
En 2019, les émissions de gaz à effet de serre liées au tourisme représentaient 9% des émissions mondiales et il est prévu que ce chiffre continue d’augmenter si d’importantes mesures ne sont pas mises en oeuvre.
Avec le développement des nouvelles technologies, l’industrie du tourisme et le comportement des voyageurs a évolué. En effet, les touristes réservent majoritairement leurs voyages en ligne et on observe une influence croissante des réseaux sociaux dans le choix des destinations touristiques. Mais l’utilisation de ces technologies, bien que pratiques pour les voyageurs, peut conduire à des problèmes majeurs pour les destinations, comme le tourisme de masse.
Cependant, même si le nombre de voyageurs dans le monde ne diminue pas, de plus en plus de personnes ont conscience de l’impact négatif que peut avoir l’industrie du tourisme sur les populations et les environnements locaux. D’après une étude menée par Booking.com en 2023, 77 % des Français interrogés déclarent vouloir voyager de manière plus durable au cours des 12 prochains mois.
Dans cet article, il s’agira de voir si le digital peut représenter un outil permettant de favoriser un tourisme plus durable ou bien s’il ne fait qu’accentuer les problèmes existants.
Le tourisme, un secteur en pleine transformation grâce au digital
Aujourd’hui on observe que les attentes des voyageurs ont changé et les acteurs du tourisme doivent s’adapter. En effet, d’après une étude de Booking.com en 2023, 71% des voyageurs attendent des entreprises du voyage qu’elles proposent des options de voyage plus durables. Ainsi, de nouveaux acteurs se démarquent par rapport aux plateformes de réservation de voyage traditionnelles et des organismes de voyages qui proposent des séjours plus respectueux de l’environnement comme Evaneos gagnent en popularité. En plus de proposer des voyages sur-mesure, Evaneos tient à défendre un tourisme plus éthique. C’est pourquoi la plateforme a déclaré l’année dernière qu’ils avaient décidé de stopper la commercialisation des voyages à Mykonos et Santorin en juillet et en août, à partir de 2025. Cette mesure vise à lutter contre la surfréquentation de ces îles l’été et à rediriger les touristes vers d’autres destinations moins fréquentées. Ainsi, dès la réservation, ces plateformes de voyages en ligne contribuent à limiter le tourisme de masse et sont en mesure de proposer d’autres options aux voyageurs.
Mais au-delà d’orienter vers d’autres destinations, ces organismes cherchent à inciter les touristes à utiliser des moyens de transport plus verts. La plateforme Voyageurs du monde propose notamment toute une section liées aux voyages en train.
Et cette tendance s’observe aussi sur les réseaux sociaux. Comme on le sait, les réseaux sociaux sont un vecteur d’influence important. D’après une étude menée par Phocuswright, 65 % des touristes utilisant les réseaux sociaux pour organiser leur voyage ont pris une décision d’achat ou de visite basée sur le contenu qu’ils ont vu. Les réseaux ont donc un véritable pouvoir d’influence et peuvent faire la promotion de destinations méconnues. C’est ce qui est arrivé à l’Albanie en janvier 2024, lorsqu’une campagne TikTok a entraîné une augmentation de 94 % du nombre de visiteurs en un mois.

Mais au-delà des préoccupations écologiques, de plus en plus de personnes recherchent des expériences de voyages personnalisées, qui sortent des sentiers battus. L’avion ne s’impose donc plus systématiquement comme le mode de transport le plus plébiscité. En effet, on voit sur les réseaux de nombreuses personnes mettant en avant d’autres façons de voyager, notamment en train ou en bus. Le train de nuit connaît d’ailleurs un regain de popularité. Ce type de contenu montre que toutes les étapes du voyage sont une expérience à part entière et pas seulement la destination finale du séjour. Cela montre qu’en plus de viser à réduire leur impact carbone en voyage, de nombreux touristes veulent profiter de leur voyage autrement, en prenant plus leur temps et en adaptant leur trajet en fonction de leurs envies.
En plus d’être un outil de suggestion, le digital s’est avéré être une véritable solution adaptée aux besoins des destinations locales.
Certaines villes victimes du tourisme de masse ont dû prendre des mesures radicales afin de limiter les touristes et rendre la ville plus vivable pour les locaux.
C’est le cas de la ville de Florence qui a mis au point une solution technologique pour gérer la sur-fréquentation touristique en temps réel : l’application « Feel Florence », un service qui suggère aux visiteurs des itinéraires et des expériences en fonction de la demande touristique actuelle. Grâce aux données recueillies par des capteurs déployés dans toute la ville, l’application informe les visiteurs des endroits qui sont surchargés et leur donne le choix de visiter d’autres zones moins plébiscitées.

