Connaissez-vous l’acronyme DNVB ? Pourquoi ces marques fleurissent-elles dans le paysage du e-commerce quand les entreprises d’un modèle plus traditionnel pâtissent de la période actuelle ? Nous le savons, 2020 et la crise sanitaire ont impacté de plein fouet toute la société. De nouvelles habitudes de consommation se sont installées et les entreprises, aujourd’hui plus que jamais, ont dû repenser leur transformation digitale. C’est dans ce contexte que les DNVB, marques natives du digital, ont su tirer leur épingle du jeu grâce à leur modèle disruptif basé sur le digital et axé sur l’expérience client.
Qu’est-ce qu’une DNVB ?
Il y a de fortes chances que vous ayez entendu parler de Tediber, Sézane ou encore Le Slip Français qui ont tous un point commun : celui d’être des Digital Native Vertical Brand françaises. Si le concept de DNVB ne vous dit rien, ce terme inventé par le fondateur de Bonobos (une marque de mode masculine new-yorkaise à ne pas confondre avec Bonobo, la marque de jeans française) a gagné en popularité ces dernières années et désigne les marques nées en ligne, verticalement intégrées et ayant placé l’expérience client au cœur de leurs préoccupations et stratégies.
Le modèle des DNVB repose sur 4 piliers fondamentaux :
1. L’utilisation massive des leviers digitaux : les DNVB développent leur univers de marque, s’expriment, interagissent et vendent via Internet. L’usage pertinent des réseaux sociaux pour s’adresser aux clients (notamment les Millenials) suscite un bouche-à-oreille sur ces réseaux qui soutiennent les croissances rapides, en dehors des normes et des résultats du marché traditionnel.
2. Un modèle vertical : basées sur un modèle « direct-to-consumer », les DNVB se passent des intermédiaires et prennent en charge leur chaîne de valeur de la conception jusqu’à la distribution de leurs produits, en passant par leur production et leur promotion. Elles créent leur(s) propre(s) produit(s) qu’elles vendent directement aux consommateurs via la voie digitale (site et/ou réseaux sociaux).
3. La proximité et l’expérience client : les DNVB se distinguent par leur bonne gestion de l’expérience clients et la relation étroite qu’ils établissent avec ces derniers. Ces marques mettent le client au cœur de leur stratégie : produit et service personnalisé, écoute et interaction sur les réseaux sociaux, réponses aux avis et commentaires, expérience web/mobile optimisée… Bien plus que de simples clients, on parle de communauté impliquée et d’acteurs. Un exemple illustrant bien ce fait est la co-création des déodorants Respire grâce aux partages des envies, besoins et préférences de la communauté sollicitée.
4. Le pilotage et le développement grâce à la data : ces marques utilisent les données de leurs clients collectées via le digital (feedback, avis de commande, comportement sur le site, parcours, etc.) notamment les réseaux sociaux qui sont une source de data importante afin de connaître leurs besoins et attentes pour mieux y répondre.
Qu’en est-il de ce modèle si spécifique des DNVB dans un contexte de crise ?
E-commerce et DNVB face à la crise
En 2020, la pandémie a eu un impact certain sur les habitudes de consommation des Français et sur le business des entreprises. Même si les DNVB ont elles aussi été confrontées à la crise, elles semblent plutôt bien résister grâce à un modèle adapté au contexte.
- Le e-commerce continue sa croissance puisque s’il ne représentait que 9,8% du commerce de détail en 2019, il en représente dorénavant 13,4% en 2020. Ainsi, le chiffre d’affaires du e-commerce a enregistré une hausse de 8.5%. Une croissance soutenue par la bonne dynamique de la vente des produits (+32%) contrairement au secteur des services qui connaît une baisse de 10% en raison de la chute brutale des activités de voyages et de loisirs pendant la crise. Ce choix des consommateurs peut s’expliquer par la volonté de ne pas se rendre en magasin pour éviter les risques mais aussi par les restrictions et la fermeture des commerces.
- En plus de la hausse de la fréquence d’achat, le montant du panier moyen (qui était en baisse depuis plusieurs années) augmente et passe à 61€ contre 59€ en 2019.
- Même si la mutation numérique était déjà en marche, l’année 2020 a accéléré celle-ci et forcé bien des entreprises à déployer leurs efforts pour se digitaliser. On compte 117000 sites supplémentaires qui ont vu le jour au cours de l’année par rapport à 2019.
- Du côté des DNVB, la crise ne semble pas constituer un frein dans leur développement puisque de gros investissements continuent à être levés pour du développement de produit ou bien une diversification de canaux de distribution. Un total proche de 74 millions d’euros a été levé en 2020 par les DNVB françaises.
