Dans le monde du sport, le scouting a toujours été un maillon essentiel à la réussite d’une équipe. Dénicher LA pépite qui vous fera passer un cap, réussir à identifier le futur Lionel Messi ou Lebron James, telle est la mission du recruteur.
Ce métier a, pendant longtemps, été un métier de réseautage et de terrain, après tout, quoi de mieux que l’œil humain pour se rendre compte du potentiel d’un autre humain ?
Depuis quelques années néanmoins, cette vérité s’est vue changer. Même si l’humain reste la meilleure solution dans le scouting, aujourd’hui néanmoins, de plus en plus de clubs et de structures s’appuient sur de la data pour repérer et identifier des profils à forte valeur ajoutée.
Quand la data est-elle apparue dans le sport ?
Pour l’histoire, la première analyse de la performance dans le sport, et plus particulièrement dans le football, est apparue dans les années 1930. C’est un lieutenant-colonel de la Royal Air Force passionné de football, Charles Reep, qui a inventé l’analyse de la performance dans les années 1930. Son objectif, à ses débuts, était de comprendre et d’expliquer pourquoi un joueur ou une équipe était supérieur ou inférieur en termes de niveau.
L’analyse de donnée tel qu’on la connaît aujourd’hui a fait son apparition outre-manche dans les années 2000.
En proie à des difficultés financières dans les années 2000, les Oakland Athletics ont dû s’adapter avec leurs moyens sans se douter qu’ils allaient révolutionner le monde du scouting et du sport en général. Cette histoire c’est l’histoire de Billy Beane.
Partant du constat qu’avec ses moyens, il lui est impossible de s’offrir les meilleurs joueurs de la ligue, celui-ci décide de changer de stratégie : miser sur des joueurs quasi-inconnus ou en perte de puissance, mais qui excellent dans un domaine grâce à une analyse de données statistiques empiriques. C’est grâce à cette manière de faire et de penser révolutionnaire que cette approche analytique appelée “sabermétrie” que les Okalands Athletics vont rentrer dans l’histoire en devenant la première équipe de sport Américain à remporter 20 matchs d’affilée.
En Europe ce sont principalement les managers du football qui se sont emparés durant la dernière décennie de l’analyse data. En tête de liste, on retrouve Arsène Wenger, le manager français du club d’Arsenal. Dans un premier temps, il utilise la data pour analyser des données de matchs, il devient par la suite le premier manager de football à recruter un joueur en basant son choix sur un programme d’analyse de performance.
Comment cela fonctionne-t-il aujourd’hui et qui sont les grands acteurs du Data Scouting ?
La base de donnée de Football Manager
Si on vous disait qu’aujourd’hui, un des grands acteurs de la Data dans le football est un jeu vidéo, vous trouverez probablement cette idée saugrenue. Et pourtant, c’est bien le cas, le jeu vidéo Football Manager peut se targuer d’être utilisé par de nombreux recruteurs de football. Par exemple, le club anglais Everton FC a signé en 2008 un accord avec l’éditeur de jeu Sports Interactive un accès privilégié à la base de données de son jeu vidéo.
En France, le premier à avoir déclaré utiliser Football Manager comme un outil pour le recrutement est un jeune recruteur de l’OGC Nice, Jonathan Beilin. En 2011, via une sortie dans le journal France Soir, il reconnaît avoir eu recours à Football Manager pour recruter le défenseur serbe Nemanja Pejčinoviće.
La légitimité de la base de données de Football Manager sera définitivement assurée en 2014 quand Prozone, un acteur très influent de l’analyse de données dans le sport, signe un partenariat avec le développeur du jeu pour incorporer la base de données à leurs propres outils. Il faut savoir que Prozone est le fournisseur de statistiques sportives pour des entités telles que la LFP ou encore la Série A. Elle collabore également avec des clubs tels que le PSG, Chelsea ou la Juventus. Ce partenariat entre la société Prozone et Sport interactive va permettre de rendre disponible la base de données de Football Manager aux acteurs les plus prestigieux du monde du sport et ce, de façon totalement officielle cette fois-ci.
Wyscout, le leader mondial de la Data dans le foot
L’un des autres acteurs les plus puissants aujourd’hui est l’entreprise Wyscout, leader mondial du marché actuel. A ce jour, la société Wyscout c’est : 599 compétitions filmées et une présence dans 124 pays dans le monde entier. Côté client, des noms prestigieux tels que le Real Madrid, l’Olympique Lyonnais, le FC Porto, l’AS Roma, les Tottenham Hotspurs… Ces clubs sont d’ailleurs reconnus pour leur capacité à identifier et former les pépites de demain. Les compétitions filmées sont ensuite traduites en données (passes décisives, buts, tacles, centres, pertes de balle…) Avec 1 800 matches analysés par semaine en moyenne, la base de données ne cesse de s’élargir. Plus le club ou le joueur concerné évolue à un niveau élevé, plus il y aura de la data à exploiter.
