Le marketing et le commerce dans leur globalité ont connu des bouleversements majeurs, notamment le paradigme dans lequel ils se conçoivent. Cela fait suite au changement radical des habitudes des consommateurs, lequel changement dû en partie aux évolutions technologiques, au développement du web et des réseaux sociaux avec son pouvoir d’influence. Le digital se positionne aujourd’hui comme le premier levier d’investissement publicitaire en France. Hé oui ! Près de 9 milliards d’euros investis en publicité par les annonceurs en 2022 sur le digital soit une hausse de 27,6% par rapport l’année 2021 (IREP : Baromètre unifié du marché publicitaire 2022). Avec ce chiffre à en donner le tournis, c’est fini l’époque où la télévision et la presse étaient les seuls maîtres du ‘’game’’.
Ces investissements sont légitimes quand on réalise que plus de 60% des français possèdent un Smartphone et 90% d’entre eux accèdent au web et consultent les réseaux sociaux via leur téléphone mobile. Aujourd’hui, nous sommes témoins de l’apparition d’un nouveau genre de consommateurs appelés cyberacheteurs. Selon les chiffres clés 2023 de la FEVAD (Fédération du E-commerce et de la Vente à Distance), les français réalisent 54 achats en ligne par an pour un panier moyen de 65 euros. Toujours selon ce rapport, ce sont au total 42 millions de français qui achètent sur Internet.
Il convient donc pour les acteurs du domaine (professionnels du marketing et entreprises de vente de biens et services) d’être là où les publics cibles sont présents en s’appropriant ces nouvelles donnes et en maitrisant les outils indispensables pour les atteindre en vue d’influencer leur parcours d’achat.
Dans ce bouillonnant environnement digital, un certain nombre d’acteurs ont émergé : Les influenceurs.euses. ou encore les KOLs, terme anglais abrégé de Key Opinion Leaders.
Leur activité sans cesse grandissante a même contribué à ériger le marketing d’influence en levier stratégique. En raison de l’importance de leur communauté et de leur caractère de presque ‘’gourou 2.0’’, ils apparaissent comme des prescripteurs pour les marques et produits en vue d’accroitre leur notoriété voire d’inciter à l’action d’achat. Selon une étude du cabinet Edelman France publié sur emaketing, 47% des français font davantage confiance aux influenceurs qu’aux marques pour parler de produits.
Avant d’aller plus loin dans ce focus, nous aborderons ce que couvent les concepts d’influenceur et de marketing d’influence. Puis nous verrons quelle part s’offre ce pan de la stratégie dans les investissements publicitaires en France. Qui en sont les principaux acteurs dans l’Hexagone ? Combien gagnent-ils dans leur collaboration commerciale ? Et enfin comment ils interagissent avec leur audience pour le bénéfice des marques ?
Qu’est ce qu’un influenceur ?
Selon l’ARPP (Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité) un influenceur (blogueur, vlogueur, etc.) est un individu exprimant un point de vue ou donnant des conseils, dans un domaine spécifique et selon un style ou un traitement qui lui sont propres et que son audience identifie.
Un influenceur peut agir dans un cadre purement éditorial ou en collaboration avec une marque pour la publication de contenus (placement de produits, participation à la production d’un contenu, diffusion d’un contenu publicitaire, etc.).
Le blog du modérateur (BDM) le définit comme « terme qui nomme les internautes disposant d’une notoriété sur un sujet spécifique sur le web et sur les réseaux sociaux. Ils peuvent se faire rémunérer en échange de la publication de recommandations sur un produit ou un service. Ils constituent un relais d’opinion auprès des consommateurs et permettent aux marques d’accroître leur notoriété et leur visibilité ».
Cette seconde définition nous montre toute l’importance de ces acteurs dans la stratégie marketing et commerciale de toute entreprise. Ils sont un maillon essentiel pour les stratégistes publicitaires dans la conception de la prise de parole sur les réseaux sociaux. Par conséquent, le choix d’un influenceur, le cadre de collaboration, les messages à diffuser, le format de diffusion, la cible à choisir etc… tout cela s’articulent dans ce qu’il est convenu d’appeler « le marketing d’influence ou influence marketing en anglais qui n’est autre que l’ensemble des techniques qui tendent à user de la force de recommandation ou de prescription des influenceurs ». ( Journalducm.com)
Quelle part dans les investissements publicitaires ?
Dans ce gros gâteau que constitue l’investissement sur le digital, le marketing d’influence se taille une part assez conséquente. Le site emarketing révèle que c’est un vaste marché qui pesait 16,4 milliards de dollars en 2022 contre 13,8 milliards en 2021. En France c’est environ de 2,2 milliards d’euros investis en 2022 dans l’internet social qui englobe le marketing d’influence (IREP).
De plus, 93% des professionnels du marketing ont déjà intégré le marketing d’influence dans leur stratégie et 60% d’entre eux indiquent les contenus crées dans le cadre de campagne d’influence sont plus performants que ceux produits par les marques elles-mêmes.(BDM)
C’est donc naturellement que le métier d’influenceur.euse tend à se démocratiser au sein de la génération Y et Z au regard des revenus importants que l’on peut en tirer.
Les influenceurs et infleuenceuses qui ont pignon sur rue dans la sphère hexagonale
Leur profil varie selon leur genre, âge et thématiques qu’ils abordent. Allant de l’humour à la beauté et bien être, de la gastronomie, au sport, au voyage en passant par la tech, tous mobilisent des milliers aux millions de fans souvent appelés « followers » sur leurs différents canaux digitaux. Les plateformes de prédilections sur lesquels ils entretiennent leur communauté sont : Facebook, Twitter, Instagram, TikTok, Youtube, Linkedin, Blog ou encore Twich. Pour qui veut les identifier doit être présent sur ces canaux.
