Un algorithme peut être défini comme une suite d’opérations très précise qui permet de résoudre un problème ou d’obtenir un résultat. Les algorithmes sont la base du fonctionnement des programmes informatiques. Nous avons sous-traité nos prises de décisions aux algorithmes petit à petit. Pourquoi avons-nous pivoté vers ce fonctionnement ? Pour pouvoir réaliser des opérations à des vitesses et des échelles surhumaines. Mais on peut s’interroger sur l’impact qu’on l‘utilisation desdits algorithmes sur la communication politique et l’engagement politique des individus. Dans cet article, lorsque nous évoquerons les algorithmes, nous parlerons de ceux guidant les recommandations et la personnalisation des réseaux sociaux.
Aujourd’hui, les algorithmes de personnalisation des réseaux sociaux guident une partie importante de l’expérience des utilisateurs de plateformes telles que Facebook, Instagram ou YouTube. En effet, les algorithmes de ces plateformes décident quels contenus à proposer à chaque utilisateur individuellement. Un travail titanesque qui ne pourrait être réalisé manuellement par des êtres humains.
Lesdits algorithmes sont créés à leur tour pour maximiser l’engagement sous la forme de commentaires et de réactions. Les contenus qui sont proposés aux utilisateurs sont donc, supposément, à leurs goûts individuels. Plus une personne est engagée avec le contenu qui lui est proposé, plus elle tend à passer du temps sur une plateforme, plus elle passe de temps sur cette plateforme, plus son « temps de cerveau disponible » est à même d’être vendu à des publicitaires.
Ainsi, on pourrait tracer une ligne directe entre l’efficacité des algorithmes à proposer du contenu adapté aux utilisateurs et les profits des plateformes. C’est dans ce cadre que des critiques ont été adressées à ces plateformes, notamment à Facebook, les accusant de favoriser les contenus politiques extrêmes.
A cela se mêlent également les principes d’exposition sélective et de radicalisation algorithmique. Des concepts qui ont fait leurs nids sur les réseaux sociaux. L’exposition sélective pose l’idée que les individus favorisent les informations renforçant un point de vue préexistant, tout en évitant des informations allant à l’encontre de ce point de vue. Bien que ce principe ne date pas de la création des réseaux sociaux et de leurs algorithmes, ces derniers en ont démultiplié les effets.
En effet, les algorithmes ne favorisent pas la découverte de nouveaux horizons politique mais l’enfermement dans des bulles, des boucles d’information de plus en plus isolées. C’est ainsi que se créent des chambres d’échos coupées du reste du paysage politique, où les discussions n’existent qu’entre des personnes possédant les mêmes croyances.
La radicalisation algorithmique, quant à elle, est une hypothèse selon laquelle les algorithmes des plateformes telles que Facebook, Twitter ou Youtube pousse les utilisateurs vers du contenu de plus en plus extrême dans le but de maximiser l’engagement. En effet, les contenus extrêmes créent le plus de réactions, de commentaires, en bref, d’engagement. Or, c’est dans le but de maximiser cet engagement que les algorithmes sont créés. Les algorithmes ont donc tendance à pousser les utilisateurs vers des contenus de plus en plus extrêmes. Ainsi, non seulement les algorithmes des réseaux sociaux favoriseraient le repli des individus dans des idées préconçues, mais les pousseraient à potentiellement se radicaliser.
On peut voir le résultat de cet enferment et de cette radicalisation algorithmique lors d’événements comme le génocide des Rohingyas, une minorité ethnique, au Myanmar. En effet, l’algorithme de Facebook recommandait à une majorité des utilisateurs Myanmarais des contenus créent par l’armée Myanmaraise. Ces contenus étaient explicitement anti-Rohingyas et ont menés à une radicalisation d’une partie de la population Myanmaraise contre les Rohingyas. Malgré la réaction de Facebook, qui a exclu les pages coupables de diffuser des sentiments anti-Rohingyas, une partie importante de la population Myanmaraise a exprimé du soutien pour les exactions contre la minorité ethnique.
Finalement, qu’en est-il du rôle des algorithmes dans la politique ? Le constat que nous avons à faire n’est malheureusement pas en faveur des petits candidats ou de ceux ayant un discours modéré. Les algorithmes mettent en avant auprès des utilisateurs des contenus politiques brossant les idées dans le sens du poil. Par ailleurs, il semblerait qu’ils jouent un rôle dans la radicalisation d’une partie de leurs utilisateurs vers des positions politiques extrêmes et parfois anti-démocratiques. Les réactions des plateformes se révèlent, quant à elles, insuffisantes pour endiguer cette radicalisation.
- https://www.bellingcat.com/news/uk-and-europe/2021/02/24/the-websites-sustaining-britains-far-right-influencers/
- https://techcrunch.com/2020/01/28/study-of-youtube-comments-finds-evidence-of-radicalization-effect/?guccounter=1&guce_referrer=aHR0cHM6Ly9lbi53aWtpcGVkaWEub3JnLw&guce_referrer_sig=AQAAAGKsqEFdDIm2j2Ek0rpPVyipBUgmaxOMWVyqVkuxhi85vgNwQYqnBfy26WhUZyH_myRBUIO8OGGMqHUCtuGT8uc5b0HhgivxzSb1J594FmKdDYgrXm1XX61RQbA2BSAQlBWzyYMWU9nUrmfyNKxUG0zkK3jFXS6Ov1KBdCojxTea
- https://www.lemonde.fr/pixels/article/2018/04/24/comment-les-reseaux-sociaux-accentuent-l-enfermement-dans-ses-idees_5289874_4408996.html
- https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/11/20/sur-les-reseaux-sociaux-comme-dans-la-realite-on-observe-une-radicalisation-du-debat_6060498_3232.html
- https://www.nytimes.com/2018/10/15/technology/myanmar-facebook-genocide.html
- https://www.globalwitness.org/en/campaigns/digital-threats/algorithm-harm-facebook-amplified-myanmar-military-propaganda-following-coup/