Alimentation et plaisir sont au centre de nos préoccupations quand il en vient à choisir ce que nous allons mettre dans nos assiettes. Alors qu’avant l’apparition d’Internet, les biais pour choisir (ou consommer) un restaurant étaient assez classiques, il apparaît depuis la fin des années 90 que le nombre d’acteurs intervenant dans ce choix est bien plus élevé, et que, de fait, le processus de décision s’est complexifié. Dans cet article, nous essaierons de déterminer quels sont ces différents acteurs, à quel niveau de la chaîne de décision ils interviennent, et quelles sont leurs spécificités.
Avant toute chose, il convient de définir les deux acteurs au cœur du marché de la restauration : le consommateur et le restaurateur.
Commençons par le consommateur, dont le profil a considérablement évolué depuis l’apparition d’Internet. Ce dernier, désormais connecté est bien souvent qualifié d’e-consommateur. Et bien sûr, la restauration ne fait pas exception.
Ainsi, dans la pratique, l’e-consommateur, en comparaison avec ses aînés, privilégie les outils digitaux de manière bien plus probante. Il est davantage à la recherche de l’immédiateté et de la praticité à travers son mode de livraison ou d’achat rapide, bien souvent réalisé à partir d’un site ou d’une application.
Mais ce n’est pas tout : désormais, le e-consommateur est bien plus sensible à son alimentation. En quête grandissante d’authenticité, il n’hésite pas à consulter Internet afin de récolter des avis lors de leur choix de restaurant, et délaisse de plus en plus les produits préfabriqués tels que les surgelés. Un chiffre illustre tout cela : aujourd’hui, 8 français sur 10 consultent Internet pour choisir le restaurant qui répond à leurs attentes. Leurs pratiques évoluent, non seulement à travers leur usage d’applications tierces de recommandation, mais également à travers la digitalisation de l’offre. De plus en plus, l’utilisation d’applications de livraison à domicile se popularise chez eux, à l’instar du click and collect ou des sites de réservation.
C’est pourquoi, pour le restaurateur, il apparaît aujourd’hui nécessaire de s’adapter à ces nouvelles attentes du consommateur, toutes en lien avec la digitalisation.
De l’autre côté de la base du marché de la restauration, se trouvent évidemment les restaurateurs, qui se composent principalement de trois catégories d’acteurs. Si chacun d’entre eux est voué à vendre des repas, ils se différencient principalement par le type de service proposé à leur clientèle.
Parmi ces trois acteurs, on retrouve tout d’abord la restauration traditionnelle. Ce type de restauration couvre une large gamme d’établissements, allant de la cuisine familiale au grand restaurant gastronomique. Souvent aussi, cette activité vient s’ajouter à celle de café ou d’hôtel afin de compléter la gamme de prestations d’un établissement. Alors que la restauration rapide est très urbaine, la restauration traditionnelle s’implante autant en milieu rural qu’en centre-ville. Sa caractéristique principale, qui la différencie des deux autres activités, est la préparation et la vente de repas servis en salle et à consommer sur place.
La restauration rapide quant à elle, se caractérise principalement par un prix moyen voire faible, l’utilisation d’emballages jetables, l’absence d’un service de table et enfin des heures d’ouverture extrêmement larges et flexibles. C’est également un service quasi-instantané, un chiffre d’affaires élevé, des produits à faible coût, un choix de menus limité et standardisé, des articles de qualité constante préparés avec des produits alimentaires semi-élaborés ou finis, un équipement spécialisé à programme centralisé, des méthodes et systèmes pouvant être mis en place par une main-d’œuvre non-qualifiée ou semi-qualifiée, des ventes au comptoir, une nourriture ou des boissons pouvant être consommées sur place ou emportées. De McDonald’s à Burger King, en passant par Nabab Kebab, O’Tacos, Subway ou encore La Brioche Dorée, on compte un nombre important d’acteurs, en constante évolution.
Enfin, il y a la restauration livrée à domicile. Il s’agit de la préparation de repas ou de plats, qui seront livrés sur le lieu de consommation d’une clientèle restreinte (salariés d’une entreprise ou particuliers à leur domicile). La préparation des repas se fait à partir d’un point de vente, ou plus rarement d’un kiosque. Les produits proposés sont des repas ou des plats cuisinés avec boissons, chauds ou froids, livrés généralement en moins d’une demi-heure. L’activité est irrégulière car très concentrée sur une partie de la journée : une clientèle d’entreprises à l’heure du déjeuner, celle de particuliers à leur domicile le soir. Elle peut être menée à partir d’une activité culinaire déjà existante (restaurant, charcuterie-traiteur), ou à partir d’une unité de fabrication créée spécialement pour la livraison à domicile, qui ne comporte pas systématiquement un lieu de restauration sur place. Depuis les années 80, il s’agit probablement du type de restauration le plus dynamique (notamment avec les services de livraison de pizza à domicile). Nous verrons plus loin que la digitalisation du marché a rendu ce constat plus vrai encore.
