En quelques années, les plateformes de livraison à domicile ont créé un nouveau mode de consommation de notre alimentation, simple, rapide et connecté. Les coursiers sont partout, en vélo, en vélib, à scooter voire en trottinette, pour livrer en un temps record des plats divers et variés qui régaleront les papilles des clients. Le numérique et les services d’intermédiation sont indéniablement un facteur majeur du dynamisme et de la relance de la croissance du marché de restauration et donc une aubaine pour les restaurateurs. Trois plateformes se détachent particulièrement des autres en France et leurs noms ne vous sont sûrement pas inconnus : Just Eat, Deliveroo et Uber Eats.
Fondé au Danemark en 2001 par cinq entrepreneurs, Just Eat est l’une des 100 plus importantes sociétés cotées sur FTSE (Financial Times Stock Exchange) et opère sur 12 marchés à travers le monde. La société est un leader mondial de la commande de produits alimentaires en ligne, offrant aux clients un moyen simple et sécurisé de commander et de payer des produits alimentaires auprès de leurs partenaires de restauration. Leur technologie rassemble plus de 22,8 millions de clients avec 87 000 partenaires de restauration à l’échelle internationale, desservant plus de 100 types de cuisines différentes. Leur objectif : devenir la plus grande communauté alimentaire du monde, autour de quatre principales propositions de valeur pour les restaurants : l’accessibilité, la commodité, la performance et la réduction des risques.
Le succès de l’application repose sur plusieurs éléments, à commencer par son outil propriétaire, qui compte 13,4 millions d’utilisateurs actifs. La société a déployé 320 mises à jour de la plate-forme en 2017, contre 103 en 2014. Elle dépend également de ses ressources humaines, sous forme d’employés technologiques, pour améliorer la plate-forme, du personnel de vente et du personnel de maintenance. Enfin, en tant que start-up, elle s’est fortement appuyée sur le financement des investisseurs, amassant 583,6 millions de dollars auprès de 30 sociétés en mai 2015.
En France, Just Eat annonce une croissance de 30% pour les restaurants partenaires. Grâce à son nouveau système d’accompagnement pointu qui se traduit par des nouvelles offres des packagings ou des équipements personnalisés et un accompagnement à la digitalisation. Dans cette logique Gilles Raison espére bien augmenter son activité en adoptant une nouvelle stratégie de partenariat avec Domino’s Pizza et plus tard avec KFC qui compte aujourd’hui une dizaine de restaurants partenaire qui devrait générer plus de 800 000 clients et 25 % de restaurants soit 1 500 restaurants supplémentaires. Ainsi Just Eat propose une gamme encore plus large en couvrant près de 50 types de cuisines.
La relation de la société avec les restaurants repose principalement sur une assistance personnelle dédiée. Les restaurants se voient attribuer un membre de l’équipe locale spécifique. De plus, une équipe de soutien aux restaurants est à disposition pour répondre aux questions par téléphone ou par email. Par ailleurs, Just Eat forme des co-entreprises avec des services similaires dans d’autres pays afin d’étendre sa portée. Un exemple notable est le partenariat avec Eat.ch, un service suisse de commande en ligne de produits alimentaires.
Pour se rémunérer, Just Eat repose sur 3 pilliers :
- Les frais de connexion, c’est-à-dire les revenus générés par les frais exceptionnels payés par les restaurants pour rejoindre le service. La tarification dépend du niveau de maturité du marché.
- Les frais de transaction, c’est-à-dire les revenus générés par les commissions facturées par la société pour chaque commande effectuée (le taux varie selon les pays) et des frais facturés aux restaurants pour le traitement des paiements par carte client. En ce qui concerne la France, la commission est de 12% par commande.
- Et enfin, les frais de publicité, c’est-à-dire les revenus générés par les frais facturés aux restaurants pour un référencement plus élevé dans les résultats de recherche, et les produits de marque.
Pour finir, il convient de souligner que l’innovation est au centre de la proposition de valeur de Just Eat. Par exemple, la société a récemment créé un partenariat avec Starship Technologies, une entreprise créée par deux co-fondateurs de Skype qui propose aux restaurateurs de livrer leurs commandes grâce à des drones à roulettes. Le robot est contrôlé à distance, grâce à une myriade de capteurs et de caméras. Le but : éviter des situations dangereuses dans des villes ou le trafic est important, comme Londres par exemple.
Intéressons-nous maintenant à son premier concurrent, Deliveroo.
Deliveroo c’est avant tout l’histoire d’un homme : William Shu. L’américain, analyste financier chez Morgan Stanley à New-York, est depuis toujours un habitué de la livraison. En effet, exigences professionnelles obligent, la livraison lui permet d’optimiser son temps midi et soir.
