De janvier à septembre 2020, le cinéma français n’a compté que 50 millions d’entrées contre 139 millions sur la même période en 2019 soit une baisse de 63% . Les jauges mises en place ainsi que le port du masque obligatoire n’ont évidemment pas permis au cinéma français de performer.
Malgré la crise de la Covid 19 et la fermeture des salles de cinéma, les spectateurs ont tout de pu avoir accès au cinéma. Certaines plateformes de streaming comme Netflix ou Amazon Prime Vidéo ont décidé de racheter les droits de certains films qui devaient sortir en salle, une volonté stratégique de la part des studios de cinéma pour surmonter cette période délicate pour le cinéma mondial. Sur les sept premiers jours de confinement en France, le nombre de séries et de films visionnés est passé de 14,8 à 18 millions. Une stratégie particulièrement efficace pour les plateformes de VOD.
Il faut noter que ce phénomène de vente a également été amplifié par un assouplissement des règles de la chronologie des médias par le CNC ce qui a permis à de nombreux films de sortir plus rapidement en DVD et blue-ray. Avec la pérennisation de ces nouvelles plateformes, le cinéma français se doit de réagir en créant une attente et une véritable expérience auprès des spectateurs.
Les salles de cinéma survivront-elle ?
Mourir peut attendre, Wonder Woman, Dune… Les films les plus attendus sont reportés en 2021 voir 2022, et la liste ne cesse de s’allonger compte tenu de la crise sanitaire qui malheureusement perdure à travers le monde. On dénombre plus de 400 films privés d’écrans depuis le 31 octobre 2020 ce qui crée un encombrement au niveau de la programmation et un dilemme pour le spectateur, qui peut parfois être désormais obligé de trancher entre plusieurs films selon son budget.
Avant la pandémie, les distributeurs de films étaient tenus d’attendre avant de pouvoir vendre leurs films sur d’autres supports comme le DVD, les chaînes de télévision gratuites ou les services de VOD par abonnement. Le gouvernement a fait évoluer cette exception française pour obliger les plateformes de VOD à investir dans le cinéma Français. Certaines œuvres sont passées par la case VOD (vidéo à la demande) ou télévision sans arriver par la case cinéma. Une pratique qui peut fonctionner dans certains cas mais qui n’est pas une solution durable car un film est principalement vendu à un prix fixe et n’est donc pas dépendant de son succès en salle. Ces revenus peuvent être plus faibles comparativement à ce que l’exploitation, c’est-à-dire la salle, peut apporter.
Etienne Ollagnier président de Jour2Fête décrit la salle de cinéma comme un élément marketing : « la salle crée la notoriété » et, les films proposés directement en VOD peuvent ne pas avoir le succès escompté. Il nous explique : « On l’a testé (les plateformes de VOD) au moment du premier confinement mais un film dont personne n’a entendu parler, personne ne va le voir. Certains films dont la promotion aura été très intense comme Mulan de Disney vont trouver leurs voix mais la majorité des films ne peuvent pas exister dans le monde de la VOD car le public de ces plateformes n’est pas consommateurs de ces œuvres.
La salle de cinéma est le seul lieu ou un film peut s’épanouir, il s’agit d’un lieu de rencontre et d’une expérience unique que le canapé d’un salon ne peut pas reproduire. Un film comme ADN de Maïwenn est sorti deux jours avant le début du deuxième confinement, tout comme Garçon chiffon de Nicolas Maury ou encore Sous les étoiles de Paris de Claus Drexel. Il y a également Drunk de Thomas Vinterberg, qui a remporté l’Oscar du meilleur film étranger mais aussi Adieu les cons d’Albert Dupontel qui est resté à peine plus d’une semaine à l’affiche et a récemment remporté sept César dont ceux du meilleur film et meilleur réalisateur. C’est grâce aux salles de cinéma que ces films ont développé leur audience.
Il est donc nécessaire de créer des campagnes de communication pour se démarquer et anticiper la sortie des autres films. Certains films ont déjà annoncé une nouvelle date de sortie pour créer une attente chez les spectateurs qui peuvent, dès à présent cocher une case dans leur calendrier. Mais cela ne fonctionne uniquement pour les films grand public attendus depuis longtemps grâce à leur casting ou leur budget. Les films moins médiatiques disposent d’un panel de supports intéressants pour promouvoir leur arrivée en salle. Du street marketing aux supports classiques (réseau sociaux, avant-première, et depuis le 19 août 2020 la télé). Grâce aux réseaux sociaux, les distributeurs peuvent diffuser des bandes annonces, mais également d’autres formats comme un « Fast and Curious » ou des « Insights » du film. Le spectateur peut ainsi rentrer dans les coulisses du film et apprendre à mieux connaitre les acteurs. Le marketing au cinéma ne s’élabore pas uniquement autour du film et de ses différents canaux de diffusions, il est également important de le faire apparaître dans le film.
Case study : l’agent James Bond
Les films de la série James Bond sont de très bon prismes d’analyses du marketing au cinéma. L’un des principaux leviers utilisés par le studio de la MGM (récemment rachetée par Amazon) est le placement de produit. Les films utilisent inlassablement ce levier pour permettre au producteur de réduire le prix final d’un film mais également pour que l’œuvre soit ancrée dans la réalité et dans un espace spatiotemporel.
La crise sanitaire de la Covid 19 a bouleversé ce mode des fonctionnement puisque des films qui devaient sortir en 2020 ne seront qu’à l’affiche fin 2021 voir 2022. Il est donc nécessaire pour les productions cinématographiques de revoir chaque placement effectué lors du tournage ou de la post production. C’est le cas notamment du dernier James Bond tourné en 2019, les produits utilisés lors du tournage sont maintenant obsolètes. C’est pour cette raison que certaines des scènes du film ont dû être retournées et certaines modifiées au montage. Les marques présentes dans le film comme Omega peuvent ainsi communiquer sur leurs produits et par conséquent sur le film. Les campagnes transverse ne font qu’amplifier la présence à l’esprit du film auprès des spectateurs. Il est donc important pour les studios de cinéma qui utilisent le placement de produit de retravailler le film en post production pour faire figurer les nouveaux produits des marques. Ce levier permet également de créer des campagnes de communication en dehors de la zone de chalandise du film et de faire naître de nouvelles tendances propices à l’acte d’achat..
Le cinéma dispose de nombreux outils marketing pour faire émerger un film dans l’univers médiatique. Cependant il est extrêmement important de ne pas se tromper de méthode. La vente des films aux services de VOD n’est pas l’unique solution bien qu’elle puisse être efficace sur le court terme pour des studios ayant besoin de liquidités. Les réseaux sociaux ainsi que le marketing de rue sont des supports non négligeables pour créer des campagnes de considération autour du film et lui permettre de sortir de « l’embouteillage » au niveau de la programmation afin que le film puisse être performant en salle.
Sources :
https://lareclame.fr/66365+dossier+promotion+film
https://www.cnc.fr/professionnels/actualites/covid-19–information-du-cnc_1139648
https://www.lefigaro.fr/cinema/james-bond-pour-ne-pas-paraitre-demodes-les-sponsors-de-mourir-peut-attendre-veulent-retourner-des-scenes-20210128