L’ère du digital a changé les habitudes de consommation de l’information dans tous les secteurs, en particulier celui de la santé. L’arrivée d’internet a ainsi démocratisé l’accès et l’utilisation de l’information médicale. En effet, avec une quantité de ressources et de données impressionnante, Internet et les médias sociaux sont devenus une véritable source d’informations pour les patients, professionnels de santé… qui utilisent ces outils digitaux pour se renseigner, diffuser ou partager des données de santé. Cependant toutes les informations médicales relayées sur la toile ne s’avèrent pas toujours vraies, et sont susceptibles de désinformer les internautes. Cette désinformation constitue une réelle menace pour la santé publique.
Désinformation : une définition polysémique
Pour mieux comprendre ce sujet nous allons définir ce qu’est la désinformation et les notions associées.
La désinformation est l’utilisation des techniques de l’information de masse pour induire en erreur, cacher ou travestir les faits. Cette définition contient l’idée d’intention, c’est-à-dire qu’elle a pour objectif d’influencer, de tromper ou d’induire en erreur les lecteurs dans un but frauduleux. Par exemple : la cocaïne et le cannabis protègent contre la Covid-19.
C’est ce caractère intentionnel qui la distingue de la mésinformation, qui est le fait relayer une fausse information de manière non intentionnelle. C’est donc une déformation involontaire de l’information liée à un manque de connaissances ou rigueur sur un sujet. Par exemple : penser que l’ail préviendrait une infection à la covid-19.
La désinformation peut également être appelée infox. Une infox est une information mensongère ou délibérément biaisée c’est-à-dire sortie de son contexte ou interprétée de manière subjective et qui peut servir, par exemple à contredire une vérité scientifique.
Un autre terme souvent retrouvé pour parler de la désinformation est celui des « fake news ». Les fake news sont des informations le plus souvent volontairement fabriquées, truquées et mensongères, véhiculées pour manipuler un individu ou un groupe d’individus. Elles ressemblent dans la forme à celles diffusées par les médias traditionnels, sans en respecter ni la précision ni la véracité. Il y a un mélange entre le vrai et le faux, ce qui les rendent difficilement identifiables.
La notion de désinformation est donc polysémique. Elle est également associée à d’autres termes tels que les rumeurs, les mythes, les canulars, les théories conspirationnistes, ou encore la propagande.
Caractéristiques de la désinformation sur la santé en ligne
La santé, un terreau idéal pour la désinformation en ligne
Depuis plusieurs années, l’utilisation d’Internet dans le domaine de la santé et des médias sociaux est devenue une tendance majeure. Il est ainsi courant de se renseigner en ligne sur sa santé ou de publier du contenu sur des sujets de santé. S’informer en ligne est même devenu un de nos premiers réflexes et ce avant même de consulter un médecin. En 2014, une étude de la commission européenne sur la culture digitale en santé, montrait qu’environ 60% des participants européens avaient répondu avoir recherché des informations en lien avec la santé sur les 12 derniers mois.
Les « fake news » seraient partagées 70% plus souvent que les informations fiables et authentiques selon le MIT (Massachusetts Institute of Technology).
Avec le monopole d’internet sur la diffusion de l’information en santé, de plus en plus de personnes sont donc exposées à la désinformation médicale.
Les fausses nouvelles dans le domaine de la santé couvrent un large spectre, allant de pratiques médicales non prouvées à des études biaisées ou falsifiées. Parmi les sujets de santé les plus concernés par la désinformation en santé, on trouve la vaccination, les traitements pour le cancer ou encore la covid 19.
Propagation démultipliée en situation de crise
Cette propagation des informations relatives à la santé semble exacerbée lors de situations de crises, où on constate une surproduction de données provenant de sources multiples sur une courte période.
Lors de la pandémie de covid-19, cette surabondance d’informations a été qualifiée « d’infodémie » par L’OMS, elle se caractérise par des tentatives délibérées de diffuser des informations erronées afin de saper la riposte de santé publique et de promouvoir les objectifs différents de certains groupes ou individus. Avec pour conséquence, de perturber négativement la communication digitale en santé.
