On pense souvent que l’usage d’une stratégie webmarketing dans le domaine du spectacle vivant et du cinéma est difficile à mettre en place. Ce sont d’ailleurs souvent les professionnels de ces secteurs qui restent frileux à l’idée de mettre cette stratégie au service du spectacle vivant et du cinéma car ils estiment qu’il faut d’abord attendre que le spectacle culturel ou le film soit « mis sur le marché » pour ensuite observer la réaction du public et attendre les critiques. Mais loin d’être des terrains hostiles et fermés à la nouveauté, le spectacle vivant et l’industrie du cinéma constituent au contraire des champs d’investigation très prometteurs.
La diversité des attentes et des comportements du public en fait des terrains de jeu parfait pour tester de nouveaux modèles et tenter les innovations. C’est pourquoi, dans un premier temps, il est essentiel de se concentrer sur les différents comportements du spectateur qui peuvent ainsi aider à comprendre la manière dont il consomme le spectacle/le film et son processus d’achat.
Avec l’avènement des outils digitaux et à l’ère du tout numérique, de plus en plus de spectateurs initient leur choix de spectacle ou de film sur internet. On y va pour s’informer, choisir et acheter. En soit, rien de bien extraordinaire en comparaison avec un parcours d’achat en ligne classique.
Mais on remarque également qu’internet peut être tout à la fois : un média d’information, un canal de distribution mais également un lieu de consommation et d’échanges.
Profil du spectateur et son comportement
Le spectateur de théâtre
Premièrement, concentrons-nous sur les différentes typologies de spectateurs et comment ont évolué leurs comportements de consommation en matière de spectacle vivant. Nous pouvons distinguer 3 types de spectateurs :
- le spectateur régulier, allant au théâtre plus de 3 fois par an
- le spectateur exceptionnel, s’y rendant entre 1 à 2 fois par an
- et enfin le non spectateur n’y allant pas du tout
Ces différents niveaux de fréquentations peuvent être liés à des facteurs communs tels que l’âge, le genre, les catégories socioprofessionnelles, le secteur géographique et le niveau de vie. C’est d’ailleurs ce dernier qui influe directement sur les habitudes des spectateurs et non spectateurs. Car si dans l’imaginaire collectif on assimile souvent le spectateur de théâtre ou plus largement de spectacle vivant, appartenant à une certaine élite, on remarque une augmentation du nombre de spectateurs venant de zones plus populaires. Ce phénomène est certainement dû à la multiplicité de l’offre culturelle : streaming, live, cirque, musique, etc.
D’un point de vue historique, pendant longtemps les publics de théâtre se montraient indisciplinés, usant de leur droit de spectateur pour tyranniser les acteurs, contester les textes et interpeller d’autres spectateurs.
Il fallait opérer un changement en plusieurs étapes : expulser les spectateurs de la scène, asseoir le parterre, plonger la salle dans l’obscurité et réduire le public au silence.
Ce n’est qu’à partir des années 70, que l’on commence à considérer le spectateur comme un consommateur culturel. A partir des années 2000, il est de plus en plus consommateur, de plus en plus exigeant dans ses choix et beaucoup plus volatile.
Le spectateur a donc évolué selon les époques et avec son temps.
BilletReduc, L’Officiel des Spectacles, TicketMaster, Fnac Spectacles, etc. se sont tout autant de plateformes qui proposent les spectacles à l’affiche avec en prime maintenant les avis d’internautes, qui semblent pour le spectateur, plus subjectif, qu’une critique d’expert du secteur. Aussi les noms à l’affiche d’un spectacle peuvent jouer un rôle important. D’autre part, la diversité des œuvres fait qu’aujourd’hui le spectateurs est multiple. C’est pour cette raison qu’il est difficile de définir une typologie précise. Néanmoins, une chose est sûre, c’est que le spectateur, en se rendant au spectacle, vient chercher une expérience culturelle. Et cette expérience débute à l’instant même du choix du spectacle.
Le spectateur de cinéma
Tout comme le théâtre, il est possible au cinéma de distinguer 3 types de spectateurs :
- le spectateur assidu, allant au cinéma au minimum 1 fois par semaine
- le spectateur régulier, allant au moins au cinéma 1 fois par mois
- le spectateur occasionnel, allant au cinéma au moins 1 fois par an
Il est intéressant de noter que les assidus et les réguliers sont souvent rassemblés dans un même type : les habitués. Souvent ces habitués sont en possession d’une carte de cinéma (Carte UGC-MK2, carte CinéPass, etc.) qui leur offre l’opportunité de consommer en illimité les films en salle.
Ces derniers représentent 31% de la population cinématographique. Les occasionnels représentent à eux seuls 70% de la structure du public, mais ne représentent « que » 25,2 % de la fréquentation des salles comparé aux assidus et aux réguliers, qui représentent respectivement 25% et 50% de la fréquentation.
Si la population cinématographique a évolué au fil des années, elle reste tout aussi éclectique. Rassemblant jeunes, seniors, femmes, hommes, actifs, inactifs, CPS+ etc., toutes les populations sont rassemblées dans une seule et même pièce le temps d’apprécier une œuvre, et c’est là, le propre de l’art cinématographique : c’est un art de foule.
Rares sont les arts à rassembler autant. Le 6ème et le 7ème art arrivent pourtant à faire rentrer autant de personnes différentes dans une même pièce, vidée de toute lumière, et à obtenir le silence pendant la durée d’une représentation. Chaque personne fait corps avec un tout plus grand : le public.
