Devenir Instagrammable
C’est le maître-mot dans les stratégies marketing des points de vente ! À l’heure ou le commerce en ligne prend le pas sur le commerce physique, il est vital pour les détaillants de trouver le bon équilibre entre le online et le offline.
Les magasins repensent leurs espaces, leurs vitrines, leur agencement pour favoriser la viralité. C’est le meilleur moyen d’inciter les jeunes clients à sortir du schéma « e-shopping depuis le canapé » pour qu’ils se rendent sur place et qu’ils se prennent en photo devant ou dans le point de vente.
Les marques revoient donc les concepts des magasins pour que l’expérience client vécue sur place soit photographiée, likée, partagée… et vue par le plus grand nombre. Le client veut mettre en scène sa visite et immédiatement la poster sur son profil Instagram. C’est un nouveau paradigme : le point de vente n’est plus repéré dans la rue, il est d’abord identifié sur les réseaux sociaux !
« Avec Instagram, le lieu de vente devient source de viralité et théâtre privilégié de la brand expérience par le client. Désormais, l’expérience ne vaut d’être vécue que si elle est vue, hashtaguée, postée, likée sur Insta. »
Agence Design Worshop
Bien sûr, le secteur de la beauté notamment a depuis longtemps intégré cette tendance. Sephora, précurseur du phygital, expérimente dans certains magasins « un ‘Beauty Board’, pour liker, taguer les produits utilisés et partager avec la communauté beauté de Sephora ». Un concept que l’on retrouve aussi dans les boutiques Maybelline : le « Selfie Booth » permet aux clientes fraîchement maquillées de diffuser leur nouveau look sur les réseaux sociaux.
De nombreuses marques intègrent d’ailleurs des jeunes dans leurs comités directeurs, une bonne manière de recueillir directement les attentes de cette population.
Une grande partie du succès d’Ikea, Lego et d’autres géants corporatifs avec des milliers de succursales physiques est basée sur une excellente expérience en boutique physique. La passion de la multinationale suédoise pour offrir une expérience unique l’a amenée à mettre en scène le sommeil là où il n’existe pas en règle générale : en boîte de nuit.
« Reprenant totalement les codes des soirées en discothèque, la campagne retranscrit alors le monde de Morphée dans ce lieu. La piste de danse se transforme en dortoir, les barmen ne servent que du thé ou de la tisane, et les bouchons d’oreilles ont l’allure de drogues récréatives », explique le site La Réclame, qui relaie la campagne. »
Les magasins sont toujours à la traine
Cependant, encore aujourd’hui les magasins n’ont pas la côte chez les Instagrammeurs. C’est ce que montre une étude réalisée par Enov, un cabinet d’études spécialisé dans le marketing et l’innovation. Après l’analyse de 2 millions de publications sur Instagram autour du « food » et du « shopping », l’étude note que 25% des posts citent une marque contre seulement 10% citant des enseignes. Celles qui émergent le plus sont celles qui ont développé des concepts forts, comme Sephora ou Ikea, considère Enov.
Lorsqu’on leur pose la question, seuls 11% des Instagrammeurs actifs déclarent poster des photos des magasins qui leur plaisent, alors que ce chiffre monte à 27% pour des photos de restaurants ou d’hôtels. Le cabinet estime que les restaurants et les hôtels ont adopté les nouveaux codes des réseaux sociaux depuis bien longtemps. Par exemple, les hôtels proposent des espaces spécialement aménagés pour les photos souvenirs ou mettent à disposition une banque d’images prêtes à l’emploi.
Pour autant, les trois quarts des Instagrammeurs se disent prêts à poster des photos des magasins, qu’il s’agisse de leurs vitrines, d’animations, etc. Pourquoi si peu de concrétisations, l’explication viendrait de contenus encore trop basiques proposés « online » et « offline » et une expérience trop transactionnelle et pas assez expérientielle.
Un défi de taille
Intégrer des moments amusants et conviviaux pour attirer les clients et renforcer la notoriété de la marque n’est pas seulement une tendance. Cela devient rapidement une nécessité, et il y a de bonnes chances de voir de plus en plus ces expériences interactives de vente au détail dans plus que de simples magasins phares. Ils apparaîtront dans l’ensemble d’une chaîne. Est-ce que ce sera facile ? Probablement pas.