Or, en 2004, il est muté à Londres. Si l’arrivée dans un nouveau pays bouleverse bien sa vie personnelle, on ne peut pas en dire autant de sa vie professionnelle : même travail et mêmes horaires tardifs. A une différence de taille : à Londres, il est beaucoup plus compliqué de se faire livrer de la nourriture qu’aux Etats-Unis.
Rapidement, ce manque d’offres devient une obsession pour William Shu, et l’idée d’un service qui alliant deux dimensions – la livraison des repas issus de bons restaurants n’offrant pas de services de livraison à leurs clients, et la rapidité d’exécution (généralement moins de 30 minutes) – commence à germer dans sa tête.
En 2011, l’américain décide de reprendre des études de commerce, à la Wharton Business School et y obtient son MBA en 2012. Fort de ses nouvelles connaissances, il décide en 2013, avec son partenaire Greg Orlowski, ingénieur de formation, de créer Deliveroo à Londres, dans le quartier de Chelsea.
Plusieurs éléments font la spécificité du service proposé par l’entreprise britannique. Premièrement, elle emploie des coursiers indépendants, en vélo, chargés d’aller récupérer dans divers restaurants des commandes effectuées via son application mobile et de les livrer aux clients. Ceux-ci sont facilement reconnaissables à leurs combinaisons vertes et grises. D’autre part, Deliveroo attache un souci de qualité des repas livrés, en étant extrêmement sélectif quant aux restaurants référencés dans son application. Ainsi, et contrairement à Just Eat par exemple, la société ne listera jamais tous les restaurants d’une même zone. Enfin, l’entreprise met un point d’honneur à ce que les livraisons soient effectuées en 30 minutes maximum.
Ce concept ne tardera pas à triompher. Alors qu’à l’origine, la société de Will Shu ne dispose que de deux restaurants partenaires, grâce au bouche à oreilles notamment, celle-ci va croitre très rapidement. Ainsi, en 2015, le service s’étend à 12 pays (Royaume-Uni, Pays-Bas, France, Allemagne, Belgique, Irlande, Espagne, Italie, Émirats arabes unis, Australie, Singapour et Hong Kong et 84 villes). Cette année marque véritablement l’explosion de Deliveroo en France puisque c’est à ce moment-là que les barres symboliques du million de commande, des 1 000 restaurants référencés, et des 1 000 livreurs, seront atteintes. Et il ne faudra qu’une année supplémentaire pour voir ces chiffres doublés (en dehors du nombre de commandes).
Aujourd’hui, et après de multiples levées de fond (dont la dernière en date fut de 385 millions de dollars), la société est valorisée à plus de 2 milliards de dollars.
Du point de vue du client, le système mis en place par Deliveroo est assez transparent : le temps de livraison est indiqué, et on peut suivre la livraison en temps réel, pour une commande minimum se situant en général aux alentours de 15 euros (celle-ci est fixée par le restaurateur). S’ajoute à cela le coût de la livraison, qui lui est fixe : 2,50 euros. Enfin, le client a la possibilité de donner un pourboire au livreur. Du point de vue du restaurateur, la commission varie, mais se situe généralement autour de 25 % du prix). Ainsi, pour une commande de 60€, le client paiera 62,50€, et le restaurateur devra payer 15€ à Deliveroo pour le double-service de référencement sur son application et de livraison.
Deliveroo n’ayant plus de secret pour vous, il est temps de vous présenter le 3ème géant du marché de la food delivery, Uber Eats.
Dans le monde numérique, Uber n’est plus à présenter. Ce géant américain du VTC a vu le jour à San Francisco en 2009 sous le nom de « UberCab » avec pour but de mettre en contact chauffeurs et utilisateurs à travers une application mobile. C’est en visitant Paris pour participer à un salon web, que Garrett Camp, Travis Kalanick et Oscar Salazar constatent la difficulté de trouver un taxi, qu’ils observent également à San Francisco. A leur retour, ils se penchent donc sur la création d’un service de chauffeur privé à la demande qu’ils nomment UberCab. La sauce prend et le succès est au rendez-vous. Suivant son appétit d’ogre, Uber se lance dans le marché de livraison des repas en août 2014, avec le lancement d’UberFRESH à Santa Monica en Californie. En 2015, la plateforme prend le nom actuel et obtient sa propre application mobile, indépendante de celle d’Uber. En France, il est introduit en tests le 14 octobre 2015 sous forme d’option au sein de l’application Uber. Finalement, UberEats sera disponible à partir de mars 2016. Aujourd’hui, en France, UberEats est géré par 60 salariés et compte 6800 restaurants partenaires dans 42 communes. En deux ans d’existence, c’est une croissance monstrueuse et prometteuse.
