Emprunter le terme de guérilla au vocabulaire militaire n’est pas anodin. La guérilla peut se définir comme une « guerre non conventionnelle utilisant des stratégies différentes de celles habituellement utilisées par les armées de métier ». En transposant cette définition au monde du marketing, on retrouve cet esprit d’attaque agressive et non conventionnelle. L’idée première est de surprendre ce qui sous-entend de savoir faire preuve de créativité et d’adopter une véritable stratégie pour atteindre sa cible.
Mais quel est ce concept qui fait redoubler d’ingéniosité les annonceurs ? Et quelle place la guérilla marketing peut prendre dans le secteur automobile ?
1.LE MARKETING DE GUERILLA OU L’ART DE SORTIR DES SENTIERS BATTUS
DE QUOI PARLE-T-ON?
Ce concept de guérilla marketing a fait son apparition en 1984 sous la plume de Jay Conrad Levinson, directeur créatif de l’agence de publicité Leo Burnett.
Pour décrire la guérilla marketing en quelques mots, on peut reprendre cette définition : « c’est quand une entreprise communique sur sa marque ou sur son produit via des actions non conventionnelles. »
C’est bien cet aspect non conventionnel qui caractérise particulièrement la guérilla marketing : l’idée est de surprendre le consommateur, dans son quotidien et de créer de la viralité autour de sa communication. Comme tout bon communicant, par le biais du marketing de guérilla, on souhaite créer de l’engagement, augmenter les taux de conversion et bien sûr, les ventes.
On cherche à marquer les esprits, à se distinguer des concurrents en les attaquant, parfois frontalement. McDonald’s et Burger King l’illustrent parfaitement depuis de nombreuses années comme on peut le voir dans l’exemple ci-dessous :
Si l’on doit retenir des caractéristiques de la guérilla marketing, on pourra évoquer : son aspect non-conformiste, innovant, impactant, viral, sa capacité à marquer les esprits, à susciter des émotions et de l’engagement.
En outre, on considère que la guérilla marketing est une approche peu coûteuse avec une grande rentabilité. Les campagnes de guérilla marketing généraient un ROI – Return On Investment – de 150%, bien supérieur aux publicités traditionnelles. C’est pourquoi cette stratégie semble parfaitement adaptée aux petites et moyennes entreprises même si elle ne leur ait pas réservé. L’idée est « peu de dépenses pour beaucoup de gains ». Mais dans la pratique, certaines campagnes de guérilla engendrent tout de même des coûts conséquents pour l’annonceur selon le choix du support.
SES DECLINAISONS
La guérilla marketing peut prendre plusieurs formes et n’a aucune limite, si ce n’est celles de l’imagination. Parmi les plus connues, on peut citer :
- Le street marketing : littéralement le marketing de rue où l’espace public est utilisé et/ou détourné pour promouvoir une marque ou un produit.
- L’ambient marketing : la campagne va se fondre dans l’environnement de ses cibles.
- L’ambush marketing : marketing qui consiste à s’associer à un évènement très médiatisé, en général lors d’une compétition sportive. Il permet de profiter de la forte médiatisation de l’évènement.
- Le stealth marketing : c’est un marketing qui va agir avec les consommateurs discrètement, de manière furtive et désintéressée. Les personnes vont prendre part à la campagne sans même s’en rendre compte.
- Le viral marketing : marketing qui se caractérise par le fort bouche-à-oreille, notamment grâce aux réseaux sociaux. Le suivi de mesures de marketing de guérilla de LinkedIn considère que ce type de campagnes ont un taux de réussite de 70% pour générer du buzz dans les médias sociaux.
En réalité, ces différentes formes peuvent se confondre et se mélanger entre elles, puisqu’aujourd’hui la réussite des campagnes de guérilla marketing se note notamment par la viralité créée sur les réseaux sociaux.
SES DERIVES
Et si on note des avantages en termes de coût et d’efficacité, la prudence est de mise à ce que le caractère innovant ne dépasse pas les limites de la légalité. Il est important de bien connaître les législations en vigueur pour éviter les sanctions, notamment pécuniaires, qui pourraient entraîner de fortes pertes financières et ne pas avoir l’effet escompté. Par exemple, la campagne d’affichage sauvage d’Urban act pour Balenciaga, au côté des candidats municipaux, qui leur a valu en 2020 une amende administrative de 15 000€.
