Dans ce petit monde qu’est la publicité digitale, la recherche vocale fait actuellement grand bruit. S’appuyant notamment sur les fameux Assistants Vocaux (entendez par-là Siri, Alexa, Cortana, ou encore Google Assistant) qui ne sont en réalité que la déclinaison vocale de leurs aînés les assistants personnels, leur vocation première est de faire gagner du temps à l’utilisateur en le délestant du fardeau de tapper lui-même sa recherche sur son smartphone ou son ordinateur.
Et à en croire les différentes études accessibles sur le web, les ventes de terminaux vocaux tels que les enceintes connectées sont en augmentation, sans compter les smartphones qui autorisent eux aussi la recherche vocale. En effet, selon une étude réalisée par ComScore, 50% des requêtes effectuées sur Google pourraient être vocales en 2020. Si les chiffres font débat tant les leaders de ce domaine (Google, Amazon) sont avares en détails quant aux performances réelles des requêtes en vocal et ont tout intérêt à survendre le succès de fonctionnalités qui leur ont coûté énormément de ressources à développer, il n’empêche que celles-ci font partie des grandes tendances du web de ce début d’année 2019.
Côté principe de fonctionnement, la recherche vocale ne diffère pas tellement d’une recherche classique sur un moteur de recherche : la requête vocale effectuée par un utilisateur est d’abord recueillie et traitée pour être traduite en texte, puis l’assistant vocal soumet cette transcription textuelle au réseau de recherche web qui permet de faire ressortir les résultats qui correspondent à cette requête. Reste alors à restituer ce résultat par la « parole » via un logiciel de synthèse vocale.
Tout comme l’apparition des smartphones et le développement des réseaux sociaux ont profondément marqué le secteur du digital en imposant de nouveaux standards en matière de publicité en ligne ou de structuration des offres e-commerce, le vocal semble lui-aussi porter la promesse d’une révolution profonde. Comme souvent, les avancées technologiques autorisent et génèrent de profonds changements dans les tendances de consommation, ce qui force dans le même temps les marketeurs et les professionnels de la communication à amorcer une révolution dans leurs façons de faire de la publicité.
Mais alors côté usages, en quoi peut bien consister cette révolution du Vocal Search ?
Outre l’éventuel aspect ludique que peut revêtir pour certains le recours à la recherche vocale, c’est bien la praticité inhérente à cette fonctionnalité qui explique son adoption croissante par la population : puisque nous formulons généralement une requête plus rapidement à l’oral que via un clavier d’ordinateur ou un écran tactile, la recherche vocale apporte plus de fluidité, de rapidité et donc de confort à l’utilisateur.
Et à ce stade, une précision s’impose puisque la recherche vocale peut en effet s’effectuer avec ou sans écran. Dans le 1er cas, avec écran, l’internaute formule une requête à son smartphone ou son ordinateur, qui lui restitue une réponse sous forme elle-aussi vocale mais elle est assortie des résultats de recherche directement consultables sur la page web. Dans le second cas, en s’adressant à une enceinte connectée sans écran, l’utilisateur obtient une réponse uniquement « vocale ». C’est là une distinction importante car selon que l’internaute ait ou non accès aux éléments de réponse via un écran, le rapport à l’information et ce qu’il est en mesure d’en faire est différent : à voir si le fait de pouvoir visualiser en parallèle sur un écran un produit ou un service que l’on a recherché vocalement ferait grimper les chances de passer à l’achat.
Rappelons déjà que les requêtes en search vocal sont à l’heure actuelle à visée essentiellement informationnelle (elles visent à obtenir une réponse à une question que se pose l’utilisateur), et non pas transactionnelle (effectuer un achat en ligne par exemple). En effet, si le Search Vocal revêt pour l’instant un enjeu plutôt SEO que SEA, c’est bien parce que les annonces payantes ne sont pas autorisées à y être diffusées. Et à ce titre, comment la promotion de produits ou de marques par le biais d’une voix robotique pourrait bien être perçue et accueillie par les utilisateurs ? N’y a-t-il pas un risque que ces derniers rejettent la publicité vocale en la jugeant trop invasive ?
Outre cette interrogation, à en croire la presse spécialisée les freins à l’adoption d’un tel usage transactionnel sont encore nombreux : barrières légales, enjeux de sécurité et de protection des données dans un contexte où les scandales qui ont éclaboussé des géants du numérique comme Facebook (Cambridge Analytica par exemple) ont rendu une partie de la population plus méfiante à leur égard.
Enfin, n’en déplaise aux géants du numérique, leurs assistants vocaux ne sont pas encore infaillibles : dans 10% des cas, les bots ne comprennent pas la requête de l’utilisateur, ce qui est surtout le cas pour les requêtes effectuées en extérieur ou dans des environnements bruyants où ils peinent encore à isoler les bruits parasites. Et quand bien même la requête est correctement comprise, les bots peuvent également se tromper et renvoyer de mauvais résultats de recherche. Or pour considérer cette technologie comme mature pour le transactionnel, il faut que les entreprises soient certaines de pouvoir compter sur elle, c’est-à-dire sur une marge d’erreur des bots vocaux à inférieure à 1%.
Pour toutes ces raisons, le search vocal n’en est encore qu’à l’état de tendance à surveiller en ce qui concerne la publicité en ligne, et non pas de best practice pour les annonceurs.
Et si ces freins étaient finalement levés ? A quoi la publicité en ligne sur ces device pourrait-elle bien ressembler?
Le synthétiseur vocal mettra plus de de temps pour restituer sous forme audio les résultats d’une recherche par rapport au chargement de la page de résultats d’un moteur de recherche. En ajoutant à cela que l’attention des internautes est de plus en plus volatile, qu’ils souhaitent aller à l’essentiel sans perdre de temps, alors les Assistants Vocaux ne devront fournir qu’un nombre limité de réponses pour ne pas gêner la compréhension globale. Toutes ces différences auraient un impact sur la façon dont on pourrait faire de la publicité en ligne via le Vocal : finies les 7 ou 8 annonces sponsorisées que l’on retrouve sur les pages de résultats Google ou Bing. La concurrence serait alors plus féroce, du fait qu’il n’y aurait qu’1 ou 2 résultats sur lesquels les marques pourraient payer pour se positionner. Pour un annonceur ou pour le gérant d’un site web, se positionner en 1ère place aurait donc une importance beaucoup plus forte.
En Search Vocal, les requêtes à traiter sont également plus longues (langage parlé oblige), ce qui pourrait rendre la tâche des experts du SEA assez délicate : la généralisation de la longue traîne changerait les pratiques des professionnels de l’achat de mots-clé.
L’on pourrait également imaginer une autre façon de faire de la publicité, à savoir la suggestion par l’Assisant Vocal d’un produit ou d’un service particulier, en réponse à une question ouverte de l’utilisateur : à « que faire un dimanche après-midi », l’on pourrait imaginer qu’un musée décide de payer pour une réponse sponsorisée du type « se rendre à la nouvelle exposition … ».
Après des années d’un marketing de l’attention, se dirigerait-on vers un marketing de la suggestion ?
Sources:
https://www.journaldunet.com/solutions/seo-referencement/1156067-recherche-vocale/
https://www.blogdumoderateur.com/marketing-digital-2019/
https://www.blogdumoderateur.com/role-controverse-assistants-vocaux/