UberEats évolue dans un business difficile avec un problème crucial : l’absence de rentabilité. Et dans une économie de marché, les sociétés qui ne sont pas rentables sont vouées à disparaître. Or ce n’est pas le cas de UberEats et ses concurrents. Ils évoluent sur un marché qui représente 2,4 milliards d’euros de chiffre d’affaires en France et qui « devrait doubler chaque année dans les trois ans », selon les mots de Stéphane Ficaja, Directeur Général d’UberEats. Ce qui, bien évidemment, attire de nombreux investisseurs.
UberEats prévoir d’être à l’équilibre en 2018, ce qui n’est pas le cas de ses concurrents. L’entreprise est soutenue par la « maison mère » Uber, qui a empoché depuis sa création 21,7 milliards de dollars et prévoit d’entrer en Bourse très prochainement.
En termes de Business model, UberEats empoche une commission de 25% auprès du restaurant et facture 2,50 € au client par livraison. Les coursiers sont rémunérés à la course effectuée et en fonction de la distance. A Paris, le salaire est de 3,50 € par course + 1,40 €/km contre 3,50 € par course + 1,30 €/km dans les autres villes de France. Un minimum est garanti, qui est variable en fonction des évènements et des heures. Lorsque les conditions climatiques sont difficiles (pluie ou neige), des bonus sont débloqués 15 € nets/créneau avec temps de connexion et nombre de livraisons minimum.
Pour finir, quelques mots sur les projets fous d’Uber, qui souhaite être une référence en termes d’intelligence artificielle et de technologie : lancer les taxis volants et la livraison des repas en drones, d’ici 2023… Ambition réalisable ou pure folie ? Nous le saurons bientôt…
A travers la présentation de ces trois mastodontes de la livraison de repas, nous avons cherché à vous démontrer essentiellement deux choses :
- D’une part la férocité de la concurrence qu’ils se livrent. En effet, celle-ci repose essentiellement sur 3 points : la technologie, les restaurants référencés, la qualité de service, et le business model. Pour aller plus loin, on entend parler depuis le 20 septembre d’une rumeur (non confirmée par les principaux intéressés) selon laquelle Uber Eats souhaiterait racheter Deliveroo. Actuellement valorisé à plus de 2 milliards de dollars, Deliveroo pourrait être acquis à une valeur bien supérieure. Rien de signé encore, les discussions sont engagées mais toujours en cours, et Deliveroo et ses investisseurs pourraient bien décider de ne pas renoncer à leur indépendance.
- D’autre part qu’être référencé dans l’une de ces plateformes n’est pas si onéreux, si l’on prend en considération le nombre de clients mis en contact avec le restaurant. L’histogramme ci-dessous détaille, pour une même commande de 60€, le montant réel que dépensera un client (barre du haut), le montant que recevra le restaurant pour la commande (barre du milieu), et enfin le montant encaissé par chaque plateforme (barre du bas).
Références :
https://www.usine-digitale.fr/article/les-robots-livreurs-de-starship-technologies-arrivent-en-ville.N401497
https://www.lesechos.fr/25/01/2018/lesechos.fr/0301204912503_allo-resto-se-rebaptise-just-eat–du-nom-de-sa-maison-mere-britannique.htm
http://www.strategies.fr/actualites/marques/1055059W/allo-resto-va-devenir-just-eat-avec-buzzman.html
http://www.scrhg.ch/data/news/LeMatinDimanche_121117.pdf
http://www.entreprendre.fr/allo-resto-startup
https://www.lesechos.fr/28/07/2015/LesEchos/21988-089-ECH_deliveroo–la-start-up-qui-veut-transformer-la-restauration.htm#
http://www.leparisien.fr/high-tech/william-shu-un-self-made-man-de-la-restauration-a-domicile-a-velo-01-04-2016-5678459.php
http://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/2017/09/25/32001-20170925ARTFIG00133-sa-nouvelle-levee-de-fonds-valorise-deliveroo-a-2-milliards-de-dollars.php
https://www.lesechos.fr/09/08/2016/lesechos.fr/0211193408143_comment-deliveroo-compte-depenser-ses-millions.htm
https://www.latribune.fr/entreprises-finance/services/distribution/deliveroo-nous-voulons-etre-parmi-les-premiers-auxquels-les-gens-pensent-quand-ils-ont-faim-561059.html
https://www.huffingtonpost.fr/2018/07/08/pourquoi-les-livreurs-deliveroo-ou-ubereats-appellent-a-ne-pas-commander-jusqua-la-fin-du-mondial_a_23477178/
https://www.tactill.com/blog/la-restauration-boostee-par-la-livraison-a-domicile/
https://www.challenges.fr/entreprise/grande-conso/comment-allo-resto-voit-evoluer-le-marche-de-la-livraison-de-repas_420399
https://www.lesechos-etudes.fr/news/2018/02/07/des-projets-foison-pour-allo-resto-qui-devient-just-eat-france/