De même, la stratégie de guérilla marketing peut être mal comprise du consommateur et/ou entraîner un « bad buzz ». Certaines initiatives controversées peuvent susciter des réactions négatives et une guérilla marketing mal réalisée peut desservir la marque. Comme l’a dit Adam Salacuse d’ALT TERRAIN (agence d’activation de marketing expérientiel) : « Ne cherchez jamais à bouleverser, effrayer ou provoquer les gens de manière négative. L’objectif doit être de réaliser une action que les gens adopteront, apprécieront et partageront avec leurs amis. » [Source : Meltwater]. Kiabi en a fait les frais après son « attentat marketing » à Grenoble en 2014, alors que la mairie combattait l’omniprésence publicitaire. Cette campagne a engendré beaucoup de réactions négatives sur Twitter.
En outre, il convient de respecter une certaine éthique même dans un contexte de guérilla. Mais sur ce point, la définition des règles éthiques semble différer d’un point de vue à un autre quand certains suivent l’adage « Mieux vaut un bad buzz que pas de buzz du tout ».
SON INTERÊT
Aussi, il peut être compliqué de mesurer l’impact de ce type de campagne et d’avoir des outils de mesure de performance adaptés à ces actions non conventionnelles.
Certaines données ont cependant été remontées par Marketsplash qui note que « 86% des consommateurs pensent que les campagnes de guérilla marketing sont plus mémorables que la publicité traditionnelle » ce qui est non négligeable lorsque le taux de mémorisation est un KPI – Key Performance Indicator – très regardé par la plupart des annonceurs.
La guérilla marketing serait donc un très bon moyen pour les marques de relever l’un des défis actuels auxquels sont confrontés les annonceurs : se distinguer d’une concurrence de plus en plus rude. Nous sommes confrontés à plus de 1200 messages publicitaires par jour et tirer son épingle du jeu n’est pas une mince affaire comme le montre cette infographie de Think with Google :
(@ludosln)
Miser sur cette stratégie marquante, hors des sentiers battus, semble donc être une belle idée.
QUELQUES ILLUSTRATIONS
Pour illustrer ce qu’est la guérilla marketing voici quelques exemples de campagne:
Le passage piéton cornet de frites de McDonald’s à Zurich en 2010 (@lareclame)
Le Pop-up Store en boîte à chaussures d’Adidas à Londres (@lareclame)
Les bancs stylisés par KitKat à Londres (@antevenio)
Oasis et ses avis de recherche dans Paris (@fruizz)
Marque de montre IWC dans un bus (@warketingdigital)
Convaincu de l’intérêt de la guérilla marketing ? Quid de son utilisation par les annonceurs automobiles ?
2. LA PLACE DE LA GUERILLA MARKETING DANS LA STRATEGIE DES ANNONCEURS AUTOMOBILES
LES DONNEES DU MARCHE PUBLICITAIRE AUTOMOBILE
D’après l’étude Bump de Kantar Média, le secteur automobile arrive en 4ème position au 1er trimestre 2023, avec une hausse de 8% vs le 1er trimestre 2022.
Dans le Top 10 des annonceurs, tous secteurs confondus, au 1er semestre 2023, on retrouve Renault en 4ème position et Peugeot entre à la 8ème place du classement avec une augmentation de 38% de ses investissements bruts pluri média. Selon ces données, 1,42 milliard d’euros ont été dépensé par les annonceurs automobiles au 1er semestre 2023, soit une augmentation de +15,1% vs le 1er semestre 2022. On peut donc en conclure que les marques automobiles ne lésinent pas sur les investissements publicitaires.
On peut aussi légitiment penser qu’ils vont être sur-représentés dans les médias traditionnels et notamment dans les médias offline puisque les annonceurs automobiles y ont investi 77% de leur budget du 1er semestre 2023 avec 51% en télévision, 11% en affichage, 8% en radio et 7% en presse [Source Nielsen].
Posez la question à votre entourage s’il pense voir beaucoup (trop) de publicités automobiles à la télévision, il y a de fortes chances que la réponse soit oui !
Et la concurrence ne cesse de croître. Chaque année, des nouvelles marques automobiles arrivent sur le marché, les marques sortent de plus en plus de modèles, doivent se renouveler sans cesse. Il devient difficile de se distinguer de ses concurrents et d’obtenir de nouvelles parts de marché. Notons aussi l’arrivée des concurrents automobiles chinois qui ne cessent d’obtenir des parts de marché comme BYD.
