Dans notre ère contemporaine, où le confort du canapé et les divertissements numériques dominent, les spectateurs semblent préférer l’intimité offerte par les écrans plutôt que l’effervescence d’un spectacle live. Le défi majeur consiste ainsi à transformer l’observateur passif en participant actif. Les institutions culturelles, des théâtres aux salles de concert, s’interrogent sur la manière de convertir des spectateurs occasionnels en membres dévoués de leur team. Cette démarche, à la croisée de la stratégie et de la complicité, vise à déchiffrer les subtilités des publics et à devenir le complice de leurs attentes. L’objectif est d’établir une connexion entre le public et la scène, mieux connaître les spectateurs qui franchissent les portes du lieu et s’assurer de les revoir prochainement. En bref, apprendre à les connaître, devenir leurs potes.
Spectacle vivant vs culture de l’écran
Le baromètre de la consommation de biens culturels dématérialisés de 2021, réalisé par l’Hadopi, met en lumière l’évolution des pratiques culturelles en ligne au cours des dix dernières années. Selon cette étude, « En dix ans, le nombre de consommateurs de biens culturels dématérialisés a augmenté de plus de 13 millions d’individus selon les estimations de l’Hadopi». Parmi les points clés du baromètre de 2021, on note une augmentation du taux de consommateurs de biens culturels dématérialisés au sein de la population des internautes, atteignant 83%. Face à cette réalité, il devient impératif de rétablir un lien entre les structures de spectacles et leur public. Si nous avons pu déterminer que le marketing n’est pas l’ennemi mais l’allié dans le précédent article, comment ses outils stratégiques peuvent-ils devenir des clés essentielles pour amener les publics à ré-investir les salles de spectacles?
Transcender la relation institution-spectateur
La problématique soulevée est d’autant plus cruciale qu’elle interroge la manière d’inviter le public à passer les murs d’un théâtre, surtout s’ils ne se sentent pas invités, faute de se percevoir comme des amis proches, des potes, des buddies de l’événement. Chaque théâtre aime à se définir comme une maison, un coin sympa où chacun peut se sentir chez soi. Cette invitation interroge la relation institution-spectateur et les façons de la transcender pour créer une connexion émotionnelle et participative. Elle cherche à déterminer les manières de transformer l’expérience des spectateurs, le degré de convivialité et la qualité de l’accueil afin qu’ils se sentent non seulement les bienvenus, mais aussi désireux de revenir.
Démystifier l’idée du “Tout public”
À l’heure où le numérique façonne la manière dont les individus s’engagent dans la vie culturelle, l’illusion du « tout public » dans le domaine du spectacle vivant apparaît de plus en plus comme une simplification obsolète. Chaque spectateur est dorénavant un sujet d’étude complexe, façonné par une multitude de variables allant des préférences individuelles aux comportements en ligne. La segmentation traditionnelle du public en catégories telles que le jeune public, les associations ou encore les étudiants, bien que pratique en apparence, se révèle être une approche limitée dans une ère où la personnalisation et la précision des données redéfinissent les normes du marketing. L’idée d’un « tout public » homogène ignore la diversité des attentes, des expériences culturelles, et des modes de consommation qui définissent chaque spectateur. Une masse immense à décrypter le plus finement possible.
Techniques d’analyses et décryptage des données
Les structures du spectacle vivant devraient également résolument s’engager dans l’ère de l’analyse de données, un phénomène façonné par les empreintes du marketing digital. Cette discipline a émergé comme un outil déterminant permettant d’explorer de manière approfondie les motivations et les souhaits des spectateurs. Les stratégies digitales, telles que le suivi des interactions en ligne, la collecte de données sur les habitudes de navigation, et l’utilisation de technologies avancées, ont contribué à amplifier l’importance de l’analyse de données comportementales. Cependant, la transposition de ces méthodes dans le spectacle vivant, domaine empreint de subjectivité et de complexité émotionnelle, soulève une question importante : peut-on réellement quantifier les nuances de l’expérience théâtrale avec des métriques ?
L’élargissement des horizons : dépasser les stéréotypes culturels
Élargir les horizons au-delà des stéréotypes culturels constitue un défi dans la compréhension des aspirations individuelles des spectateurs. Les enquêtes sur les pratiques culturelles, bien qu’informatives, risquent de figer les spectateurs dans des généralisations culturelles. Nos habitudes quotidiennes peuvent également limiter nos perspectives. Comment surmonter ces simplifications pour accueillir la diversité des publics du spectacle vivant sans tomber dans des segmentations trop générales ? En reconnaissant qu’il n’y a pas de règles générales et que les préférences des spectateurs sont souvent éclectiques, il est crucial de développer une connaissance fine et précise de chaque individu, évitant ainsi les catégorisations trop simplistes.
