Ce 1er avril 2021 marque une véritable tempête dans le monde des médias numériques et de la protection des données ! Ce qui aurait pu être un simple poisson d’avril de mauvais goût, marque un virage à 360 degrés d’une part pour les entreprises en les forçant à revoir leur politique liée aux cookies et d’autre part pour les internautes qui se retrouvent matraqués par des pop-ups de consentement avant même de pouvoir accéder aux sites web et sans être conscient de l’intérêt des cookies. Mais d’où vient cette sphère autour de la protection des données ? Qu’est réellement la CNIL et sommes-nous arrivés à un tournant de l’Histoire numérique, où l’utilisateur d’Internet est désormais protégé des acteurs du Marketing ?
La CNIL, le gendarme des données personnelles en France
La CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés) voit le jour le 6 janvier 1978 à travers la loi Informatique et Libertés dont le but initial était de veiller à protéger les données personnelles contenues dans les fichiers et traitements informatiques ou papiers, aussi bien publics que privés sur le territoire français. Elle veille à ce que l’informatique serve le citoyen plutôt qu’à lui porter atteinte. C’est également une autorité administrative indépendante (AAI) c’est-à-dire un organisme public qui agit au nom de l’Etat et qui est chargée de statuer sur les litiges ou les plaintes qui lui sont soumis. Elle a 4 grandes missions principales :
Informer et protéger
La CNIL aide les particuliers et les professionnels en les informant sur leurs droits et obligations et protège les citoyens et leurs données personnelles.
Accompagner et conseiller
Elle accompagne les entreprises et les administrations dès le lancement de leur nouveau projet dans le strict respect des droits et libertés des citoyens.
Contrôler et sanctionner
La CNIL peut procéder à des contrôles sur la mise en œuvre de la loi. En cas de manquement à la loi, elle a le pouvoir de mise en demeure et de prononcer des sanctions.
Anticiper et innover
La CNIL veille à détecter toutes les nouvelles évolutions technologiques qui pourraient avoir des impacts sur la vie privée des citoyens avec LINC (Laboratoire d’Innovation Numérique de la CNIL) dont le but est d’analyser, informer et de partager sur les nouvelles tendances numériques.
En d’autres termes, c’est le gendarme des données personnelles en France.
Plus de 40 années d’existence et d’évolution
C’est le fameux projet SAFARI « Système automatisé pour les fichiers administratifs et le répertoire des individus » (ou la chasse aux Français) créée en 1974 qui initie la création de la CNIL. A l’époque, et sous l’ordonnance du gouvernement, chaque citoyen était identifié à travers un numéro afin d’interconnecter tous ses fichiers administratifs. Dès sa mise en lumière par les médias, ce projet a suscité une vague de colère et d’indignation de la part des Français qui craignaient le fichage général. L’informatique devient alors un sujet de méfiance et cet énorme scandale aura eu raison du projet. Pour faire face à cette polémique, le gouvernement a dû prendre des mesures pour garantir que le développement informatique se ferait dans le respect des libertés et de la vie privée et créa ainsi la « Loi Informatique et Liberté » qui deviendra en 1978 la CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés), une autorité administrative indépendante qui veillera à ce que « l’informatique ne porte atteinte ni à l’identité humaine, ni aux droits de l’homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles ou publiques ».
En 1995 l’Europe vote une nouvelle directive pour harmoniser la protection des données personnelles des citoyens. L’article 29 de cette directive d’octobre 1995 a également permis la création d’un groupe nommé G29 dont le but est d’adopter des recommandations concernant la protection des données personnelles à destination de la Commission européenne.
Les années 2000 marquent le début d’une ère où les données n’ont désormais plus de frontières !
Chaque individu génère désormais de vastes quantités de données personnelles, et ces données sont convoitées par les pouvoirs publics, les entreprises privées et même les criminels.
Les terribles attentats du 11 septembre 2001 poussent les Etats du monde entier dont la France à renforcer les mesures sécuritaires contre la menace terroriste. La CNIL demande alors d’avantages de garanties sur l’accès aux fichiers de la Police pour son projet de loi sur la sécurité pour éviter à n’importe qui de pénétrer dans des fichiers judiciaires et d’en tirer des informations.
On assiste également à la naissance des géants du web qui se gorgent de milliards de données personnelles sur les utilisateurs du web et à la multiplication de nouvelles technologies qui nous conduisent à dévoiler toujours plus d’informations personnelles sans réellement savoir vraiment qui en aura accès.
En 2003 la loi n° 2004-801 du 6 août 2004, modifiant la loi de 1978, lui confère un rôle plus important puisqu’elle renforce son pouvoir de contrôle, lui octroie un pouvoir de sanction de nature quasi-juridictionnelle, un droit de veto pour les traitements de données à caractère sensible et créé des correspondants informatique et libertés. Désormais le fait de s’opposer à un contrôle de la CNIL est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende, de quoi tenir les entreprises à carreaux !