Il y aurait donc tout intérêt pour les annonceurs automobiles, en sus de leurs actions publicitaires traditionnelles, de se tourner vers de la guérilla marketing.
LA GUERILLA MARKETING PAR LES ANNONCEURS AUTOMOBILES
Certaines marques se sont déjà prêtées au jeu.
On peut citer Jeep en 2007 et son « outdoor parking » dans les rues de Copenhague qui mettait en avant la maniabilité et son adaptabilité à la vie citadine. Plutôt que de le répéter dans un spot télévisé, Jeep a choisi de le prouver, à bas coût, directement dans la rue :
(@brogan)
Autre exemple, celui de Volkswagen qui offre une belle campagne d’ambush marketing lors d’un match France-Brésil en mars 2015 avec une faute volontaire à l’orthographe de sa marque :
Cette erreur a suscité de nombreuses réactions sur Twitter accusant notamment le Stade de France de la grossière erreur. Le constructeur automobile a par la suite réagi en 2nd mi-temps
Un coup de communication réussi pour le constructeur allemand qui a su faire parler de lui !
Toujours chez Volkswagen, on peut évoquer la campagne « Fast Lane : Driven by Fun » pour la sortie en 2010 de la Polo GTI. C’est dans le métro berlinois que la marque a choisi d’installer des toboggans pour mettre en avant la rapidité de son nouveau modèle :
Enfin, on peut citer la campagne de Hyundai « A message to space ». Le constructeur a, grâce aux traces de pneu de 11 de ses voitures dans le Nevada (USA), tracé le message « Steph t’aime » pour permettre au père de cette fameuse « Steph », qui se trouvait dans l’espace, de voir ce message. Ce message d’amour diffusé sur une vidéo YouTube que vous pourrez retrouver ici, a enregistré 72 millions de vues:
(@YouTube)
Il existe de nombreux exemples de campagnes de guérilla marketing réussies et les possibilités semblent infinies.
LA GUERILLA MARKETING POUR LES ANNONCEURS AUTOMOBILES
On pourrait imaginer des campagnes d’ambush marketing spectaculaires pendant les jeux olympiques de 2024 qui attireront plus de 15 millions de spectateurs, sans compter les diffusions télévisées des épreuves à travers le monde entier.
On pourrait penser des projections holographiques de véhicules dans l’espace public dans cet esprit :
On peut aussi penser collaboration innovante comme l’a fait récemment Renault avec le rappeur Scylla, comme vous pourrez le découvrir dans ce clip, ou encore, ambient marketing, comme l’a fait Audi dans un parking automobile brésilien où un simple passage devant un panneau digital permettait d’estimer la reprise de votre véhicule pour l’achat d’une Audi.
Ou encore, on pourrait penser à des panneaux d’affichage avec miroir ou caméra pour se voir au volant d’une voiture un peu sur le modèle de Arkaden en Suède avec son vestiaire de rue :
Et avec le développement continu du digital, il y a fort à parier que les possibilités tendront à être de plus en plus infinies mais demanderont aussi à faire preuve de plus en plus de créativité. On peut notamment évoquer le « Fake Out Of Home » que l’on voit de plus en plus apparaitre sur nos écrans comme les sacs à main de Jacquemus se promenant dans Paris, la bâche de Ninho nouvelle égérie d’Adidas sur la Tour Eiffel ou encore l’immense 5 de la nouvelle Renault R5 sous l’Arc de Triomphe :
Les annonceurs pourront aussi compter sur le développement de l’intelligence artificielle qui permet de créer toujours plus et sans réaliser de réelles mises en scène. Le site Marketsplash évoque ainsi que « L’intégration de l’intelligence artificielle (IA) dans les campagnes de guérilla marketing devrait augmenter de 85 % d’ici 2027 ».
Ainsi, on peut en conclure que la guérilla marketing a fait ses preuves et a toute sa place dans la stratégie publicitaire des annonceurs automobiles. En complément des actions marketing « conventionnelles », à eux d’innover, de créer et de surprendre le consommateur pour se distinguer d’une concurrence de plus en plus féroce dans un monde toujours plus chargé par la publicité…
Pauline TREMBLAY, Assistante Consultante Média chez Starcom – Publicis
Etudiante Média Institute – Promo 32