Avec l’arrivée du digital, de nouveaux acteurs et de nouveaux moyens de consommation émergent. Le digital nous offre désormais un avantage de choix : l’immédiateté. Avec cet avantage, tout est possible, et tout de suite.
Tour d’horizon des nouveaux services et contenus
Il est loin le temps, où seules les affiches que nous pouvions voir sur les célèbres colonnes Morris ou dans le métro, ou même notre simple guide culturel l’Officiel des Spectacle (fondé en 1946), suffisaient à susciter notre intérêt pour aller au cinéma ou au théâtre.
Le bouche à oreille permettait également de nous faire découvrir tel film ou tel spectacle, tendance du moment. Mais au vu de l’évolution des comportements des spectateurs, il a fallu se diversifier et offrir un champ beaucoup plus large au spectateur/consommateur et s’adapter à lui.
C’est ainsi que nous avons pu voir fleurir de nouveaux services, de nouveaux contenus, parfois communs au secteur du cinéma et du théâtre.
Prenons par exemple la billetterie que l’on retrouve donc au cinéma et au théâtre. Un marché qui est en pleine expansion. Elle n’a d’ailleurs pas échappé à la digitalisation et a connu de vrais changements au cours des dernières années. C’est une mutation qui a permis aux acteurs de l’évènementiel et du spectacle de leur redonner un coup de jeune.
Ainsi, 54% des Français achètent leur billet en ligne contre 32% qui préfèrent se les procurer directement sur place. On peut également noter une différence d’habitudes d’achat liées à la génération. En effet, les Millenials (18-34 ans) sont 63% à acheter leurs tickets en ligne tandis que les Baby-Boomers (55+) sont 45%.
Autre divergence notable entre les régions, les Français de la Région Parisienne sont 72% à acheter leur billet en ligne et seulement 16% sur place. La tendance s’inverse et est plus mitigée pour les habitants des régions de Province puisque 49% les achètent sur internet et 37% les achètent sur place.
Un autre chamboulement dans cet univers est l’interactivité avec l’avènement des réseaux sociaux, les chatbots, etc.
Les publics ne se satisfont plus de leur simple statut de spectateur, comme on a pu l’évoquer plus haut, ils sont devenus de vrais consommateurs à part entière. Ils cherchent donc à devenir acteurs de leur consommation, de leur mode de vie et de leur contenu. Cette envie de participation s’inscrit comme la tendance digitale du moment, inspirée grandement des jeux vidéo. Malgré des débuts encore timides, nous avons pu voir Late Shift (2017), Tantale (2016), Black Mirror, Bandersnatch (2018). Des films dont le spectateur est le héro principal.
Dans un autre style mais tout autant immersif, étant donné que le spectateur demande à être acteur et non plus simple spectateur passif, en 2017, le Grand Rex à Paris a lancé L’Ecran Pop. Le principe étant de créer des expériences inédites, festives et surtout participatives, dans l’univers des Comédies Musicales.
De quoi ressortir de cette expérience complètement émerveillé et pourquoi pas, laisser son avis. Car en effet aujourd’hui le spectateur s’invente critique et n’hésite plus à donner son avis sur l’œuvre qu’il vient de voir ou qu’il s’apprête à voir sur des sites comme AlloCiné, SensCritique, BilletReduc, sur des forums spécialisés et sur les Réseaux Sociaux. C’est nettement plus présent pour les œuvres cinématographiques que théâtrales. Cela s’explique par le nombre d’œuvres plus important mais également parce que le cinéma est devenu un bien culturel de consommation très courant, bien plus populaire que le théâtre qui garde encore, malgré tout, un côté sacralisé, notamment quand il s’agit de certaines représentations. Cependant, avec le théâtre de boulevard, l’explosion des one-(wo)man show et des stand-up, le spectacle vivant ouvre la porte au plus jeunes ou du moins à un public beaucoup plus large.
Cette surabondance de moyens d’expression (chaînes Youtubes spécialisées, Réseaux, Sociaux, sites spécialisés, forums, etc.) sont en concurrence directe avec les médias spécialisés, ces derniers ayant déjà du mal à convaincre.
On pourrait même dire que les Réseaux Sociaux se placent en tête de liste. Ils permettent de créer le buzz en amont, pendant et même après, d’être au plus près de son audience et d’alimenter la tendance interactive. Ils permettent également de connaître et d’anticiper les choix des publics et de l’audience.
C’est pourquoi, la donnée constitue aujourd’hui, un terrain d’innovation à ne surtout pas négliger. La collecte, la maîtrise et la valorisation de la donnée sont presque indispensables pour tout acteur du secteur afin de partager la culture avec le plus large nombre et proposer des expériences uniques aux spectateurs.
Partant de ce constat, Marc Gonnet, ancien directeur de la stratégie d’Europe 1 et Eric de Rugy, fondateur de Red Guy (agence de conseil en stratégie de marque) ont fondé en 2015 la startup Delight-Data. Elle propose une solution d’analyse comportementale des goûts des spectateurs du secteur du spectacle vivant à travers la compilation de leurs données de billetterie complétée par des recherches sémantiques. L’objectif est simple, permettre aux responsables de lieux de diffusion, d’acquérir une meilleure connaissance du public et d’optimiser le taux de remplissage tout en ajustant leurs propositions de valeur.
Ces enjeux de gestion de l’affluence du public résonnent d’autant plus en 2021, où la priorité est de gérer l’affluence du public avec des contraintes sanitaire de distanciation sociales.
N’oublions pas néanmoins, que l’utilisation des données doit se faire dans le respect la règlementation RGPD et doit avant tout ne servir qu’à la diffusion de l’art et sa compréhension.