D’autres villes européennes comme Amsterdam et Copenhague ont également mis en place une solution afin de surveiller en temps réel les tendances touristiques et gérer le tourisme de masse. Ce système utilise les caméras de la ville et un algorithme d’intelligence artificielle pour surveiller et prédire la taille, la densité, la direction et la vitesse des visiteurs dans des espaces publics spécifiques. Ces villes utilisent aussi des outils numériques pour inciter les touristes à visiter des zones situées en dehors de la ville afin d’encourager les touristes à visiter d’autres lieux moins fréquentés.
Mais le digital peut aussi être responsable de nombreux problèmes pour les destinations touristiques
Nous avons pu voir au début de cet article que les réseaux sociaux pouvaient être une source d’influence positive en faisant la promotion de séjours qui sortent des sentiers battus. Malheureusement, les réseaux sociaux peuvent également encourager le tourisme de masse et nuire aux écosystèmes locaux. En effet, la sur-fréquentation touristique (plus de 5 000 visiteurs par jour avant 2018) a détruit les récifs coralliens de Maya Bay, en Thaïlande, provoquant l’effondrement du système marin et la fermeture totale de la destination pour réhabilitation environnementale. Maya Bay ferme désormais pendant 2 mois chaque année. Cet environnement paradisiaque qui fait rêver sur les réseaux sociaux est donc en danger à cause du tourisme. C’est un problème récurrent avec de nombreuses destinations considérées comme “instagrammables”, les touristes se pressent pour aller visiter ces endroits mais cela nuit aux populations et à l’environnement local. Les habitants de Venise et de Barcelone ont notamment exprimé leur ras-le-bol des touristes car leurs conditions de vie se sont dégradées à cause du tourisme de masse (difficultés à se loger, coût de la vie plus cher).

L’utilisation d’outils numériques peut aussi conduire à des dégradations environnementales. Par exemple, de nombreuses personnes utilisent l’intelligence artificielle pour planifier leurs voyages. Bien que ces outils peuvent simplifier l’organisation des séjours touristiques, nous savons que l’IA consomme énormément d’eau pour fonctionner dans un monde où l’on fait face régulièrement à des pénuries d’eau dans certaines régions.
De plus, une sur-utilisation du digital peut être source d’un sentiment de perte d’authenticité dans l’expérience touristique. Dans notre société où la technologie se développe de plus en plus, le contact humain tend à se réduire et l’utilisation de chatbots ou de robots se développe. Or le contact humain et la découverte des cultures locales sont à la base de l’expérience touristique.
On peut également noter un risque lié à la protection des données. La digitalisation croissante entraîne des risques accrus de fuite de données et d’une utilisation de ces données à des fins malveillantes. D’après une étude de NordVPN, un marché noir des données de voyage se développe sur le dark web. Des cybercriminels revendent en masse des passeports, des comptes de fidélité de compagnies aériennes ou des réservations d’hôtels. Il est donc important d’être vigilant à l’utilisation qui est faite de nos données personnelles.
Conclusion: le digital, entre solutions et risques de dérives
On a pu voir que la technologie était devenue un outil essentiel pour les destinations locales afin de limiter le tourisme de masse et promouvoir des destinations méconnues, permettant ainsi de contribuer à l’économie locale et lutter contre le tourisme de masse. Mais une utilisation accrue du digital dans le secteur touristique peut conduire à d’importantes dégradations écologiques.
Afin de trouver un équilibre entre innovation et durabilité, il est important qu’il y ait une réelle collaboration entre les autorités locales et gouvernementales et les acteurs du tourisme comme les plateformes de réservation de voyage afin de promouvoir un tourisme plus durable sur le long terme.
Sources :
Le Monde : Les émissions mondiales de CO₂ liées au tourisme s’envolent, causées par une poignée de pays, 2024
Booking.com : Booking.com dévoile son rapport 2023 sur le tourisme durable : comment s’articulent pouvoir d’achat et consommation responsable ? 2023
L’Echo Touristique : Surtourisme : Evaneos stoppe la vente de voyages à Santorin et Mykonos pendant l’été, 2024
Forbes : Beyond The Common Border: How To Combat Overtourism With Technology, 2023
360info : Smart technologies can pave the way for sustainable travel, 2024
Mize tech : Can We Solve Overtourism? Business Impacts and Tech-Driven Solutions, 2025
La Quotidienne : Les réseaux sociaux génèrent-ils vraiment des ventes dans le tourisme ? 2024
01net : Fuite de données et vacances : les passeports piratés se vendent comme des petits pains sur le dark web, 2025