Avec l’arrivée des smartphones, les jeux vidéo mobiles et les publicités qui leur sont liées ont commencé à pulluler. Mais débutons par les particularités du jeu mobile et essayons de comprendre l’essor à son sujet.
Car le jeu mobile se différencie sur de nombreux points de son grand frère sur console/ordinateur. Le premier point semble évident : le matériel nécessaire. Alors qu’il est obligatoire d’acheter le hardware (la console) et le software (le jeu) pour avoir accès aux jeux « classiques », le jeu mobile chamboule les mœurs. En effet, ce dernier ne nécessite qu’un smartphone et un accès internet afin de télécharger le jeu. Si l’explosion du jeu mobile coïncide avec les débuts de l’iPhone (2008), cette époque reflète aussi l’explosion du taux d’équipement de smartphone par la population française. Ainsi s’éclipse l’achat du hardware : la population est déjà équipée d’un outil multi-fonction où le jeu partage son espace avec d’autres activités variées (réseaux sociaux, photographie, communication…). En outre, la population change grandement : les joueurs ne sont plus des hardcore gamers, armés d’exigences sévères en quête d’aventures grandioses mais des « monsieurs tout-le-monde » qui souhaitent seulement trouver une occupation lors d’un temps d’attente.
Quant aux softwares, le tableau n’est pas moins reluisant. Exit des jeux entre 30-40 euros sur console portable, et jusqu’à 70 pour les consoles de salon. En 2017 aux USA, le prix moyen d’un jeu mobile était de 0,47$ centime.
On est alors en droit de se demander : mais comment les éditeurs peuvent-ils être rentables en proposant des jeux gratuits ou en pratiquant des prix si bas ? Deux sujets : un élargissement considérable de l’audience touchée, via les différents points évoqués plus haut, et l’ingéniosité des marketeurs et game designers.
Si la première décennie du second millénaire a vu fleurir de nombreux business models dans l’industrie du jeu vidéo, les jeux mobiles suivent le même chemin avec deux grands segments : le premier, classique, propose le téléchargement du jeu en échange d’un paiement. Le second, plus moderne, propose un téléchargement gratuit et se rémunère via d’autres moyens. Mais quels sont ces moyens ? Si souvent tout part d’un jeu en “free-to-play”, les façons de rémunérer par la suite sont nombreuses. Si elles se basaient majoritairement sur de la publicité in-game au début de l’essor du jeu mobile, sont apparues par la suite les micro-transactions.
Les micro-transactions ont véritablement révolutionné la relation entre les joueurs et l’éditeur/la marque, transformant les habitudes de jeu des premiers. En effet, les joueurs sont désormais habitués à télécharger un jeu gratuitement puis à être sollicités financièrement de nombreuses fois au cours de leurs aventures vidéoludiques. En proposant un jeu facile d’accès dans les premiers niveaux puis en corsant progressivement la difficulté, tout en offrant la possibilité d’une aide providentielle payante, les développeurs ont mis la main sur une mine d’or. Ce n’est pas agressif, c’est sournois : le joueur -monsieur lambda- découvre et s’attache à l’univers d’un jeu, progresse rapidement. Soudain, les choses se gâtent : chaque niveau demande davantage d’essais, fait surgir une frustration grandissante face à ces échecs alors même que le joueur veut continuer à réussir aussi facilement qu’aux prémices de l’aventure. Alors, quand le jeu vous propose un produit ou service vous facilitant la tâche et permettant de revenir aux réussites des premiers niveaux, le joueur hésite. Quand il se rend compte que cette aide coûte quelques centimes, il n’hésite plus : il fonce chercher sa carte bleue.
Par la suite, ce système a tout fait pour être le plus intuitif et naturel possible, par exemple en enregistrant sa carte bancaire sur l’application du jeu, il devenait possible d’effectuer un achat simplement en appuyant sur un bouton, sur l’interface du jeu, sans que la partie s’interrompe. Une merveille pour l’expérience utilisateur, sans doute moins pour leur porte-monnaie.
Outre ces “aides providentielles”, les micro-transactions vont se placer partout dans l’univers du jeu. Tout devient monétisable : un nouvel équipement, une nouvelle fonctionnalité, un nouveau costume, une nouvelle arme, une nouvelle zone de jeu. Tout. Les sollicitations financières font désormais partie intégrante de ces jeux, sous la forme de publicités. Ces dernières peuvent mettre en avant les produits et services du jeu lui-même dans cette optique de micro-transactions ou, proposer ces espaces publicitaires à des partenaires tiers.
