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DE LA NÉCESSITÉ DE LA DÉMOCRATISATION DE L’ÉCRITURE INCLUSIVE
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DE LA NÉCESSITÉ DE LA DÉMOCRATISATION DE L’ÉCRITURE INCLUSIVE

6 février 2018
-
Posté par Delightteam

Novembre 2015 :

Le Haut Conseil de l’Égalité entre les Hommes et les Femmes publie un Guide pratique pour une communication publique sans stéréotype de sexe 1.

Septembre 2016 :

L’agence Mots Clés édite et diffuse un premier manuel d’écriture inclusive destiné à promouvoir l’égalité entre les sexes 2.

Elle anime également des ateliers à destination des travailleur.euse.s des métiers de la communication afin de leur permettre d’intégrer l’écriture inclusive à leurs pratiques professionnelles.

Septembre 2017 :

“ Hatier publie le premier manuel scolaire rédigé en écriture inclusive. Destiné aux élèves de CE2, le manuel, intitulé « Questionner le monde », s’ouvre sur la déclaration suivante. « Nous avons choisi d’appliquer les recommandations du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, notamment: – de veiller à équilibrer autant que possible le nombre de femmes et d’hommes présentés; – d’accorder les noms de métiers, de titres, de grades et de fonctions, en utilisant l’orthographe préconisée: par exemple, artisan.e; – d’utiliser l’ordre alphabétique lors d’une énumération de termes identiques au féminin et au masculin, afin de ne pas systématiquement mettre le masculin en premier: par exemple, agriculteur et agricultrice, mais les femmes et les hommes. Tout ceci contribue à une éducation à l’égalité entre tous ». Les auteur.e.s citent le Guide pratique pour une communication publique sans stéréotype de sexe, publié en 2015 par le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, qui se félicite de l’initiative.“ 3

Novembre 2017 :

“ Le premier ministre, Edouard Philippe, a donné consigne aux membres du gouvernement de bannir des textes officiels cette forme d’écriture qui remet en cause la règle d’accord de la langue française selon laquelle, au pluriel, « le masculin l’emporte sur le féminin ».“ 4

Je suis une femme, je suis aussi féministe. Je fais partie d’une association militante, j’évolue dans une communauté de personnes sensibles aux mêmes combats que les miens. Nous déconstruisons les stéréotypes liés au genre, au corps et au désir.

Dans notre environnement social et politique, l’écriture inclusive n’est pas un débat, ni un combat, c’est une nécessité absolue.

Ne pas l’utiliser reviendrait à exclure de nos luttes les personnes que nous souhaitons visibiliser : les femmes et plus largement, les minorités sexuelles et de genre, a.k.a les personnes LGBTQI+ (lesbiennes, gays, bi, trans, queers & intersexes), les personnes non-blanches, ou tout.es individu.e.s se sentant discriminé.e.s pour quelque raison que ce soit.

Si aujourd’hui l’écriture inclusive pose problème alors qu’elle est pourtant pratiquée en France depuis plus de quinze ans, c’est qu’elle tend à sortir du cercle militant féministe et potentiellement LGBTQI+ pour se démocratiser partout où le langage impacte la sphère publique : média, éducation nationale, politique etc. Elle devient un débat de société.

Depuis notre enfance 5, on nous apprend que le masculin l’emporte sur le féminin, grammaticalement et socialement. Progressivement et depuis le XVIIème siècle, la place du féminin est invisibilisée dans la langue française. Eliane Viennot, historienne et auteure de l’ouvrage Non, le masculin ne l’emporte pas sur le féminin, explique que la langue française n’est pas inégalitaire par essence : ce sont les actions menées par des hommes contre l’égalité des sexes depuis le XVIIe siècle, qui ont mené progressivement à l’invisibilisation des femmes.

Il existe par exemple ce qu’on appelle la « règle de proximité ». Cette règle prévoit l’accord de l’adjectif avec le substantif le plus proche. Si on la suit, on doit par exemple écrire « les hommes et les femmes sont belles »… mais aussi « les femmes et les hommes sont beaux ». Cette règle, longtemps en vigueur dans la langue française, a été progressivement évincée à partir du XVIIe au profit d’un usage selon lequel « le genre le plus noble l’emporte sur l’autre » 6.

Les arguments du “parti réfractaire” sont nombreux : non-praticité de l’usage, complexité de l’apprentissage, dégradation de la langue française, NÉGATIONNISME vertueux,  ATTENTAT 7 à la mémoire, faux débat… 8 On parle même de MASSACRE 9 de la langue française. Je suis consternée, effarée de tant d’inertie, de violence et de conservatisme. En tant que femme, je me sens ouvertement maltraitée, amoindrie, diffamée et mise à l’écart.

