A l’origine, quand on parle de pinkwashing, c’est pour viser les marques utilisant à outrance le rose pour démontrer leur soutien au cancer du sein. Cancer qu’une grande partie de la population pense encore comme exclusivement féminin. D’abord : cela est tiré du storytelling, mais on peut aussi questionner l’hypersexualisation de la poitrine féminine comme une des causes.
Rainbow Washing et PinkWashing : un calendrier commercial précis
Le Pinkwashing tient un calendrier commercial bien rodé. Émergeant notamment lors des Journées internationales des Droits des Femmes ou durant la Fête des Mères. Souvent raccourci en « journée de la femme », où l’on voit des offres spéciales pour les femmes. Certainement, la journée de la femme est devenue davantage un outil marketing qu’une journée de rappel sur les luttes.
Le Pinkwashing a un·e cousin·e qu’on appelle le RainbowWahsing. Cette fois-ci, il s’agit pour les marques de profiter du mois de Juin et des Marches des Fiertés pour démontrer leur soutien à la communauté LGBTQIA+. L’univers du numérique ne fait pas la différence. Et en suivant un calendrier précis, celui-ci sort les plus beaux roses et couleurs arc-en-ciel sur ses sites ou ses publicités pendant ces périodes. Et qu’en est-il le reste de l’année ?
Le PinkWashing : une lutte de forme plutôt que de fond
Parce qu’il ne faut pas se leurrer, la sincérité dans les marques concernant le féminisme et les luttes LGBTQIA+ est discutable. Montrer patte blanche une partie de l’année ne signifie pas qu’on le fait en interne le reste du temps. Si contrairement au PinkWashing, le Rainbo Washing n’est pas une occasion de faire la promotion de produits, les personnes queers sont mises à l’honneur pendant ce moment. Certaines marques vont se recouvrir du drapeau des Fiertés, ou faire quelques petites actions pour appuyer leur soutien. Comme la marque Nyx et sa collection Pride.
Le Pinkwashing et le RainbowWashing de League of Legends
Par exemple, pendant le mois des Fiertés, le jeu League of Legneds permet de mettre une icône aux couleurs des différents drapeaux LGBTQIA+. En jeu, cela signifie que lorsque son personnage va courir, celui-ci aura un arc-en-ciel derrière ellui aux couleurs du drapeau choisi par lea joueur·se. De plus, Riot Games utilise son univers pour parler des amours queers. Donnant l’occasion aux personnages du jeu de faire des coming-outs. Comme cela l’a été pour Diana et Leona, ou encore Twisted Fate et Graves.
Pour autant, Riot Games applique le « un poids deux mesure », car la scène compétitive baigne dans l’homophobie et manque clairement d’inclusion. Il n’existe pas de femme sur la scène e-sport. Et le joueur professionnel Biofrost a mentionné plusieurs fois l’homophobie de ses équipiers. Ainsi que celle de la communauté au moment de son coming-out. De plus, si Riot Games met en avant plusieurs personnalités féminines. Telles que Laure Valée ou encore Sjokz, cela n’empêche pas les soucis de misogynie et de sexisme en interne. Ici, on est dans un cas Pink Washing et de Rainbow Washing, avec un double discours. Néanmoins, il faut préciser que la communauté de joueurs — en particulier — est connue pour être toxique et virulente.
Un autre exemple est celui de la marque Victoria’s Secret. En Juin 2019, celle-ci a tweet le drapeau des fiertés pour se donner une bonne image. Malheureusement, les internautes n’ont pas oublié que le chef marketing de l’entreprise, Edward Razak a refusé d’inclure des mannequins transgenres dans les défilés. Avant de démontrer son soutien aux femmes, ou encore à la communauté LGBTQIA+, il faut agir en interne et penser à l’inclusion. Encore aujourd’hui, il s’agit une lutte de forme plutôt que de fond.