En 2004, la loi « Informatique et Libertés » subit une modification, la notion de « données à caractère personnel » remplace les « informations nominatives » de 1978. Elle ne se limite plus à protéger uniquement les données nominatives mais tout ce qui s’entoure : nom, prénom, date de naissance, pseudo, n° de sécurité sociale, plaque d’immatriculation, etc.
De la création de la CNIL au RGPD
Alors qu’internet est devenu omniprésent dans notre vie quotidienne et que fiction est devenue réalité, nos données personnelles deviennent de plus en plus exploitées et constituent une véritable mine d’or aux yeux de certains organismes mais sont également de plus en plus sujettes aux cyberattaques en tout genre.
Compte tenu de l’évolution rapide de l’environnement numérique et de la recrudescence du terrorisme, la CNIL subit de plus en plus de pression de la part d’associations pour préserver les libertés individuelles et renforcer la protection des consommateurs. Pour faire face à cette révolution digitale et pour protéger au mieux le citoyen, les états membres de l’Union Européenne décident, après de nombreuses années de négociation, d’adopter un texte commun à l’échelle de toute l’Union européenne : le RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données) qui s’applique à toute organisation public ou privée qui traite des données personnelles pour son propre compte ou non. Adoptée par le Parlement européen le 14 avril 2016 et entrée en application le 25 mai 2018, le RGPD donne également la possibilité aux particuliers de reprendre le contrôle de leurs données personnelles c’est-à-dire « toute information se rapportant à une personne physique identifiée ou identifiable » et impose à tous les organismes une obligation générale de transparence sur la façon dont elles exploitent leurs informations. Désormais, les particuliers pourront exiger aux organismes ayant collecté leurs données, de recevoir toutes les données qui ont été recueillies à leur sujet et de les supprimer dans un délai d’un mois à compter de leur requête.
Dorénavant la CNIL veille à son bon respect et dispose d’un pouvoir de sanction encore plus important qu’avant sur les entreprises qui ne se plieraient pas aux règles du RGPD.
Qu’en est-il aujourd’hui ?
Avec l’essor d’innovations comme l’internet des objets, les réseaux sociaux, les smartphones ou l’intelligence artificielle, la technologie est aujourd’hui plus présente que jamais dans nos vies. Si elle simplifie et égaye notre quotidien, elle représente également une réelle menace.
Depuis la mise en place du RGPD, les plaintes ne cessent de se multiplier. Seulement 8 mois après la mise en place du RGPD, plus de 60 000 plaintes ont été déposées en Europe pour violation de données personnelles et seulement 90 amendes ont été infligées. Google en a payé les frais ! En janvier 2019 la CNIL lui inflige une sanction record de 57 millions de dollars pour violation du RGPD lié à son manque de transparence, à l’absence de consentement de l’utilisateur pour le ciblage publicitaire et l’accès à l’information sur la finalité des traitements de leurs données.
Nous y voilà enfin avec le ciblage publicitaire !Si le traitement des données est au cœur des préoccupations des internautes depuis de nombreuses années, le ciblage publicitaire commence à faire beaucoup parler de lui ces derniers temps. Ces dernières années marquent un véritable tournant pour les internautes qui ne cessent d’être trackés, et signent l’âge d’or des « cookies », ces petits fichiers stockés sur le navigateur de l’internaute permettant de recueillir des informations sur les préférences de la personne qui visite un site. Du PC, en passant par les assistants vocaux, nos smartphones jusqu’à notre réfrigérateur connecté, nous sommes trackés sans relâche !
Quels sont les différents types de données qui peuvent transiter via les cookies ?
Si tous les cookies fonctionnent de la même manière, ils n’ont cependant pas la même finalité. Les informations recueillies via les cookies peuvent être des données personnelles et spécifiques à un individu ou des données anonymes. Ils permettent de faciliter l’authentification lorsque l’on veut se connecter à notre compte sur un site, à sauvegarder le contenu de notre panier, à conserver des préférences en termes de navigation et à stocker des informations qui nous concerne. Ils servent également à identifier les préférences des utilisateurs pour leur pousser de la publicité ciblée.
Depuis l’application du RGPD et la prise de conscience des citoyens sur l’instrumentalisation des données personnelles, la peur grandit et les plaintes envers le ciblage publicitaire ne cessent de croitre. Pour répondre à ces inquiétudes, la CNIL décide de taper du poing sur la table et d’en faire son bouc émissaire à travers de nouvelles recommandations applicable dès le 1er avril 2021. Dès lors, c’est le début d’une ère de révolution dans le monde des médias et Internet : d’une part, car pour certaines entreprises, c’est le principe même de leur fonctionnement qui est remis en question ; et d’autre part, car c’est une incompréhension émergente du côté des internautes. Pourrait-on dire alors aujourd’hui, que la CNIL a ses raisons que la raison ignore ?
Sources :
www.cnil.fr
www.journaldunet.com
www.cpa-france.org
www.dalloz-actualite.fr