L’espace peut être un problème pour de nombreux détaillants. La plupart des magasins ont un budget de vente au mètre carré, donc la création d’un espace » non-vente « signifie que le reste de l’étage doit fonctionner à un taux plus élevé. Vous devez également attribuer une valeur monétaire à cet espace en fonction de la valeur estimée de la marque d’un moment Instagrammable. De plus, la création d’un espace unique digne d’Instagram dans chaque magasin peut s’avérer un défi de taille pour les détaillants. Elle doit non seulement s’harmoniser avec la marque, mais elle doit aussi être une expérience mémorable qui tient compte des intérêts d’un public cible.
Frappez fort mais juste
Cependant on observe que pour émerger, il ne faut pas faire dans la demi-mesure ! « Dans les études d’impact menées auprès de nos clients, nous voyons bien la force du grand geste », indique Guillaume Gozé, qui recommande les « mises en scène exacerbées, l’exagération ». Béatrice Filio, directeur de l’agence Actes d’achats, invite à se focaliser sur ce qui va être un bénéfice client, comme « les cabines d’essayage, où il ne se passe rien. Elles sont exiguës alors que les femmes viennent souvent accompagnées. » Olivier Gerval suggère un détournement : « pourquoi ne pas les aménager comme des douches ? »
Dans la mise au point de leur concept, les détaillants doivent garder en tête deux principes. D’une part, le design est au service des produits, il doit les mettre en valeur. Le décor ne doit pas non plus accaparer complètement l’attention des clients. D’autre part, le design doit être en cohérence avec les produits. Même raisonnement avec les prix. La « montée en gamme » du design d’une boutique n’est pas forcément une solution universelle. Et c’est une bonne nouvelle pour les détaillants indépendants : le plus important, ce sont leurs idées, pas leur budget.
LE LUNETTIER INAUGURE SON PLAYGROUND BY KRYS.
67% des Français achètent encore leurs lunettes de soleil chez un opticien (étude menée par Odoxa pour Krys) mais ce nombre tombe à 48% chez les 18-35 ans. Ces derniers se tournant de plus en plus vers les enseignes de mode pour ce genre d’achat.
Krys crée un espace éphémère conçu comme une exposition artistique. Le parcours propose une succession d’installations immersives ouvert au grand public pour 2 jours en mai 2019 . Cela a été surtout, l’occasion de présenter la collection solaire printemps-été 2019 de Krys dans un cadre se voulant le plus « Instagrammable » possible.
MISE EN SCENE MONOPRODUIT : GLOSSIER, NEW YORK
Pour le lancement de son premier parfum en novembre 2017, la marque de beauté pure player Glossier a imaginé un showroom IRL ultra luxueux habillé entièrement de rouge profond. L’espace ne propose à la vente qu’un seul produit : le parfum en question. Le concept store, qualifié d’ « expérience offline », est rapidement devenu viral sur les réseaux sociaux grâce à un espace d’inspiration artistique rempli de miroirs flatteurs à profusion, de carrelage rose et couleurs vives en passant par des fauteuils confortables, conçus pour un public avide de créer du contenu photo et vidéo à partager en ligne.
L’USINE À SELFIES : LE SELFIE FACTORY
Lancé le 1er août, le Selfie Factory est un pop-up situé dans l’un des centres commerciaux les plus populaires de Londres. L’usine » offre la possibilité de prendre des centaines de photos dans différents « décors » espaces/box aux couleurs vives, super Instagrammables.
THE STORE IS THE STORY
Plus que jamais, l’image incarne la marque… et l’expérience qu’elle vend. D’autant plus que les marques tendent aujourd’hui à vendre un style de vie, plus que de simples produits.
Tous ces points de vente illustrent que l’expérience in-shop compte parfois bien plus que ce qui y est vendu dedans « The Store is a Story »
Les détaillants doivent donc prendre en compte aujourd’hui que la conception de magasins, le merchandising visuel et les stratégies de marketing externes, telles que les campagnes sur les réseaux sociaux, sont étroitement liées et se soutiennent mutuellement.
Il est primordial d’adopter une approche centrée sur les clients – de nos jours, non seulement ils veulent acheter, mais ils veulent aussi s’amuser et ressentir quelque chose dans chaque petite chose qu’ils font. Construire un environnement propice à la fidélisation et à la confiance des clients devrait être le principal objectif et qui sera sûrement l’avenir du commerce de détail. Les frontières entre le shopping et le divertissement deviennent de plus en plus floues. Les designs de magasins et les « magasins de selfies » qui correspondent à la personnalité esthétique d’Instagram réussiront.
Sources : Cabinet Énov – Journal du Luxe – Influencia – LSA – Hugh William – Fashion network – Anna Zissou