Pendant des années, les cookies tiers ont été les alliés invisibles des annonceurs. Ces petits fichiers, posés discrètement sur nos navigateurs, ont permis un ciblage publicitaire ultra-fin, parfois même trop fin. Mais voilà, cette époque touche à sa fin. Les cookies tiers sont en train de disparaître, et avec eux, tout un pan du marketing basé sur le suivi des comportements.
Mais qu’est-ce que ça change concrètement ? Et surtout, est-ce que c’est vraiment une mauvaise nouvelle ?
🧾 Un tournant initié par la pression réglementaire
La première secousse sérieuse a eu lieu en 2018. Le RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données), entré en vigueur dans l’Union européenne, a imposé aux sites de mieux encadrer la collecte de données. Le message était clair : fini les pratiques floues, place au consentement éclairé.
Peu après, la Californie a enchaîné avec le CCPA, une loi similaire mais orientée vers le marché américain. Ces réglementations ont lancé une dynamique mondiale de protection des données.
Les autorités comme la CNIL ont renforcé leurs contrôles : aujourd’hui, si un site pose des cookies sans autorisation explicite, il s’expose à des sanctions financières lourdes.

🧨 Google enfonce le clou (et change la donne)
Apple avec Safari, Mozilla avec Firefox… Plusieurs navigateurs avaient déjà bloqué les cookies tiers par défaut. Mais le vrai choc est venu de Google, qui a annoncé la fin des cookies tiers sur Chrome (prévue pour fin 2024), via son projet Privacy Sandbox.
Pourquoi c’est si important ? Parce que Chrome, c’est plus de 60 % de parts de marché dans le monde. Autrement dit, quand Google change les règles, tout le secteur doit s’adapter.
« La Privacy Sandbox vise à trouver des alternatives respectueuses de la vie privée tout en maintenant un écosystème publicitaire viable » – Google.

💥 Conséquences concrètes pour les marques et les agences
Dans les faits, c’est un peu comme si on retirait les lunettes à un pilote de F1 :
la vision devient floue.
Les cookies tiers permettaient :
- De cibler les internautes en fonction de leurs comportements de navigation ;
- De faire du retargeting (vous savez, ces pubs qui vous suivent partout) ;
- De mesurer précisément les conversions sur plusieurs canaux.
Sans eux, ces pratiques deviennent soit impossibles, soit moins précises. Les agences médias doivent repenser leurs outils, les annonceurs doivent revoir leur manière d’atteindre les bons publics.
💡 Les marques doivent (re)devenir intelligentes : place à la first-party data
Mais ce n’est pas une impasse. C’est surtout un retour aux fondamentaux.
La donnée first-party (celle que l’entreprise collecte elle-même) reprend toute son importance :
e-mails laissés via une newsletter, préférences renseignées dans un compte client, interactions sur les réseaux sociaux, etc.

Pourquoi c’est mieux :
- Elle est obtenue avec le consentement.
- Elle est plus fiable.
- Elle permet une relation directe avec le consommateur.
Mais ça demande des efforts : créer des expériences utilisateurs plus riches, donner des raisons claires aux visiteurs de laisser leurs données, centraliser et sécuriser ces infos. Les Customer Data Platforms (CDP) deviennent des outils clés dans cette stratégie.
🤖 IA, ciblage contextuel et modélisation : les alternatives émergent
Les acteurs du digital ne restent pas les bras croisés. De nouvelles techniques apparaissent, qui reposent moins sur l’espionnage, et plus sur l’intelligence.
Voici quelques tendances :
- Le ciblage contextuel nouvelle génération : afficher une pub pour un casque audio sur un article qui parle de musique, tout simplement. C’est moins intrusif, mais souvent plus pertinent.
- L’intelligence artificielle : via des outils comme le lookalike (audiences similaires) ou la segmentation prédictive, les marques peuvent deviner les intentions des internautes sans les traquer.
- L’analytics sans cookies tiers : Google Analytics 4, Meta Conversion API, ou le server-side tagging permettent d’analyser les performances sans dépendre des cookies classiques.
🧭 Une opportunité déguisée pour un marketing plus humain
Finalement, cette “crise” peut être une bénédiction.
Pendant trop longtemps, le marketing digital s’est appuyé sur des mécanismes automatisés, intrusifs, parfois mal compris même par ceux qui les utilisent.
Aujourd’hui, l’urgence pousse à faire mieux : comprendre ses audiences, créer des contenus à valeur, redonner confiance.
C’est plus long, moins magique… mais aussi plus durable.
Sources
- CNIL – Règlementation sur les traceurs et cookies :
https://www.cnil.fr/fr/cookies-et-autres-traceurs - Google Privacy Sandbox – Initiative officielle de Google :
https://privacysandbox.com/ - Commission européenne – RGPD :
https://commission.europa.eu/law/law-topic/data-protection/data-protection-eu_fr - CCPA – California Consumer Privacy Act :
https://oag.ca.gov/privacy/ccpa - Article de référence – Les Echos, 2023 : « Fin des cookies tiers : les marketeurs en quête de nouvelles solutions »
https://www.lesechos.fr/tech-medias/publicite/fin-des-cookies-tiers-les-marketeurs-en-quete-de-nouvelles-solutions-1903612 - Adobe – Guide sur la segmentation prédictive :
https://business.adobe.com/fr/products/experience-platform/predictive-segmentation.html