Le PinkWashing et le Rainbow Washing comme outil d’une image digitale
Si le PinkWashing et le RainbowWashing sont utilisés, c’est une façon pour certaines marques de redorer leur blason. Prenons Ikea, entre autres. Le saviez-vous ? Le créateur d’Ikea, Ingvar Kamprad aurait fait partie des Jeunesses nordiques, ce qui est l’équivalent des jeunes hitlériennes. Il a assumé son passé et ses relations avec Per Engdahl dans une lettre destinée à ses employés comme une erreur de jeunesse. Dès lors, Ikea tente de faire table rase du passé. En mettant à l’honneur des produits aux couleurs des drapeaux LGBTQIA+. Avec ce qu’iels ont nommé « les divans de la fierté ». Visiblement, Ikea Canada démontre son soutien d’année en année. Le géant Suédois est attaqué en justice en Pologne pour avoir licencié un employé ayant tenu des propos homophobes. Une réelle prise de position. Quand on sait que la Pologne met en place des zones anti-LGBT.
Être LGBT-friendly, une tendance digitale et politique
De plus, il n’y a pas que les marques qui veulent se servir du RainbowWashing pour polir leur image. À l’occasion des 10 ans du mariage pour tous, des politiques français s’étant fermement opposés à celui-ci 10 ans auparavant ont profité de l’occasion pour faire un mea culpa. C’est le cas d’Aurore Bergé qui prétendait avoir soutenu les droits LGBTQIA+. Cependant, cela n’a pas plu aux internautes qui se souviennent de Tweet de 2012 mentionnent son désaccord. Ou de sa photo ayant circulé sur le net, où elle pose avec Dora Moutot et Marguerite Stern.
Deux femmes luttant activement contre les droits des personnes transgenres. Si 10 ans sont l’équivalent de 100 ans sur le net, rien ne s’oublie par ici. On est dans l’exemple d’une tentative de Rainbow Washing. Si une marque ou une personnalité publique souhaitent s’en servir pour mettre un coup de neuf à leur marketing, ou leur image, il faut prendre en compte la mémoire d’internet. Mentir sur la toile se voit vite.
Décathlon et le Hijab
Aujourd’hui, le digital permet une certaine convergence des luttes. Notamment parce que cela permet de relier les communautés discriminées entre elles, ou de promouvoir un produit. Comme cela a été le cas avec Décathlon. Avec le Hijab de Running, permettant d’inclure dans leurs client·es des personnes portant le voile. Les personnes portant le voile sont sous-représentées. Notamment au sport parce qu’iels n’ont pas forcément des vêtements pouvant s’adapter à leurs pratiques sportives. En faisant cela, l’objectif de Décathlon était double. Faire un coup marketing, mais aussi d’inclure les personnes portant le voile dans le sport en leur donnant des outils. Néanmoins, cela a porté préjudice à la marque sur le net, la poussant à renoncer au produit devant la pression exercée sur elle.
Pinkwashing et Rainbowwashing vs réelles prises de position
Le fait que des marques souhaitent promouvoir ou soutenir les droits des femmes ou des personnes Queers est une chose. Par ailleurs, comme c’est le cas pour Décathlon, certaines finissent par se plier face à la pression. L’aspect des communautés sur le net — qu’importe leurs origines ou leurs bords politiques — a un rôle à jouer dans le marketing digital. D’une part, l’histoire de Décathlon prouve que finalement, ce sont les internautes qui auront dans le dernier mot. Pour autant, d’autres vont montrer un engagement moins marketé. Comme cela a été le cas avec l’article de Numérama présentant l’autrice de Harry Potter comme transphobe.
Le cas de JK Rowling et du Pinkwashing
Depuis quelques années, JK Rowling lutte contre les droits des personnes transgenres. Position contre laquelle le casting du trio de héros — Daniel Radcliff, Rupert Grint ou Emma Watson — s’est opposé. Ce qui a créé une scission entre elle et les films. Au point où JK Rowling a refusé d’être présente pour Retour à Poudlard. Un documentaire ayant réuni les acteurs pour fêter les 20 ans du premier film. Dès lors, Daniel Radcliff a montré plusieurs fois son soutien aux personnes transgenres, en menant une série sur Youtube où il présente les différents parcours d’un noyau de personnes transgenres. Son but étant de donner la parole aux concerné·es. Dans un tel climat, le fait que Numérama ait titré son article ainsi est une prise de position claire.