2e étape : DEVENIR POTES
Cet article est le second d’une série visant à partager un mode d’emploi, un guide ou un recueil réconfortant pour tenter de comprendre les nouvelles pratiques culturelles des spectateurs et de définir quelles sont les stratégies webmarketing à mettre en place pour les amener à passer du canapé à la scène. Merci pour votre attention, c’est reparti, let’s go.
Captiver son auditoire : stratégie de segmentations
La segmentation marketing dans le spectacle vivant implique de diviser l’audience en groupes distincts selon des critères tels que l’âge, la localisation et les préférences artistiques. Cette approche permet aux théâtres de personnaliser leurs communications, adaptant les messages promotionnels et les offres à chaque segment. Des outils comme Google Analytics sont utilisés pour analyser les comportements en ligne, les préférences de réservation et les interactions sur les réseaux sociaux, fournissant des données essentielles pour identifier des tendances au sein de chaque groupe. En ajustant la communication en conséquence, avec des publicités ciblées et des offres spécifiques, les théâtres peuvent améliorer la pertinence des messages, renforçant ainsi l’engagement du public et maximisant le succès des initiatives théâtrales.
· Exemple : Apprendre à connaître les types de persona
Dans le domaine du marketing digital, un persona est une représentation détaillée mais fictive d’un client, ou dans notre cas, d’un spectateur cible. Il regroupe des données démographiques, comportementales et psychographiques pour créer un profil représentatif de la clientèle cible. En incluant des informations telles que l’âge, les préférences en ligne, les objectifs et les motivations, les équipes marketing peuvent personnaliser leurs stratégies pour mieux répondre aux besoins spécifiques de chaque segment. Les personas aident ainsi à humaniser les données, permettant une communication plus ciblée. (Guide de création de personas par Valérie Soriano).
Définir ses objectifs et maîtriser les outils d’analyse
L’intégration d’outils d’analyse est indispensable dans la stratégie digitale des structures dédiées au spectacle vivant. Des plateformes telles que Google Analytics, SEMrush, Mailchimp Analytics et Looker Studio offrent une vision approfondie du comportement des utilisateurs, permettant d’affiner l’expérience en ligne. En évaluant des indicateurs clés tels que la conversion et les taux de rebond, ces outils guident les décisions stratégiques. Par exemple, imaginons qu’une structure se demande comment améliorer la visibilité en ligne de ses spectacles. En utilisant des outils tels que Google Analytics, elle pourrait analyser les sources de trafic, identifier les contenus les plus consultés, et ajuster sa stratégie de communication en ligne en conséquence.
· Exemple : Optez pour le combo gagnant avec les KPIs
Les KPIs, ou Indicateurs Clés de Performance, sont des mesures quantifiables qui évaluent la performance d’une entreprise, d’un projet ou d’une activité en fonction de ses objectifs. Ces indicateurs permettent de suivre et d’analyser des données spécifiques pour évaluer l’efficacité et le succès d’une stratégie ou d’une action. En d’autres termes, les KPIs fournissent des repères concrets et mesurables pour évaluer la performance et guider les décisions. Il est essentiel de sélectionner attentivement les indicateurs de performance et de ne pas en utiliser trop, car analyser toutes les données sans discernement peut aboutir à une analyse inefficace et peu informative. (Article sur les KPIs par Julia Martins).
Connaître ses publics : l’hyperpersonnalisation
La personnalisation du contenu en marketing digital révolutionne l’interaction marque-client. En s’adaptant aux préférences individuelles, elle crée des expériences uniques et engageantes. Cette approche, basée sur l’analyse des données de navigation, permet de concevoir des messages ciblés, renforçant ainsi la fidélisation. Elle va au-delà des recommandations de produits, englobant les e-mails, publicités en ligne et pages web. Toutefois, le respect de la vie privée est essentiel pour maintenir la confiance des consommateurs. En équilibrant personnalisation et éthique, les structures de spectacle vivant peuvent se démarquer dans un environnement digital concurrentiel, mais également rassurer leurs publics et saluer leurs fidélités.
