L’univers du digital ne doit pas se construire sans prendre en compte l’inclusivité. Si celle-ci peut prendre différentes formes, ce n’est pas pour rien. Les gens sont divers et variés. Une personne handicapée n’affrontera pas les mêmes problématiques qu’une personne valide. On est tous différents, mais on n’a pas tous les mêmes combats. Rendre le digital plus inclusif peut se dérouler sur plusieurs points.
Comme avec l’inclusion numérique, c’est-à-dire que tout le monde peut avoir accès à internet. Que ce soit en rendant les sites accessibles aux personnes handicapées. Ou en s’assurant qu’un foyer a les moyens d’avoir des outils nécessaires.
Il faut aussi prendre en compte l’essor du cyberharcèlement. Celui-ci est plus facile, plus insidieux et peut entraîner des dégâts très graves. Le doxing est une pratique courante, et des figures de proue d’internet doivent se méfier. Un youtubeur, streamer ou autre est responsable de sa communauté.
Enfin, en dégenrant le langage pour inclure le plus grand nombre. Utiliser le neutre pour parler des personnes qui ont leurs règles n’invisibilisent pas les femmes. De même qu’avoir le choix entre « femme/homme/neutre » sur street fighter ne va pas blesser physiquement les joueurs. Des plateformes comme LinkedIn ou encore Welcome to the Jungle permettent aux personnes de choisir leur genre : en incluant dedans la non-binarité, ou en donnant ses pronoms. Cela démontre que ces réseaux peuvent accueillir des personnes transgenres, ou non-binaires.
Dans tous les cas, le digital et le marketing ont une responsabilité dans l’inclusion des minorités. Que ce soit en faisant attention à prendre en considération les spécificités de chacun. Ou en amenant une représentation saine et authentique. Enfin, parfois les communautés peuvent donner un petit coup de pouce en s’appropriant certaines marques.
La force d’internet et du marketing dans l’inclusion
Si Ikea a déjà montré son soutien à la communauté LGBTQIA+ avec ses « divans de la fierté », commercialisé au Canada, le géant Suédois n’aurait pas pu prévoir que l’une de leur peluche serait devenu une icône queer. Parfois, l’engouement d’Internet peut faire apparaître de nouvelles symboliques, comme cela est le cas pour la peluche requin d’Ikea. Le Blahaj fait avec du polystyrène recyclée est devenu à ses dépens un symbole de la communauté queer. Et plus particulièrement des personnes transgenres.
Au départ, le Blahaj était un meme déclenché en 2018. Les gens postaient des photos drôle du requin dans leurs maisons, mais graduellement, il s’est retrouvé dans la communauté transgenre. Notamment pour son panel de couleurs qui rappelleraient le drapeau transgenre. Le géant Suédois s’est servi de ce tournant quand la Suède a voté un référendum pour légaliser le mariage de personnes du même genre. En effet, la peluche Blahaj était un outil marketing et sociale pour Ikea, afin de montrer son soutien au mariage pour tous. En 2022, Ikea Canada alla plus loin en offrant une édition limitée du requin aux personnes transgenres.
Doc Martens et le storytelling LGBT
Une autre marque étant devenue un symbole queer sans le vouloir est les Doc Martens. Au point que cela s’est intégré au storytelling de la marque. Cela vient du fait que Doc Martens s’est rendue compte que leurs chaussures étaient principalement portées par des personnes faisant partie de la communauté LGBTQIA+. Dès lors, la marque a démontré plusieurs fois son soutien aux luttes queers, en les mettant en avant ou en finançant des associations comme the Trevor’s Project.
L’une des blagues récurrentes des personnes LGBTQIA+, notamment sur le net, est de prétendre qu’une personne portant des Doc Martens a de grandes chances de faire partie de la communauté. Cela fait partie intégrante de l’histoire de la marque. Qui revient régulièrement dessus, sois en promouvant des chaussures aux couleurs LGBTQIA+, soit en rédigeant sur l’histoire des luttes. Enfin, cela n’est pas nouveau. Doc Martens s’inscrit dans l’histoire du mouvement punk. Mouvement déqueerisé par les médias.
Le design et l’accessibilité dans le digital
Est-ce que comme le désign, le digital obéit lui aussi à un standard ? Le saviez-vous ? Le mobilier et l’environnement dans lequel on évolue sont pensés pour les hommes blancs et valides, faisant environ 1m80. Tout simplement parce que ce sont eux qui ont eu leur mot à dire, si bien qu’ils sont devenus un standard. Tout simplement.