La publicité mobile dans les jeux vidéo
Pour débuter sur ce sujet, les publicités mobiles peuvent se classer en 3 catégories : la bannière, l’interstitiel et la rewarded. La première offre une grande visibilité en restant affichée à l’écran pendant toute la durée du jeu. Relativement discrète, elle ne gêne en rien les mouvements du joueur. La seconde est plus intrusive, apparaissant temporairement en pleine phase de jeu. Enfin, la troisième, particulièrement innovante, née avec le jeu mobile, est facultative et déclenchée par le joueur. Pour être bref, elle est généralement proposée dans deux situations :
- À la fin d’une partie, lorsque le joueur a atteint le “game over”. L’idée est simple : le joueur a la possibilité de reprendre sa partie là où il en était (une sorte de seconde vie), mais en échange doit accepter d’être démarché publicitairement, généralement sous la forme d’une vidéo, pendant quelques secondes.
- Lorsque le jeu comprend une monnaie virtuelle : le joueur peut visionner une vidéo publicitaire en échange d’une quantité définie de cette dernière. Ce genre de système possède généralement des limites journalières afin de ne pas produire trop de monnaie virtuelle et ainsi déstabiliser sa valeur. Par la suite, la monnaie virtuelle permet un accès aux produits et services du jeu.
Ce format innovant de publicité améliore la rétention, l’engagement et plus globalement l’expérience utilisateur. D’autres statistiques vont dans ce sens : par exemple, les joueurs sont 71% à préférer ce type de publicité. En outre, ce format peut souvent être désactivé dans les options du jeu, offrant aux joueurs une vraie impression de liberté de choix. Les marketeurs ne tarissent pas d’éloges au sujet de ces rewarded ad. Certains proposent un concept qui va encore plus loin : suite au visionnage de la vidéo, la récompense octroyée est décidée par le biais d’une roulette (concept similaire aux loot-boxes basé sur l’aléatoire), et plusieurs objets sont ainsi obtenables. Certains joueurs vont alors maximiser le visionnage de rewarded ad pour obtenir l’objet de leur souhait.
Alors que la surenchère de publicité, omniprésente dans nos vies quotidiennes, physiquement ou virtuellement sur internet, nous désensibilise, dans le sens où elle est tellement ancrée que nous n’y prêtons plus la moindre attention, ces rewarded ad permettent au contraire d’attirer de nouveau l’oeil du consommateur et transforme leurs relations aux joueurs : ces derniers les visionnent de leur plein gré, avec envie et excitation.
Et si on reprenait ce qui fonctionne dans les autres industries ?
Dans le même temps, le jeu vidéo a emprunté une technique marketing issue du cinéma : le placement de produit. Alors que le jeu vidéo se transformait et adoptait une approche des plus réalistes (ressemblant pour ainsi dire de plus en plus à un film) via la montée en compétence des technologies et donc des graphismes proposés, beaucoup de jeux ont intégré cette nouvelle manière de monétiser, provoquant parfois des scandales.
On peut par exemple citer Electronic Arts et son “UFC 4” comme exemple d’éditeur qui en fait trop. Le jeu propose des combats de boxe, et comme dans la vraie vie, le ring et les temps morts sont peuplés de publicités. Pour des raisons de réalisme, on peut se dire qu’il est logique qu’une telle quantité de publicité soit présente, car elle l’est également lors de la retransmission de ces combats à la télévision. Néanmoins, le scandale a réellement existé et se base sur une accumulation de détails, qui au final, ont fait déborder le vase. En effet, ces publicités ont été ajoutées après le lancement du jeu et ainsi les testeurs et influenceurs n’ont pu les remonter lors de leurs essais. De plus, les publicités sont extrêmement éphémères, à la limite du subliminal, et agressives, sous la forme de pop-up. En outre, le jeu n’est pas gratuit : il coutait 60 euros à sa sortie. Si les joueurs acceptent sans rechigner les publicités dans les jeux en free-to-play, la pilule est plus dure à avaler lorsqu’ ils ont déjà dû acheter le produit à plein tarif.
Néanmoins, c’est un exemple qui reste minoritaire et les publicités sont souvent très bien intégrées en jeu, prenant souvent place sur les propres panneaux publicitaires du jeu. Mais l’univers du jeu vidéo possède, via ses caractéristiques, la possibilité d’aller plus loin que les films. En effet, alors qu’un film est figé dans le temps, le jeu vidéo va par exemple pouvoir adapter ses publicités et son ciblage selon les affinités de jeu de l’utilisateur. Si cette intégration est si bien acceptée par les joueurs, c’est notamment en raison de son non-intrusivité. On parle alors de « publicité acceptable”, terme que l’on peut aujourd’hui retrouver dans d’autres secteurs, par exemple chez les Ad-blockers. Globalement plutôt bien acceptée par les joueurs, elle doit néanmoins respecter certains principes : non-intrusivité et respect de la cohérence de l’univers.
Ex : panneau publicitaire pour la campagne de Barack Obama en 2008 dans le jeu Burnout Paradise
Néanmoins, si l’emprunt de manière de monétiser d’autres industries se révèle fructueux, celle du jeu vidéo a les cartes pour aller encore plus loin, notamment dans son interactivité avec ses utilisateurs.