Le bon coin, Uber, Airbnb, Vinted, Ulule… Tous ces acteurs récents de la scène économique ont un point commun : ils ont participé à l’essor de l’économie collaborative. Cette économie touche aujourd’hui la quasitotalité des secteurs. Le transport (Uber et BlaBlaCar, Mobicoop); l’hébergement (Airbnb); le travail (TaskRabbit et Homejoy); l’énergie (Enercoop) éducation (Udemy); Entreprises de bricolage (Etsy et eBay); la mode (vestiaire collective), les services juridiques et RH (UpCounsel et Recruitloop); la banque (LaNef : banque coopérative et solidaire), et la logistique (Deliv, Costockage) entre autres.
Les plus impactants se situent sans doute dans le secteur du transport et le logement dont l’essor ne fait que commencer en France. La France possède la plus forte densité d’offre Airbnb après les Etats-Unis !
« Le Gouvernement s’est fixé un objectif ambitieux : tripler le nombre de trajets réalisés en covoiturage du quotidien d’ici 2024 pour atteindre les 3 millions ! »
Ministère de la transition écologique et solidaire
Ce qui est à moi est à toi !
L’idée centrale de la consommation collaborative est simple : l’accès aux biens et aux compétences est plus important que leur propriété. En effet, pourquoi posséder et dépenser de l’argent alors que l’on peut emprunter ou partager ?
Ce système socio-économique s’est construit autour du partage des ressources humaines et physiques. L’économie de partage constitue une nouvelle forme de distribution des ressources qui affecte les marchés traditionnels, les villes et les individus. Elle remet en question les cadres réglementaires, les normes sociales et les systèmes de croyances courants. Elle séduit un public de plus en plus large, pour des raisons financières, mais aussi parce qu’on lui attribue des valeurs positives. Pourtant, ses frontières encore mal définies, suscitent autant d’enthousiasme que d’inquiétudes.
Comment expliquer ce succès grandissant ?
L’acte de partager n’est pas nouveau. Bon nombre d’anthropologues, comme Alan Page Fiske , rappellent que le partage et l’échange constituent des modèles de base des relations intersubjectives dans la plupart des cultures. Les systèmes de troc et les modes de vie communautaires existent depuis la nuit des temps. L’économie du partage résulte de plusieurs changements technologiques, économiques, politiques et sociétaux profonds. Cette pratique a toujours existé, et elle ne constitue pas en soi une disruption de l’économie traditionnelle. Certains facteurs économiques et technologiques ont juste favorisé sont développement.
La crise économique : première cause de son émergence.
Avec la crise, les individus ont cherché un mode de consommation alternative leur permettant non seulement d’économiser de l’argent mais aussi d’en gagner. En effet, l’économie du partage est un type de business qui repose sur le partage des ressources afin que les consommateurs puissent facilement accéder aux produits et services dont ils ont besoin. Dans ce modèle commercial, les personnes disposant de ressources inutilisées et sous-utilisées «partagent» ces ressources avec ceux qui en ont besoin, à un prix. Les deux parties en bénéficient – l’une en tirant parti de leurs ressources, l’autre en les obtenant à un prix considérablement inférieur.
Le réchauffement climatique : responsable de l’optimisation des ressources naturelles.
Les préoccupations écologiques, jouent un rôle central dans l’engouement porté à cette économie collaborative. En effet, cette économie a des impacts environnementaux positifs, liés à la réduction des ressources totales nécessaires, et donc les polluants, les émissions de gaz et l’empreinte carbone. Dans le secteur des transports, le comportement de partage de véhicules peut avoir un impact environnemental positif en diminuant le nombre de kilomètres parcourus. De même, les systèmes de partage de vélos peuvent réduire l’utilisation de véhicules motorisés qui consomment généralement des produits pétroliers et génèrent des émissions.
La technologie : socle de l’économie de partage ?
Mais surtout, cet avènement n’aurait pu avoir lieu sans les smartphones et si les plateformes numériques ne s’en étaient pas encore réellement préoccupées. Le rôle des technologies numériques est central dans le développement de l’économie de partage : elles ont facilité le partage et la consommation collaborative. A tel point qu’elles en constituent le socle ; on pourrait même envisager l’économie collaborative comme une technologie efficace et évolutive, qui rassemble de grands réseaux de personnes et les associe aux biens ou services dont ils ont besoin.