L’influence des réseaux sociaux
Par ailleurs, l’omniprésence des médias sociaux et leur rapidité de diffusion d’informations génère une quantité sans précédent de données sur de nombreux sujets, en particulier dans le domaine médical, intensifiant ainsi l’exposition des populations à la désinformation.
Plusieurs études ont mis en évidence que la proportion de désinformation en santé sur les plateformes de réseaux sociaux varierait de 0,2 % à 28,8 % selon les publications. Cette proportion contenant des informations erronées sur la santé dépendrait du sujet (celui des vaccins est celui qui avait la proportion la plus élevé). De plus, il a été estimé que 20 % à 30 % des vidéos YouTube sur les maladies infectieuses émergentes contenaient des informations inexactes ou trompeuses.
Des utilisateurs conscients du phénomène de désinformation, mais potentiellement vulnérables
Les internautes Français semblent sensibilisés sur le phénomène de désinformation, c’est ce que montre un sondage sur les perceptions liées aux usages et habitudes d’information dans le domaine la santé. En effet, la majorité des répondants (62%) considèrent ce secteur, comme particulièrement exposé aux « fake news ».
L’étude révèle également que 37% des participants ont déclaré avoir été exposés à une fausse information de santé et que parmi eux 1/3 ont modifié leur comportement après avoir lu une information qui s’est révélée être erronée par la suite.
De plus, environ 1/5 ne savait pas s’il avait été confronté à une « fake news », ce qui suggère que cette population serait plus vulnérable à l’impact de ces désinformations.
Les conséquences liées à la désinformation médicale en ligne
La désinformation en ligne a un effet sur la santé mentale des individus. Elle génère anxiété, stress et dépression. Cela est particulièrement vrai lors des situations de crise sanitaire, comme le rapporte une analyse de l’OMS où il a été montré que les personnes ressentaient de la détresse sur les plans mental, social et économique en raison des informations fausses et trompeuses sur les médias sociaux.
Les « fake news » et la mésinformation peuvent également avoir un impact sur la confiance envers les autorités sanitaires et les gouvernements, avec pour conséquence la diminution de la motivation des personnes à suivre les recommandations des autorités de santé. Lors de la crise sanitaire, on a assisté à une réticence de la population à aller se faire vacciner, comme le montre une étude réalisée au Royaume-Uni et Etats unis sur l’impact potentiel de l’exposition à des infox liées au vaccin. L’exposition aux infox avait diminué l’intention de se faire vacciner, démontrant ainsi les conséquences néfastes en termes de santé publique de la désinformation.
Par ailleurs les professionnels de santé s’inquiètent de la propagation d’informations médicales erronées et décrivent des patients réticents à suivre les schémas thérapeutiques conventionnels, à cause d’informations lues sur la toile. Cela a été le cas de l’utilisation des statines, utilisés pour traiter l’excès de cholestérol, à la suite de publications d’affirmations trompeuses sur leur potentielle dangerosité.
De plus, la diffusion d’informations trompeuses peut affaiblir la crédibilité de la communauté scientifique et compromettre la mise en œuvre d’intervention en santé. Par exemple, le partage de fake news via le réseau social WhatsApp lors d’une étude scientifique destinée à réduire l’incidence de la dengue chez des enfants au Brésil a conduit à l’arrêt de cette étude.
En outre, la désinformation rend difficile l’accès aux informations fiables et au contenu de qualité en santé. En effet, le volume d’informations en ligne peut créer un véritable climat de confusion pour le lecteur.
Enfin, la désinformation peut entrainer l’acquisition de connaissances déformées sur la santé. Lorsqu’ils se renseignent sur leurs symptômes, les utilisateurs peuvent être dépassés par les informations trouvées ou suivre des contenus trompeurs, conduisant à des autodiagnostics inexacts et à une automédication parfois dangereuse.
Sources
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