Parmi les différentes plateformes et solutions qu’il détient, Messenger semble en ce moment faire l’objet d’une attention particulière de la part de Facebook : en effet, deux nouvelles impliquant la solution de chat en ligne sont dernièrement tombées quasiment coup sur coup.
Premièrement, le groupe aurait recours en interne à l’écoute active de conversations privées tenues par ses utilisateurs, et ce dans le but d’améliorer ses services et fonctionnalités techniques. Messenger ne serait pas le seul dans ce cas, puisque Microsoft a récemment annoncé avoir fait de même pour les données compilées via Skype, ou encore Cortana. En effet, loin du sensationnalisme avec lequel la presse teinte généralement ce genre de scoops, écouter les conversations des utilisateurs est à la fois légal et utile : légal car ces données sont transférées à des prestaires payés par les GAFAM pour analyser des fragments de conversations vocales et permettre d’améliorer les solutions proposées (en affinant la reconnaissance de dialectes, patois, intonations, éléments de langage, vocabulaires ou expressions particulières). Ces fragments sont anonymisées de telles sorte que pour les prestataires concernés, mettre à jour l’identité réelle des individus impliqués dans ces conversations est impossible, ce qui respecte bien l’orientation générale prise par la RGPD. Utile et non pas voyeuriste, car loin de vouloir se renseigner en profondeur sur la personnalité des internautes, cette écoute « active » vise surtout l’amélioration techniques des fonctionnalités mises à disposition. Il s’agit-là néanmoins des arguments de défense invoqués par les GAFAM pour rassurer l’opinion publique sur leurs pratiques dans un contexte où 17% seulement des français estiment que les données qu’ils partagent sont utilisées au bénéfice des consommateurs et 41% d’entre eux pensent qu’elles profitent exclusivement aux entreprises (étude Stratégies-ForgeRock avec ComRes Global, 2018). Le fait que les données transmises sur le web et les plateformes sociales soient utilisées par les entreprises n’est plus un secret, mais l’écoute active par des êtres humains réels et non pas des machines pose tout de même question : dans un souci de transparence accrue, la RGPD gagnerait à imposer aux géants du numérique la clarification des méthodes utilisées pour traiter ces données.
Autre nouvelle, le groupe Facebook aurait envisagé d’autoriser les annonceurs à diffuser des publicités au sein même d’une conversation messenger d’ordre privée. Rappelons qu’à l’heure actuelle, Messenger est une plateforme sur laquelle de la réclame peut être diffusée mais uniquement sur l’écran d’accueil qui liste l’ensemble des conversations tenues par l’utilisateur. Cette idée s’assortirait alors d’un recours à l’ « intelligence artificielle » permettant d’analyser et de comprendre des éléments de langage (mots-clés, ponctuation) pour identifier le sens de la conversation, et faire le lien entre un besoin exprimé par l’internaute et l’offre correspondante d’un annonceur. Messenger pourrait alors diffuser de la publicité à l’intérieur d’une de ces conversations et ainsi répondre à un besoin immédiat de l’utilisateur dès lors que Facebook parvient à identifier ce besoin : insérer dans la dynamique conversationnelle privée un lien vers un site de réservation de voyage en ligne dès lors que l’internaute évoque son envie de partir en voyage. Cette nouvelle en apparence anodine ne l’est en réalité pas tant que ça : si une telle fonctionnalité venait à voir le jour, ce serait l’aveu définitif de la part d’un GAFAM que toute donnée utilisateur est bonne à prendre pour diffuser des publicités plus efficacement. Ce serait également un pas de plus vers . Cependant, ce nouvel emplacement publicitaire a pour le moment peu de chance de voir le jour dans un futur proche, dans la mesure où la diffusion de publicité sur Messenger est déjà considérée par de nombreux annonceurs comme particulièrement intrusive alors même qu’on s’y limite à des encarts publicitaires en dehors des conversations privées. Déjà dans le viseur d’une majorité de l’opinion publique et des instances de régulation européennes et américaines pour ses multiples atteintes à la vie privée, l’implantation de ce nouveau placement publicitaire serait un coup particulièrement osé de la part de Facebook.
Comme nous l’avons vu, la reconnaissance textuelle et vocale sont en plein essor, et l’avenir du numérique dans ce domaine semble à la fois balisé tout en étant incertain (contraintes réglementaires, acceptation des innovations par les utilisateurs et l’opinion publique). D’ailleurs, la reconnaissance visuelle (image, vidéo, 3D) n’est pas en reste et les lignes y bougent également très rapidement.
Une chose est certaine, les GAFAM n’en ont pas fini avec leurs innovations toujours plus poussées au service d’un ciblage affiné de leurs utilisateurs-consommateurs.