Mais dans un domaine où le tangible n’a pas lieu d’être, peut-on en dire autant ?
Mis à part les outils matériels, comme les ordinateurs, le digital n’obéit pas réellement à ce standard. En vérité, ce qui va établir un standard dans le digital sera les expériences utilisateur ou encore les modes. Mais là aussi, on peut observer des « effets de mode », notamment dans l’utilisation qu’en font les internautes. Un réseau social particulièrement touché par cela est LinkedIn. Comme il s’adresse aux professionnels parlant à d’autres professionnels, il faut intégrer les effets de modes, afin de plaire aux lecteur•ices et à l’algorithme.
LinkedIn a ses propres code. Certains d’entre eux étaient par exemple d’écrire en gras, de faire plusieurs sauts de lignes, etc. Si cela lisse la création de contenus pour toucher au plus grand nombre. On ne parle pas de likes sur LinkedIn, non, c’est trop mainstream, on parle de visibilité et d’impressions. Cela peut aussi amener à des soucis d’accessibilité et d’inclusion. L’utilisation du gras, par exemple, est une méthode en référencement naturel pour signifier à Google que tel mot est important. Les retours à la ligne (aussi fréquents que des sauts de puces) ne sont pas là pour aérer un texte. Mais simplement pour créer de la rétention, et du clique. Mais qu’en est-il pour les personnes utilisant un lecteur d’écran ? Ou bien pour les personnes dyslexiques ?
Le social média comme moteur de pédagogie
Pour autant, on peut se servir de ce réseau social pour faire de l’éducation et de la pédagogie. Si LinkedIn peine comme Twitter à punir les propos discriminants, les marques profitent de ce réseau pour démontrer leur soutien. Mais là aussi, on peut se rendre compte que l’univers de LinkedIn répond au même standard que le design de vos chaises.
En vérité, cette représentation utilisation doit dépendre du réseau social. Un algorithme cherchera avant tout la rétention, et montrera du contenu en adéquation avec les centres d’intérêts des utilisateur•ices. C’est le cas de Tik Tok, qui a pu montrer que les personnes ouvertement transphobes étaient souvent menées à du contenu en lien avec l’extrême droite. Le manque de diversification du contenu encourage les gens à ne voir que ce qui leur ressemble. Enfin, des marques peuvent aussi se servir du digital pour aborder plusieurs problématiques.
Par exemple, la plateforme Bonjour Fred sur Facebook a su tirer avantage de l’aspect communautaire. Bonjour Fred s’adresse aux aidant•es que ce soit en informant via son site internet, qu’en encourageant les gens à rejoindre les groupes régionaux pour qu’iels puissent s’entraider. Des podcasts ou des webinaires sont mises en ligne pour sensibiliser et éduquer au sujet de l’aidance, comme des documentaires 2.0 et en donnant surtout la parole aux personnes concernées.
Comment faire du digital “inclusif” ?
Si le digital est un environnement favorable à l’inclusivité, comment faire pour que cela puisse s’épanouir au mieux ? L’une des forces du contenu immatériel est qu’il n’est pas gravé dans le marbre. Internet est un excellent moyen de conserver des archives, et d’évoluer.
Mais pour favoriser à l’inclusion numérique, notamment avec une langue aussi retorse que le français, accueillant mal le point médian et « iel », il faut mettre plusieurs choses en place :
Prendre en compte les spécificités de chacun, cela passe par des interfaces accessibles et intuitives. Une personne aveugle n’aura pas les mêmes besoins qu’une personne souffrant de la maladie de Parkinson. En effet, ne pas penser le digital dans son accessibilité exclue une portion de la population en ayant besoin. S’iels peuvent avoir accès à des logiciels pour adapter leur utilisation du digital, il faut aussi prendre en compte l’information. Comment savoir qu’on peut utiliser un logiciel d’aide à l’écriture par reconnaissance vocale, si on en entend jamais parler ? De même que rendre le digital accessible passe aussi par des outils tiers, comme par exemple un clavier spécial permettant d’écrire avec une baguette et sa bouche.
Néanmoins, cela ne s’arrête pas là. Il faut penser aussi au contenu qu’on met à disposition. S’assurer que tout le monde puisse avoir accès aux informations. Que ce soit en termes d’accessibilité numérique, mais aussi au savoir plus globalement, comme le fait Wikipédia qui est devenu une véritable référence.