Au contraire, le retour de Harry Potter sur HBO a aussi déclenché des réactions négatives. Et des internautes ont émis le désir sur Twitter d’arrêter leurs abonnements à HBO, pour lutter et contester contre le retour de JK Rowling. Cela est d’autant plus important que les droits des personnes transgenres aux États-Unis reculent drastiquement. C’en est au point où quand la marque de bière Bud a fait une vidéo avec l’influenceuse et actrice transgenre, Dylan Mulvaney, des gens se sont filmés en train de tirer sur des canettes de Bud en signe de protestation. Cela a aussi entraîné une chute en bourse pour la marque.
Affirmer une position claire et concrète pour une marque sur les questions de féminisme et de luttes LGBTQIA+ est important. Parce que les représentations sont importantes, et elles comptent. Le marketing, ainsi que le numérique ont une responsabilité dans celles-ci. D’autant plus quand on voit comment les droits des femmes et des personnes transgenres reculent aux USA.
Des marques qui donnent le change
Pour autant, même si Ikea tente de faire quelque chose, c’est du côté des indépendants que les choses se mettent en place. En France par exemple, la marque BWYA met les personnes transgenres à l’honneur en pensant des vêtements pour elleux. Sur le digital, leur communication est claire et bienveillante, avec la mise en valeur de tous les types de corps. En outre, la marque donne la part belle à l’éducation aux sujets LGBT.
Depuis quelque temps, on observe aussi que Darjeeling change son fusil d’épaule. Avec la représentation de personnes diversifiées, arborant leurs lingeries. Parce que se sentir joli(e) concerne tout le monde. Les corps de tout type et de tout genre peuvent être célébrés, et avec tendresse. C’est aussi ce que fait la marque de sous-vêtements fait-main Avant-Minuit Lingerie. Ou encore Gucci qui donne la part belle à l’acteur transgenre Elliott Page.
Conclusion : les dangers des marques prétendues inclusives
En effet au-delà du Pinkwashing et du Rainbowashing, quand on souhaite mettre en avant des personnes issues de minorités, il faut d’abord s’interroger sur le but de cela. Est-ce une volonté de redorer son image ? Ou bien des actions concrètes sont amenées en interne ? Pour les personnes en situation de handicap, penser à leur inclusion va au-delà de les montrer. Comme le font par exemple les Cafés Joyeux. Si au départ le concept est lisse et inclusif, en proposant à des personnes avec autisme d’être serveur·ses, la réalité est totalement différente. Dans les faits, iels sont exploité·es et toucheraient 55% du Smic. De plus, si les Cafés Joyeux connaissent une bonne communication digitale, force est de constater qu’ils souffrent de plusieurs problèmes. Au-delà de l’exploitation de personnes en situation de handicap, les Cafés Joyeux sont une communauté s’inspirant du néo-pentecôtiste des États-Unis. Ces derniers sont connus pour leurs dérives sectaires.
Dans les faits, les Cafés Joyeux ont bonne presse, parce qu’ils sont montrés d’un point d’une personne valide. Avec un discours que les personnes handicapées et militantes qualifieraient « d’inspiration porn ». Enfin, c’est un storytelling à destination des personnes valides. Démontrant comment une personne avec un handicap va se surpasser et s’intégrer en société. Le plus regrettable est que les personnes concernées par l’autisme ont rarement droit à la parole. Et si pour une fois, on écoutait les concerné·es ?
Rédigé par Indiana Genest
pour Média Institute
Responsable de Communauté chez Alphonse
Auteur du blog : antagoniste.ig