En outre, le digital a permis aux usagers de devenir contributeurs. Google, Facebook, Twitter, Uber ou Airbnb – ces géants d’internet ont une chose en commun: ils comptent sur les contributions des utilisateurs pour générer de la valeur au sein de leurs propres plateformes. Au cours des 20 dernières années, l’économie s’est progressivement éloignée du modèle traditionnel des organisations centralisées, où les grands opérateurs, souvent en position dominante, étaient chargés de fournir un service à un groupe de consommateurs passifs. Aujourd’hui, et avec l’économie de partage on parle de consom’acteur. Grâce aux avancées technologiques, et aux Blockchain une nouvelle opportunité de «coopérativisme» accru a émergée. Cette nouvelle économie n’est pas contrôlée par quelques grands opérateurs intermédiaires, mais est gouvernée par et pour les gens.
Une définition est-elle possible ?
L’économie du partage est encore une notion confuse et floue. Certains parlent d’économie peer-to-peer, économie solidaire, économie collaborative, consommation collaborative, ou encore économie sociale et solidaire ou économie circulaire.
Certains proposent de distinguer économie collaborative d’une part et économie des services à la demande tel que Uber et Deliveroo. Et l’on pourrait même ajouter une troisième distinction avec l’économie circulaire dont les préoccupations sont avant tout environnementales et qui a réussit à atteindre le marché des produits électroniques (HelloZack sert aujourd’hui 5000 clients).
D’autres, comme Botsman & Rogers divisent le secteur de l’économie de partage en trois grandes catégories :
- Les systèmes de produits et services qui facilitent le partage ou la location d’un produit (partage de voiture, vélo…). Le produit devient un service.
- Les marchés de redistribution, qui permettent la réappropriation d’un produit (comme Le Boncoin), le troc , le don …
- Les modes de vie collaboratifs dans lesquels les actifs et les compétences peuvent être partagées (espaces de coworking, couchsurfing, prêt entre particuliers). Le partage concerne les ressources immatérielles.
Synthétiquement, quelques exemples de plateformes françaises de consommation collaborative regroupés dans tableau selon les principes de classification de Bostman et Rogers (2011)
Récemment Daniel Schlagwein et ses collègues (Schlagwein & al, 2019) ont identifié 36 interprétations spécifiques du terme «économie du partage» et 18 caractéristiques de l’économie du partage. En final, ils ont tout de même pu établir une définition :
« the sharing economy is an IT-facilitated peer-to-peer model for commercial or non-commercial sharing of underutilized goods and service capacity through an intermediary without transfer of ownership »
Basée sur l’accès et la réutilisation des biens et services dont l’utilisation est dormante ou inactive, elle permet aux utilisateurs d’emprunter ou de louer, de réparer ou réutiliser plutôt que d’acheter des ressources.
Avant de définir des stratégies de communication et tenter de comprendre comment elles doivent communiquer, ne devrait-ton pas aussi considérer les autres formes d’échange plus archaïques qui ont toujours existé au delà de l’iceberg numérique ?
Doivent-elles communiquer de façon similaire ?
L’économie de partage reste très hétérogène, ne serait-ce que par la diversité des termes et concepts qui s’y rattachent, les modèles économiques, mais aussi et surtout dans la hiérarchisation de leurs objectifs et opportunités. Par exemple, la vocation première d’économie collaborative comme Uber est de faire du profit tandis que l’économie solidaire rassemble les organisations dont l’objectif premier est l’utilité sociale.
Finalement, il est sans doute préférable, si l’on veut tenter de communiquer de façon appropriée et efficacement de comprendre et d’établir une typologie de l’économie de partage. Pour ce faire, il nous semble important de partir de l’adéquation entre les objectifs d’une part, et les stratégies et opportunités qu’elles génèrent, d’autre part. Ce n’est qu’une fois cette classification effectuée qu’il sera possible d’identifier leurs audiences afin d’en comprendre leurs motivations, besoins, préoccupations afin de trouver les bons arguments et contenus puis les bons supports sur lesquels diffuser.
Si au départ, il était plus question d’une tendance, in fine ne s’agirait-il pas plutôt d’une nouvelle ère digitale, voire une nouvelle ère économique basée sur le collaboratif, le partage, le réemploi des ressources ?
Si tant est qu’il existe réellement une économie spécifique…. La menace environnementale n’est-elle pas entrain de produire une transformation à long terme des comportements de consommation ?