· Exemple : What’s my name
L’article de Brands Up souligne l’importance de la personnalisation dans le marketing digital, en utilisant des exemples tels qu’Amazon, Netflix et Starbucks. Il met en avant les bénéfices de la personnalisation, soulignant que les consommateurs sont plus enclins à acheter des produits d’une marque qui s’adresse à eux de manière personnalisée. L’article présente des statistiques, dont une provenant d’une enquête Experian, affirmant que 62% des marques peuvent identifier les préférences de leurs clients. Enfin, il propose des bonnes pratiques de personnalisation, notamment l’utilisation des données client, le search marketing et les recommandations personnalisées, tout en concluant que la personnalisation devient essentielle dans le marketing moderne. (Article sur la personnalisation en marketing digital par Brands Up).
Impliquer les spectateurs, again and again
En plaçant le public au cœur du processus décisionnel, vous initiez une transformation profonde de la relation entre la structure de spectacle vivant et son auditoire. En offrant aux spectateurs une réelle influence sur les choix d’activités culturelles, les programmes événementiels, voire les aspects logistiques, vous démontrez une reconnaissance explicite de leur importance. Les spectateurs ressentent que leurs opinions ne sont pas seulement écoutées, mais qu’elles ont un impact tangible sur l’évolution de l’expérience qu’ils vivent. Cette implication active crée une dynamique de co-création, où le public devient partie prenante du processus créatif. Ce sentiment de contribution à quelque chose de plus grand que soi-même renforce l’attachement émotionnel à la structure de spectacle vivant. Les spectateurs ne sont plus de simples consommateurs, mais des connaissances, des collègues… Des potes ?
· Exemple : Des sondages sérieux, drôles et énigmatiques
Posez des questions qui influent directement sur les choix opérationnels, comme « Quelles bières devraient être proposées au bar ?« , « Préférez-vous les Bords de plateau ou les Visites des coulisses ?« , ou encore « Quelle tenue notre équipe devrait-elle adopter ?« . Ces sondages pratiques ne sont pas de simples formalités, mais des outils puissants qui permettent au public de façonner activement les contours de leur expérience. Racontez des histoires illustrant comment leurs choix ont conduit à des changements concrets et tangibles, montrant ainsi que leur voix a un impact réel sur l’environnement qu’ils chérissent (et afin qu’ils viennent voir d’eux-même les résultats).
Valoriser leur engagement et développer votre Friendship
En analysant l’engagement des spectateurs à travers des données précises, votre salle de spectacle peut non seulement proposer des expériences exclusives, renforçant ainsi le lien émotionnel avec votre auditoire, mais également reconnaître cet engagement par le biais d’avantages spéciaux, incitant ainsi les spectateurs à s’investir davantage dans leur expérience. En cultivant une proximité authentique avec le public, vous pourrez acquérir une compréhension profonde de leurs pratiques, motivations et aspirations. Lorsque les spectateurs se sentent à l’aise pour partager volontairement leurs retours et suggestions, cela crée une dynamique riche et interactive. Ces retours spontanés pourront vous offrir des informations directes, permettant d’anticiper les attentes et d’ajuster les offres de manière proactive. Une façon de raviver l’envie de passer du canapé, à la scène.
· Exemple : Offrez des expériences uniques et exclusives
Imaginez une soirée VIP réservée aux membres les plus engagés, où ils ont l’opportunité de rencontrer les acteurs en coulisses, de participer à des discussions artistiques en tête-à-tête, ou même d’assister à une répétition privée. Ces expériences exclusives créent un sentiment d’appartenance privilégiée, renforçant le lien émotionnel entre le public et votre lieu. En outre, la valorisation de l’engagement peut prendre la forme de récompenses spéciales, telles que des réductions exclusives sur les billets, des accès anticipés aux nouvelles productions, ou même des souvenirs personnalisés. Ces avantages concrets témoignent de la reconnaissance de l’institution envers son public engagé. (Article sur les clubs clients par Yves Hanania).
En plus, se faire des potes, c’est se donner l’occasion de faire de nouvelles rencontres. Créer un itinéraire d’arrivée plus simple, plus fréquenté, plus lisible (mais ça, c’est le sujet du prochain article).
Rédigé par Sarah Tcheir
Promotion 32 -Média Institute
Apprentie en communication
et relations avec les publics dans une Scène Nationale
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Pour connaître les autres articles du guide « Du canapé à la scène » :
→ Devenir cool : se faire connaître des publics
→ Du virtuel au réel : créer l’itinéraire
→ Maintenant que t’es là, reste ici