La crise du Coronavirus qui touche le monde entier depuis mars 2020 et la conjoncture économique des 20 dernières années a mis à mal le marché de l’art, notamment les galeries d’art déjà particulièrement vulnérables. Les crises successives et les transformations liées aux nouveaux usages du numérique imposent à ces structures de continuellement se réinventer et de proposer toujours plus de nouvelles expériences.
Les galeries d’art sont particulièrement perméables aux différentes crises que peut traverser le monde ou un secteur économique en particulier. Ces vingt dernières années de nombreux événements ont impacté le secteur de l’art et notamment les galeries d’art. La crise financière de 2008 a été particulièrement violente puisqu’on a estimé que plus de 30% des galeries d’art avaient disparu alors que le secteur récupérait tout juste de la forte crise de 1990 qui avait entrainé la fermeture définitive de 46% des galeries. L’autre événement qui a bousculé le secteur entre deux crises est le développement et la démocratisation des nouvelles technologies et des nouveaux usages liés au digital. Malgré le fait que le secteur de l’art a toujours réussi à s’adapter aux époques et aux enjeux de la société, c’est moins vrai pour beaucoup de galeries. L’actuelle crise du Covid-19 qui sévit depuis 2020 est un nouveau coup dur pour le secteur. Nous ne sommes toujours pas en mesure de dresser un bilan économique fiable et réaliste lié à l’impact de l’épidémie sur le secteur, cependant il est réel et directement attaché à la fracture digitale qui s’est opéré auparavant.
Que nous apprend cette crise ?
Certains artistes considèrent que le milieu artistique et plus particulièrement l’art contemporain serait intrinsèquement lié au phénomène de la mondialisation. Il est vrai que les années « folles » d’après-guerre ont été importantes pour le milieu de l’art. C’est au cours de cette période que les moyens de communications ce sont démocratisés, mais également les voyages internationaux qui ont permis d’ouvrir un secteur de niche au monde entier à travers les foires internationales, les biennales, la création des réseaux internationaux, etc. L’impact de l’art n’a jamais été aussi important qu’à cette époque, l’essor de la pop culture, de la publicité et plus globalement de la télévision ont permis d’introduire l’art dans chaque foyer des pays occidentaux.
L’adaptation serait donc la clé du succès pour les galeries d’art ?
Comment expliquer que certaines galeries ont littéralement doublé ou triplé leurs chiffre d’affaires, tandis que d’autres ont vu les transactions diminuées lourdement voire même de devoir fermer boutique ? On remarque que les galeries n’ayant pas anticipé leur transformation digitale ont largement été impactées par cette crise. En effet, la présence en ligne était le seul moyen mis à disposition pour les galeries de pouvoir communiquer et interagir avec son public pendant les confinements successifs. Une grande majorité des galeries sont de petites structures et n’ont pas forcément le temps et l’investissement nécessaire pour développer les différents leviers digitaux. Ces galeries en particulier ont des difficultés liées au numérique dans le marketing, la communication et les ventes.
Pendant des années, les galeries d’art ont longuement hésité à innover via le digital, étant une activité fortement basée sur le contact physique et l’interaction sociale avec l’acheteur notamment via les galeries ou les foires. La crise du Covid-19, dans un sens a permis de montrer au grand jour le rôle tout aussi important des réseaux-sociaux et de la sphère numérique. Pour un grand nombre d’entre-elles, construire ou reconstruire leur stratégie numérique est un pilier si elles veulent perdurer dans le temps et potentiellement anticiper les futures crises.