L’inclusion numérique : rendre internet accessible à toustes
Permettre à toustes d’avoir accès à Internet est un devoir. Que ce soit via son téléphone ou son ordinateur, s’assurer que les applications sont accessibles. En France, il existe une aide de l’état que l’on nomme « la cohésion numérique », permettant aux plus démunis de recevoir jusqu’à 300 euros pour avoir accès à Internet. Aujourd’hui, le digital est une aide à l’accès à l’emploi, ou pour prendre ses rendez-vous médicaux. Les personnes vivant dans des milieux sans la fibre, ou avec une connexion qui n’est pas en haut débit représenteraient 12 millions de Français. En quelque sorte, on les condamne à l’isolement.
De plus, il faut savoir former les personnes à l’utilisation du digital. Que ce soit pour éviter des mails frauduleux, ou le téléchargement de logiciels malveillants, il faut s’assurer que l’utilisation d’Internet soit acquise. Former les jeunes, ou les moins jeunes à se servir de cet outil est devenu important. Et contrairement à ce que l’on pense, les générations des 15-20 ans sont moins à l’aise avec un ordinateur que celle des trentenaires. Le confinement a prouvé que 30% des adolescents ne savaient pas se servir d’un ordinateur.
Enfin, rendre le digital inclusif tient aussi à d’autres aspects. L’émergence des réseaux sociaux a apporté son lot de bienfaits et de dérives : si le Body Positv a remué les perceptions de la société sur la diversité des corps, des filtres beauté comme sur Tik Tok faussent toujours la réalité qu’on croit percevoir. C’est aussi le terreau de déchaînement de cyberharcèlement contre les personnes minorisées, même si ces dernières se servent du digital au sens large pour militer, se rencontrer, faire avancer les choses.
La responsabilité des influenceurs·es sur le net
Parce que si le digital a une responsabilité en matière d’inclusivité, il peut être aussi une arme redoutable contre celle-ci. Le harcèlement en ligne est en hausse. Et avec le digital, les internautes ont découvert une nouvelle façon de blesser autrui. Que ce soit par des phénomènes tels que le doxxing ou le revengage porn, il n’est plus rare que des vagues de harcèlement en ligne se fassent. Cela peut venir d’influenceur. Comme cela est le cas avec Marvin Fitness, accusé par 6 autres influenceuses de harcèlement ciblés avec sa communauté, notamment la fitgirl Aline Dessine qui subit encore aujourd’hui ses actions.
En avril, l’influenceur et créateur Squeezie voulait dans une tentative ratée de faire prendre conscience que le harcèlement était dangereux, en présentant une émission sur Youtube intitulée « le tribunal des bannis ». Le but était de « condamner » des jeunes hommes ayant été bannis de son chat sur Twitch, dans une espèce de pastiche de tribunal. Si cela semblait être une bonne idée sur le papier, Squeeize leur a donné une petite heure de gloire, et a été la cause d’une vague de cyberharcèlement sur une jeune femme ayant participée à l’émission. En aurait-il été la même chose si elle avait été un homme blanc et mince ?
Comment rendre le digital inclusif ?
Prendre conscience que le digital a une force est essentiel. Communiquer « inclusif » passe par plusieurs choses, et c’est d’autant plus important dans une époque où on observe une violente remontée de la transphobie et de l’homophobie. Que cela soit dans « la vraie vie », en ligne ou institutionnelle. En France, les violences LGBTphobe ont doublé en 5 ans, et on peut en voir une conséquence avec le suicide d’un adolescent. Lucas a mis fin à ses jours à cause de l’homophobie, quand la jeune femme Brianna Ghey alors âgée de 16 ans a été tué. Parce que transgenre.
Rendre le digital n’est pas qu’une question de pink ou de rainbow washing. Il ne s’agit pas de s’arrêter aux couleurs du drapeau arc-en-ciel pendant le mois des fiertés. Il s’agit de rendre visible les invisibles, de donner une voix aux personnes que l’on tente de faire depuis des décennies. Qu’iels soient racisée, handicapée, transgenre ou homosexuel. Iels ont le droit d’exister, comme n’importe qui d’autre.
Et exister passe à travers le langage, mais aussi via les marques et les représentations. Cela passe par des règles, comme un pourcentage de femmes à la télévision. Parce que malheureusement, inciter les médias et les entreprises à donner du poids aux minorités ne suffit pas.
L’inclusion doit se construire avec des règles, afin de rendre son utilisation limpide et systématique.