Le site Strategie.fr a listé le top 10 préférés des français :
1. Squeezie 2. Cyprien 3. MyFly et Carlito 4. Michou 5. Lena Situations 6. Mister V 7. Joyca 8. Mastu 9. Amixem 10. L’Atelier de Roxane Source : étude Animat 2023 OMG France / Puremédias. |
Squeezie le premier de la liste compte à ce jour 18,6 millions d’abonnés sur son compte Youtube. Il gagnerait entre 16 000 et 271 000 euros par mois. Cyprien le numéro deux, en totalise 14,5 millions. Tous les deux sont des pionniers des vidéos humoristiques sur Youtube.
A côté de ces cadors, l’on peut citer Lenasituations avec 2,6 millions d’abonnés, Lorylyn 1,2 millions d’abonnés. Leur ligne éditoriale principale tourne autour du voyage, du lifestyle et de la beauté.
La thématique sport n’est pas en reste avec l’influenceur TiboInshape qui compte 13 millions d’abonnés Youtube et 5,8 millions sur Instagram. Ce dernier aurait perçu 3 millions d’euros de revenus grâce à ses activités sur sa chaîne Youtube.
Nous voyons à travers ces quelques exemples que l’activité des influenceurs est un business très lucratif. A ce sujet, nous avons pu avoir via Le blog du modérateur un tableau récapitulatif de la grille tarifaire applicable selon le type d’influenceur, le canal utilisé, le format et le nombre d’abonnés en 2023.
Les critères qui sous-tendent la rémunération des influenceurs sont fonction de la taille de leur communauté, de l’engagement suscité sur leur plateforme, de la volumétrie et la qualité de leur contenu. La plateforme spécialisée Kolsquare fournit des informations statistiques pertinentes en matière de marketing d’influence.
Comment s’organise la collaboration entre influenceurs et marques/services ? Quels sont les types de partenariats les plus usités ?
Cette liste tirée du BDM que nous reprenons à notre compte diffère légèrement selon les plateformes et les agences d’influences. Il en existe une demi-douzaine utilisée couramment.
- L’affiliation : l’influenceur est rémunéré en fonction des résultats générés.
- L’envoi de produits : l’objectif est d’envoyer un ou plusieurs produits au créateur de contenu, pour que celui-ci les présente sur ses réseaux sociaux, s’il le souhaite.
- Les jeux concours : ce type de partenariat permet d’obtenir de l’engagement, et d’accroître sa notoriété auprès de l’audience du créateur de contenu.
- Le take over : dans ce cadre, la marque propose au créateur de contenu de gérer les profils sociaux de l’entreprise pour une période définie. L’influenceur va alors publier des stories ou réaliser des lives, et ainsi échanger directement avec l’audience de la marque.
- Le contenu sponsorisé : une technique d’influence particulièrement répandue, qui consiste à payer un influenceur pour que celui-ci publie un post qui met en avant votre marque.
- Le placement de produit : ici, l’objectif de l’influenceur est de mettre en avant le produit d’une marque pour le présenter. Souvent, les placements de produit s’accompagnent de codes promotionnels éphémères, adressés à la communauté du créateur de contenu.
- L’ambassadeur de marque : cette technique d’influence vise à nouer une relation sur le long terme avec un créateur de contenu, pour que celui-ci incarne votre marque, à travers des posts, des stories, mais également la participation à des événements, des campagnes publicitaires, etc.
Comme nous le mentionnions plus haut, cette liste n’est pas exhaustive, d’autres techniques peuvent être utilisés telles que : Les Web-séries, les invitations à des évènements, les tests gratuits, giveaways etc…
Nous avons essayé tout au long de ce papier, de montrer l’importance et l’impact du marketing d’influence à travers les influenceurs dans la stratégie marketing globale des marques dans un contexte fortement digitalisé. Les budgets colossaux engagés qui ne cessent de croître au fil des ans montrent la vitalité de ce levier de croissance tant sur le plan de la notoriété/visibilité que sur celui du volume de vente des produits et services des entreprises. Même les organisations publiques à but non lucratif n’y échappent pas. Elles ont souvent recours à ces nouveaux acteurs de l’espace public pour véhiculer des messages.
En tout état de cause, l’émergence de ces influenceurs est la résultante du changement des habitudes et du parcours d’achat des consommateurs désormais ultra connectés, ultra informés, et donc ultra exigeants. Ils ne se contentent plus de la verticalité des messages diffusés par les marques. Les consommateurs veulent asseoir leur opinions et décisions à travers des tiers de confiance qui leur ressemblent et qui tiennent un discours moins formatés publicité.
Toutefois nous voulons poursuivre la réflexion autour de ces personnages qui sont venus disrupter la pratique publicitaire qui répond à des codes et principes.
Au regard des sommes faramineuses qu’ils engrangent et du nombre important de leur audience qui pour la plupart est jeune (15-24 ans), n’y a-t-il pas des risques de dérives de manipulation ?
Sont-ils pertinemment informés et formés aux principes déontologiques et éthiques de la pratique publicitaire ? Pratique entre autre dévolue aux professionnels du domaine.
Quels sont les dispositifs légaux et réglementaires qui encadrent leurs activités s’il en existe ?
Autant d’interrogations que nous tenterons de couvrir dans notre prochain article.