Outre l’aspect physique du contact, le marché est réputé pour être exclusif et non transparent, notamment sur le prix et le processus de vente. Une activité en ligne suppose d’être davantage transparent vis-à-vis des potentiels acheteurs car les achats seront susceptibles d’être réalisé à distance. Internet est une opportunité pour toucher de nouveaux marchés dans le monde entier et de fournir des informations en continue sur les artistes et sur les évolutions du marché. C’est l’écosystème en entier qui tend à se transformer, les maisons de ventes aux enchères peuvent désormais se dérouler directement en ligne, une stratégie visant à attirer les collectionneurs plus jeunes utilisant les outils numériques pour aller plus vite. C’est d’autant plus difficile pour les galeries d’art, car l’acheteur a maintenant accès à l’ensemble des informations et des œuvres depuis son smartphone ou son ordinateur, il n’a plus forcément besoin de se déplacer dans une galerie pour demander des conseils ou des informations. Le rôle des galeries est remis en question et perd son rôle principal d’interface avec le collectionneur. Le rôle de la galerie est de promouvoir les artistes afin de créer une demande auprès des acheteurs potentiels, notamment via l’organisation d’évènements ou d’activités afin d’accroitre la valeur des artistes, donc accessoirement des œuvres d’art. Pour cela, nombre d’entre-elles ont revu leur modèle économique afin de tirer parti de ces outils pour interagir avec les différents interlocuteurs et de rester en lumière sur le marché.
Certaines galeries ne s’engagent pas dans cette transformation digitale car elles n’ont pas forcément les moyens financiers pour s’offrir une présence active en ligne, c’est surtout le cas pour les très petites galeries. D’un autre côté, on trouve également des galeries qui ne souhaitent pas suivre cette voie et préfère maintenir leur activité « traditionnelle ».
Comment les galeries peuvent intégrer au mieux les canaux numériques dans leur modèle économique ?
L’utilisation des outils digitaux est particulièrement adaptée aux galeries d’art à la seule condition de les intégrer de manière cohérente avec la présence physique. Cela concerne le parcours client dans son intégralité, il faut pouvoir trouver les informations nécessaires, interagir et acheter sur l’ensemble des canaux disponibles. Le client doit pouvoir passer d’un canal à l’autre de manière interchangeable afin de bénéficier d’une certaine fluidité, pour la galerie c’est un moyen supplémentaire de fidéliser le client plus facilement. Evidemment les petites galeries ne vont pas avoir le même impact que celles qui ont une portée internationale, de par les moyens financiers moindre et la cible vidée d’une autre part. Cependant, chaque type de galerie, peu importe sa taille, peut tirer profit de cette transformation que ce soit en passant par leur site web, mais également par les réseaux-sociaux, offrant ainsi de la visibilité auprès d’un public de plus en plus connecté. Certaines galeries aux ressources financières plus importantes ont revue complètement l’expérience client durant la crise du Covid-19 en proposant des immersions totales en ligne via des visites guidées, des expositions en 3D, des podcasts ou encore des vidéos.
Presque deux ans après le début de la crise, le secteur a compris que les clients n’étaient pas aussi réfractaires à l’achat en ligne. La crise a mis en évidence la disparité entre les galeries. Il y a d’une part, celles qui ont les moyens d’offrir une stratégie globale en ligne qui permet d’apporter une expérience significative et d’une autre part, les galeries locales, disposant de moyens financiers moindre pour y parvenir.
La pandémie mondiale qui s’est abattue sur la planète à profondément modifié et accéléré le processus de digitalisation, le profil de l’acheteur type est devenue hybride et de plus en plus connecté, incitant les galeries d’art à modifier en profondeur leur politique de promotion. Il est encore trop tôt pour déterminer les effets sur le long terme de cette crise mais on remarque clairement un changement significatif des habitudes et de la consommation numérique qui ont clairement un effet sur les galeries d’art et plus largement sur le marché de l’art. C’est donc un réel défi pour les petites structures qui ont des capacités plus limitées. Cette crise aura permis de démontrer que le modèle économique des galeries d’art est résistant et qu’il peut s’adapter aux changements majeur de société. Une partie de ces galeries vont poursuivre leur stratégie de transformation digital, tandis que d’autres vont suivre ces changements avec moins de moyen et plus de difficulté, il sera alors nécessaire pour ces dernières de conserver leur approche locale et traditionnelle afin d’en tirer profit. Nous entrons dans une nouvelle ère des galeries d’art, elles cherchent leur nouveau modèle d’avenir et doivent composer avec des nouveaux enjeux. Au-delà des défis liés au digital et aux technologies, la question de l’écologie, de l’inclusivité et du retour au local feront partie des changements attendus dans la manière d’exercer leur activité à l’avenir. Est-ce une mauvaise chose ? Sommes-nous à la fin ou au début de quelque chose ?