- Les secteurs ne sont pas tous impactés dans la même mesure puisque l’alimentation, l’hygiène et la cosmétique se démarquent et sont les secteurs les plus en progression avec la majorité des levées de fonds du second semestre 2020.
Si la digitalisation n’est plus une option pour les entreprises et si l’achat en ligne s’est définitivement ancré dans les habitudes de consommation, c’est pour le plus grand bonheur des DNVB qui répondent à ces nouveaux besoins. C’est cette structure web et leur stratégie digitale qui permet aux DNVB de mieux faire face à cette crise. L’accélération du e-commerce a joué en leur faveur, leur permettant de maintenir leur activité plus aisément à la différence des marques dites « traditionnelles ».
Le panorama 2021 des DNVB en France
Le concept des DNVB est apparu dans les années 2010 aux Etats-Unis et a rayonné à travers des marques dont vous avez peut-être déjà entendu le nom comme Glossier (beauté et cosmétique), Everlane (mode mixte) ou encore Casper (literie et matelas). Depuis, le phénomène s’est exporté partout dans le monde et si les premières DNVB se sont développées d’abord dans le secteur de la mode, elles sont aujourd’hui présentent dans toutes les industries, de la joaillerie à l’ameublement, en passant par la cosmétique et l’alimentation.
En France, la terre semble être fertile pour les DNVB puisqu’on peut compter en mars 2021, 447 DNVB soit 104 nouvelles marques qui ont émergées en 1 an. Le panorama 2021 des DNVB proposé par Digital Native Group, un cabinet d’expert du modèle DNVB, classe ces marques françaises qui répondent à la définition des DNVB en 7 secteurs d’activité et 35 catégories de produits. Pour intégrer cette liste, les marques doivent remplir deux critères principaux : vendre leurs propres produits directement à des consommateurs et avoir utilisé comme premier canal de distribution le digital (site et/ou réseaux sociaux).
Les tendances observables :
- Même si le secteur de l’habillement recense le plus de marques, on note une très forte croissance du secteur du bien-être avec 38 nouvelles marques par rapport à 2020.
- La catégorie des compléments alimentaires (parmi le secteur du bien-être) connaît la plus forte croissance puisqu’elle voit son nombre doubler pour un total de 16 marques. Cette hausse vient confirmer la tendance observée l’année précédente.
- La catégorie cosmétique et maquillage (secteur du bien-être) représente 10,3% du total des DNVB, soit 46 marques sur les 447. Il s’agit de la catégorie de produits la plus importante.
Cet engouement pour les DNVB ne semble pas devoir s’arrêter de sitôt et ce sont de belles aventures et histoires qui s’écrivent tout comme pour Typology.
La success story de Typology
Pure player dans la beauté, Typology est une marque de cosmétique vegan, cruelty free, naturelle, fabriquée en France et 100% digitale. Le lancement de Typology se veut être une réponse à la demande croissante de transparence et d’éthique de la part des consommateurs intéressés par des achats plus responsables.
L’absence d’une présence en points de vente physiques ne pose pas de problème à la marque, qui défie les codes de l’univers des cosmétiques avec son modèle économique où les ventes se font exclusivement via son unique e-shop. Ne se vendant qu’en ligne, la marque économise ainsi la marge habituellement versée aux distributeurs comme les magasins ou les pharmacies et peut alors proposer des prix plus justes.
Typology démontre qu’il est possible de se construire à partir du digital et d’évoluer sans pour autant passer par les canaux de distributions traditionnels de l’industrie du cosmétique. À ce jour, la marque continue d’évoluer avec sa stratégie numérique et a vu sa panoplie de produits s’agrandir avec le lancement d’eaux de parfums et de sérums teintés. L’ambition de la DNVB ne s’arrête pas là et Typology continue son expansion à l’international, notamment avec son récent lancement aux Etats-Unis.
Conclusion
L’année 2020 a donc été celle de l’essor des DNVB en France. Aujourd’hui et d’autant plus compte tenu du contexte de la crise, cette montée en flèche n’est pas anodine. Car si le e-commerce et l’utilisation des réseaux sociaux étaient déjà bien ancrés dans les usages, la covid-19 a accéléré cette transformation numérique tant bien du côté des clients avec un boost des achats en ligne que celui des entreprises amenées à adopter une stratégie digitale.
Les DNVB, novatrices et inspirantes dans leur structure et leur usage du digital, ont su tirer profit de leur modèle face à la situation et challenger les acteurs d’un commerce plus traditionnel. Bien qu’une présence en ligne soit essentielle au développement des DNVB, celles-ci peuvent tout de même s’ouvrir au marché off-line. Plusieurs marques se sont déjà mises au phygital en se développant à travers des points de ventes physiques ; tout en continuant leur croissance via le portail digital. Le modèle des DNVB est ainsi évolutif tout comme le e-commerce et il est donc important de garder un œil sur les tendances et les mouvements des DNVB dans les prochaines années.