Cet outil est rapidement devenu un levier indispensable pour les staffs techniques afin de pouvoir se renseigner sur un prochain adversaire afin de connaître ses forces ainsi que les joueurs à surveiller. L’autre aspect, celui qui nous intéresse le plus aujourd’hui, concerne les individualités. Il s’agit d’effectuer son recrutement via cet outil. Grâce à cet outil, il est facile de comprendre rapidement les principales qualités d’un joueur. Cela permet également de comprendre et d’identifier si un joueur peut s’implanter aisément dans une équipe et de savoir s’il correspond au jeu développé par celle-ci.
Luis Campos, l’as de la Data dans le football
Si l’on devait retenir ensuite un acteur de l’analyse Data dans le foot, ce serait probablement Luis Campos.
Luis Campos était le directeur sportif du Losc et a à son actif, des recrutements efficaces et des plus-values impressionnantes ! Si l’on devait montrer les plus importantes plus-values réalisées par le Portugais à Lille, on retiendrait celle effectuée sur Nicolas Pépé à 70 millions d’euros ou encore celle liée à Victor Osimhen à 67 millions d’euros. Cette liste ne comprend pas ce qu’il a réalisé avec Monaco où il a également permis au club monégasque d’être champion, tout comme Lille d’ailleurs, mais également d’effectuer des énormes plus-values sur de nombreux joueurs.
Pour mieux comprendre la manière de travailler de Campos, appuyons-nous sur les propos de l’ancien patron du Portugais, Gerard Lopez :
« Nous avons une base de données de scouting unique. Comme dans n’importe quelle autre application Big Data, l’intelligence est dans les algorithmes, sur la valeur que nous pouvons sortir des données analysées. Luis Campos ne peut pas être sur 300 terrains en même temps. Luis et son équipe (29 personnes) étudient d’abord des données et ensuite sélectionnent les joueurs à superviser. Nous analysons plus de 2 000 footballeurs par an. Nous analysons des données complexes, comme le rapport entre un joueur et un système. Tout cela est facilité par notre logiciel, puis nous appliquons la technologie au niveau nutritionnel, médical… »
Luis Campos couvre l’entièreté du globe grâce à sa façon de travailler : «En France, nous avons un groupe fixe de recruteurs. Ensuite, nous avons un circuit en Afrique très développé et cinq personnes qui surveillent l’Europe du Nord, de l’Est et l’Amérique du Sud. Ces groupes changent tous les deux-trois mois, laissant leurs données à ceux qui leur succèdent. Si le jugement sur un joueur est bon pour dix personnes l’ayant supervisé, le risque d’erreur est moindre. ».
Ce logiciel a permis, en partie, au LOSC ou encore à l’AS Monaco d’être champion. Celui-ci a d’ailleurs permis aux deux clubs de faire des bénéfices faramineux sur les transferts, et le tout grâce à de la Data et une analyse bien réalisée par la suite. Ainsi Luis Campos a été capable d’identifier et de transférer des joueurs à fort potentiel afin de les faire briller et émerger aux yeux du monde entier.
L’analyse de la Data a permis au football de s’améliorer, aussi bien en termes de performances qu’en termes de contenus. Il a permis aux clubs de changer leur manière de recruter et de faire du scouting. D’un autre côté, elle a également permis à des joueurs peu connus d’éclore aux yeux du monde, on pense notamment au cas de N’golo Kanté. En effet, dans un premier temps, il a été recruté dans par Leicester grâce aux statistiques qu’il affichait au sein du championnat Français. L’histoire se poursuit puisqu’il a été double champion d’Angleterre, vainqueur de la coupe du monde et de la Champions League.
Même si l’analyse de données devient aujourd’hui importante pour les clubs et les entités sportives, il est bon de rappeler qu’elle reste un outil complémentaire qui permet de faciliter le scouting mais n’est en rien plus fiable que l’œil humain. Elle à une fonction de support qui aide grandement, mais elle reste aussi faillible, dans un sport comme le football, qui ne peut se résumer à une analyse statistique. Le ressenti humain doit ainsi être combiné au scouting pour une fiabilité maximisée.