À quel moment un combat, celui de la visibilisation des femmes – peut-il être légitimé, quand déjà l’instrument avec lequel nous jouons nos luttes, le langage, est bafoué, restreint à ce qu’on appelle le genre absolu parce que masculin ? Comment peut-on parler de “petit combat” féministe, quand – force est de constater -, nous sommes confronté.e.s aux questions d’absoluité et de souveraineté du genre ?

Néanmoins, certain.e.s acteur.rice.s tirent leurs épingles du jeu et quelques actions se font. Plusieurs lieux culturels l’ont compris (Théâtre de la Loge, Espace Khiasma, FGO Barbara…) et l’intègrent progressivement dans leurs outils de communication (e-mailing, postes sur les réseaux sociaux etc.).

(Newsletters Théâtre de la Loge, FGO Barbara, Khiasma)

D’autres évoluent encore plus radicalement : […] “pour ses dix ans, Futur en Seine portera un nouveau nom : FUTUR.E.S.

Plus international, plus ouvert et plus inclusif, FUTUR.E.S. étend son format et conjugue trois temps forts avec plusieurs évènements en Île-de-France et en Afrique. » 10 Le Festival a permis en moins de 10 ans la création d’un espace unique de réflexion, de rencontres et de débats sur le futur et ses enjeux.

Afin de palier à la méconnaissance de l’utilisation de l’écriture inclusive et faute d’outils technologiques adaptés, “ […] un marathon de design informatique, ou hackathon, s’est déroulé à Montreuil. Son objectif ? Imaginer des solutions pour rendre l’écriture inclusive plus « user friendly ».

[…] Le grand prix du hackathon […] a été décerné au site Incluzor, un « Google traduction de l’écriture inclusive ». La plateforme a pour objectif de permettre de convertir un texte dans trois versions d’écriture inclusive, en utilisant un logiciel [maniant] l’intelligence artificielle. » 11

Je n’ai pas vocation à éduquer mon entourage, que j’appelle en proie à l’hétéronormativité, là-dessus. Je suis d’ailleurs agacée d’être sans cesse sollicitée sur ces questions quand ce même entourage apprend que je m’identifie comme lesbienne et féministe. Pourquoi ? Parce qu’en réalité rares sont les personnes prêtes à débattre de façon évolutive là-dessus, en particulier quand il s’agit de défier un ordre et une majorité établies par l’Académie Française.

L’écriture inclusive est un outil, une nécessité, un devoir. Ne pas l’appliquer est une faute d’orthographe, une déformation – la bride du genre absolu.

Je ne pointerais pas du doigts celle ou celui qui ne l’utilisera pas mais nous devons continuer à relancer la question. Je continuerai de la relancer tant qu’on me sollicitera pour les raisons suivante : que je suis une femme lesbienne et féministe. Je laisse aux pédagogues le long et douloureux enseignement de l’inclusivité aux individus exclusifs qui s’obstinent à nous brider.

– Laura Debard

[1] http://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/IMG/pdf/guide_pour_une_communication_publique_sans_stereotype_de_sexe_vf_2016_11_02.compressed.pdf

[2] http://www.univ-tlse3.fr/medias/fichier/manuel-decriture_1482308453426-pdf

[3] https://www.nonfiction.fr/article-9087-ecriture-inclusive-pourquoi-tant-de-haine.htm

[4] http://www.lemonde.fr/politique/article/2017/11/21/le-premier-ministre-edouard-philippe-decide-de-bannir-l-ecriture-inclusive-des-textes-officiels_5218122_823448.html

[5] http://dessinssansgluten.com/?page_id=770

[6] https://www.franceculture.fr/societe/ecriture-inclusive-le-feminin-pour-que-les-femmes-cessent-detre-invisibles

[7] http://www.huffingtonpost.fr/2017/09/26/pour-raphael-enthoven-lecriture-inclusive-releve-du-negationnisme-vertueux_a_23223168/

[8] http://cheekmagazine.fr/societe/eliane-viennot-demonte-arguments-contre-ecriture-inclusive/

[9] https://www.franceculture.fr/societe/lecriture-inclusive-divise-les-immortels-a-lacademie-francaise

[10] http://www.ladn.eu/news-business/actualites-startups/future-en-seine-devient-futur-e-s-et-devoile-sa-programmation/

[11] https://usbeketrica.com/article/la-tech-attaque-l-ecriture-inclusive

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