Entretien avec un expert des DNVB : Clément Bourdon, Co-founder de l’agence Webloom
Clément Bourdon, Co-founder / SEA & Analytics chez Webloom, l’agence d’acquisition de prospects, nous partage son expertise sur les DNVB.
Quelle serait votre propre définition d’une DNVB ? Quelles sont les caractéristiques qui font d’une entreprise une DNVB selon vous ?
Chaque lettre de l’acronyme compte.
D pour digital : une entreprise qui maîtrise les codes du digital et vend en ligne !
N pour native : une entreprise qui est créée pour ça, ce n’est pas un grand groupe.
V pour verticale : une entreprise qui maîtrise sa chaîne de production et la communication. Elles sont transparentes face aux clients.
B pour brand : tout cela se fédère autour d’une marque qui doit porter des valeurs fortes, et être apprécié.
Les DNVB semblent maîtriser les leviers digitaux et en comprendre les enjeux. D’après vous, comment les DNVB se démarquent-elles au niveau digital d’une entreprise classique ?
Une maîtrise parfaite de la communication online, de la transparence, le bon ton, sur les bons réseaux. Une DNVB va demander l’avis des ses clients sur les réseaux sociaux, contrairement à une majorité d’entreprises classiques.
Avez-vous eu l’occasion de travailler avec une DNVB sur sa stratégie digitale ? Si oui, avez-vous trouvé des spécificités dans leurs demandes par rapport à celles d’une entreprise dite “traditionnelle” ?
Oui, elles veulent aller vite, produire beaucoup de contenu et veulent garder un contrôle fort sur leur image.
Lors de nos recherches, nous avons remarqué que les DNVB créaient leurs marques à partir d’un besoin. A votre avis, l’inverse peut-il se faire c’est-à-dire avoir une DNVB qui voit le jour pour créer un besoin ?
En toute franchise, je ne crois pas au concept de « créer un besoin » : toute entreprise, DNVB ou non, va proposer une offre qui répond à un besoin. Certaines vont simplement utiliser leur marketing pour faire prendre conscience à un utilisateur qu’ils ont besoin d’un meilleur produit que l’existant.
Quel regard portez-vous sur les DNVB ? (Par exemple : pensez-vous que ce modèle va remplacer le modèle plus classique ? Les DNVB sont-elles un modèle pérenne ? Comment imaginez-vous les futures tendances pour le e-commerce : “phygital” ou uniquement digital ?)
C’est le futur ! Une communication maîtrisée, qui inspire confiance aux consommateurs et une capacité à produire très vite des nouveaux produits.
C’est pérenne et cela va continuer, car l’alternative (marque classique) est en crise de confiance.
A noter : les DNVB qui réussissent vont toutes vers le phygital (Tediber, Respire, etc…). Un magasin en physique est un complément intéressant, et les DNVB vont s’en servir comme canal de vente supplémentaire. Est-ce que cela en fait toujours des DNVB ? C’est finalement un acronyme pour des entreprises qui s’adaptent vite.
Pensez-vous qu’une DNVB peut se concentrer et rester seulement dans un écosystème digital ou devra-t-elle, à un moment donné, étendre son champ à celui du physique ?
Cela dépend du produit et de la chaîne de production ; Tediber, qui vend des matelas, a eu besoin de créer un showroom. Est-ce un modèle hybride ?
Sources
https://dunn.medium.com/digitally-native-vertical-brands-b26a26f2cf83
https://www.fevad.com/focus-comment-les-marques-digital-natives-ont-elles-conquis-le-coeur-des-millennials/
https://www.fevad.com/bilan-du-e-commerce-en-2020-les-ventes-sur-internet-atteignent-112-milliards-deuros-grace-a-la-digitalisation-acceleree-du-commerce-de-detail/
https://www.clipperton.net/insights/dnvbs-buzz-word-or-a-new-class-of-assets
https://fr.fashionnetwork.com/news/Typology-quand-la-crise-sanitaire-accelere-les-projets-d-une-marque-de-beaute,1232678.html
https://www.journaldunet.com/ebusiness/commerce/1499179-ning-li-typology/
https://www.journaldunet.com/ebusiness/commerce/1496347-les-dnvb-francaises-ont-leve-plus-de-37-millions-d-euros-au-second-semestre/
https://www.entreprendre.fr/apres-made-com-typology-com-ning-li/
https://datareportal.com/reports/digital-2021-france
https://blog-digitalnativegroup.com/panorama-2021-des-dnvb-francaises
Bonjour merci beaucoup pour cet article très intéressant. Je réalise une étude autour de Typology et souhaiterait savoir si vous auriez la source relative au CA de Typology ?
Merci beaucoup