière avec son coming-out. Cela s’est ressenti car depuis, il n’intervient plus sur le grand écran. Mais il a su montrer que les histoires des personnes transgenres n’étaient pas que de la souffrance, avec sa photo de lui post-mammectomie qui rayonne. Désormais, en l’incluant comme mannequin pour homme pour son parfum, Gucci a prouvé son soutien à la communauté LGBTQIA+, chose d’autant plus importante qu’il y a une montée alarmante de la transphobie aux états-unis.
Ainsi, les influenceurs•euses queers ou acteurice, allié•es avec des marques aussi importantes que Gucci permettent de faire avancer les choses sur les luttes. Même si parfois, au niveau de l’accueil dans l’univers du digital, cela peut amener à des réactions virulentes.
Les effets boule de neige des bad buzz au sein du marketing digital
Sur internet, tout peut aller vite et certains bad buzz peuvent exploser. Récemment, l’influenceuse transgenre Dylan Mulvaney a reçu du cyberharcèlement de la part de ses détracteur•ices. Depuis le début de sa transition, Dylan parle de son expérience de jeune femme transgenre sur Tik Tok. Régulièrement, elle est la cible de femmes transphobes qui critiquent ou tournent en ridicule son parcours.
Récemment, Dylan a collaboré avec la marque de bière Bud. En termes de marketing digital, on peut voir une sorte de bad buzz poussé par des conversateur•ices, qui se sont mis en scène en train de tirer à la carabine sur des canettes de BudLight – le produit présenté par Dylan. Ou en les écrasant avec un camion. Jugée trop woke pour ces derniers, parce que les canettes de BudLight présentent le visage de Dylan, la marque a vu son chiffre en bourse s’écrouler, la poussant à présenter ses excuses. Une défaite, à la fois en termes de marketing, mais aussi sur le plan social.
Dans tous les cas, Dylan n’a pas fini de faire parler d’elle. Actuellement, elle affronte les mêmes réactions virulentes pour son partenariat avec la marque Maybelline. Au point que certaines activistes transphobes prétendent que le maquillage ne serait qu’une affaire de femmes cisgenres. Et que la survenue de Dylan chez la marque les effacerait.
La marque de maquillage Maybeline et sa prise de position forte
Pour autant, ce n’est pas la première fois que Maybelline collabore avec des influenceur•euses queers. Comme Manny Gutierrez qui est devenu égérie masculine en 2017. Le jeune homme est ouvertement gay a été la cible de l’homophobie du journaliste Matt Walsh sur Twitter. Le père de Manny est intervenu dans une réponse cinglante, prouvant que Matt Walsh n’a aucune connaissance et culture sur les questions LGBTQIA+.
Plus récemment, c’est Bilal Hassani, régulièrement victime d’attaques homophobes au vu de son identité de genre floue et de son homosexualité, qui a été la cible d’une nouvelle polémique. Il devait donner un concert dans une église désacralisé. Mais celui-ci a été annulé au vu des menaces proférées du collectif d’extrême-droite catholique Aurora.
Concernant les personnes racisées, c’est Nike qui avait connu un appel au boycott en 2018 pour avoir fait de Colin Kaepernick son égérie. Celui-ci est connu pour s’opposer activement contre les violences policières aux USA. Néanmoins, cela a permis à la marque de toucher son public afro-américain en faisant de Colin Kaepernick son égérie. Aujourd’hui, les marques intégrèrent des problématiques liées à l’inclusivité, afin d’être intégrée par son public.
La représentation dans le digital : les médias traditionnels et leurs discours
Pourquoi de tels écueils dans les représentations de minorités ? On dirait que lorsque celles-ci sont authentiques, en donnant leur vécu comme point de vue, cela ne plaît pas toujours. Si les marques font des efforts d’inclusion, le digital a tendance à réagir comme une traînée de poudre. Lorsque les médias traditionnels s’en mêlent, cela n’arrange pas la situation. Le chanteur Ren, atteint de la maladie de Lynn, a récemment explosé sur Youtube grâce à son morceau intimiste « Hi Ren », où il aborde des questions de santé mentale.
Beaucoup de musicien•nes ont fait des vidéos réactions à ce morceau, saluant la prouesse technique de l’artiste, mais aussi sa démarche. Jusqu’à ce que la chaîne de télévision CNN s’en mêle, et juge que Ren pousserait les jeunes vers la décadence. Le musicien a demandé plusieurs fois à la chaîne de revenir sur ses propos diffamatoires. Et les a accusé d’avoir utilisé son image sans son consentement. Ren est sa propre marque, et s’il est habituellement bien reçu par les internautes, il y a une dissonance avec les médias plus traditionnels. Cela n’est pas s’en rappeler des histoires plus anciennes, avec l’idée que les jeux de rôle étaient dangereux pour les enfants. Ou encore le passage de Squeezie chez Ardisson, où le jeune youtubeur a dû faire face au mépris de ce dernier pour son travail.
Si les marques ont bien compris qu’internet était un canal important de la communication et du marketing, avec une force de frappe indéniable de la part de leurs communautés, ce n’est pas le cas des médias traditionnels qui souvent partent en croisade contre les artistes du digital.
Rédigé par Indiana Genest
pour Média Institute
Responsable de Communauté chez Alphonse
Auteur du blog : antagoniste.ig