Ainsi, le marché de la restauration, hors digital, est par essence un marché ultra-concurrentiel où de nombreux éléments interagissent afin d’expliquer la performance d’un établissement. Parmi ceux-ci, le service, le type de nourriture, le prix et la qualité semblent être des éléments incontournables. C’était sans compter l’avènement du digital, et l’arrivée d’un nouvel élément désormais central : la communication.
En premier lieu des nouveaux acteurs du marché de la restauration, on trouve les plateformes de livraison, qui font office d’intermédiaires entre le client et le restaurant. Autrement dit, elles mettent en relation des clients et des restaurants, et font donc à la fois office de plateforme de référencement (et par extension d’outil de communication) et de plateforme de service. Bien sur, l’idée même de la livraison de plats n’est pas nouvelle : c’est un service qui s’est largement popularisé dans les années 80, notamment grâce à la livraison de pizza à domicile. Cependant, c’est à l’avènement d’Internet que ce service va véritablement révolutionner le paysage de la restauration.
Contrairement aux idées reçues, le marché de la livraison à domicile est un marché assez ancien à l’échelle d’Internet, puisque Just Eat (anciennement AlloResto) est actif depuis la fin des années 90 (depuis 1998 pour être exact). Cependant, ce marché a connu un véritable boom en 2015. Une époque à laquelle, contrairement à ses voisins britannique et allemand, et encore plus par rapport aux Etats-Unis, la France apparaît comme sous-développée. Une véritable aberration dans le pays de la bonne bouffe, diront certains.
En tout cas, l’opportunité est trop importante pour la laisser passer et, cette année-là, naissent tour à tour Foodora (grâce à une spectaculaire levée de fonds de 500 millions d’euros de la maison mère allemande, Delivery Hero), Deliveroo (compagnie britannique, levée de fonds de près d’un milliard de dollars entre 2015 et 2018), et enfin UberEats (financée grâce à la gigantesque capitalisation boursière d’Uber, estimée à plus de 62 milliards de dollars)
En termes de fonctionnement, le principe est simple. Le restaurateur qui souhaite pouvoir proposer à ses clients un service de livraison se référence sur la plateforme qui l’intéresse. Lorsqu’un client passe commande à travers la plateforme en question, la plateforme prélève alors une commission allant de 10 à 30% sur la note. Côté client, même son de cloche. Il choisit le restaurant et le plat qui l’intéresse et sera facturé de quelques euros (2€50 sur une commande de 25€) pour le double-service mise en relation avec le restaurant et livraison.
Bien qu’en pleine expansion, ce marché encore jeune est très concurrentiel : il représente un chiffre d’affaires global de 2 milliards d’euros (soit 38 millions de repas livrés par an), à mettre en perspective avec les 56 milliards d’euros que représente le marché de la restauration en France. Bien que le marché soit en pleine expansion, tout cela paraît bien maigre au vu des ambitions de Just Eat, Deliveroo, UberEats et Foodora. Dès lors, chacune de ces plateformes cherche à se démarquer des autres à travers trois items : le service-client, la gamme de choix, et l’ergonomie de leur application.
C’est dans cette logique que les nouveaux acteurs de la livraison nouent des partenariats exclusifs. Ainsi par exemple, UberEats est le seul acteur à livrer McDonald’s, KFC et O’Tacos, quand Deliveroo a l’exclusivité de la livraison pour Sushi Shop et Five Guys. De cette hyperconcurrence, certaines sociétés ont fait les frais. C’est par exemple le cas du belge Take Eat Easy ou encore le TokTokTok, racheté par Just Eat en 2016. Et c’est bien sur sans compter sur la concurrence des restaurants « pure players »…
Ces restaurants pure players s’affichent comme de véritables hybrides. A la croisée du restaurant traditionnel, qui dispose d’un lieu physique où servir les repas, et les plateformes de livraisons qui, à travers leur application, bookent des commandes qu’elles vont chercher au restaurant, et les livrent à domicile. Il en existe principalement deux.
Nestor restaurateur en ligne, tire son épingle du jeu en misant sur des repas « maison » de qualité, mais aussi de service, comme son nom et son univers laisse deviner auprès des entreprises. La start-up propose un menu unique : Entrée-Plat-Dessert par jour, qui change tous les jours pour seulement 15 euros.
Celle-ci s’est donné le challenge, de s’entourer d’un réseau de chefs cuisinier dont la plupart interviennent en supplément, qui lui permet de diminuer les coûts et de proposer plusieurs variétés de produits et de tester leurs créations auprès d’un public large.
Nestor s’appuie également sur leur algorithme de « prédiction » qui permet d’anticiper le nombre de menu qui va être commandé et également le temps de la livraison. Les commandantes ne sont plus rattachées à un coursier unique mais un ensemble de livreur qui selon leur trajet et leur localisation livre la commande.
FoodChéri est un restaurant virtuel, qui livre des repas sains et frais au bureau ou à domicile à partir de 9,90 euros. Son business model s’inspire de l’économie « à la demande». Le e-consommateur choisit le repas du jour et un désert, s’il le souhaite, paye depuis la plateforme ou l’application. Et reçoit un message de confirmation. Puis reçoit sa livraison chez lui en moins de vingt minutes.
Dernière nouveauté, FoodChéri donne la possibilité aux e-consommateur de commander plusieurs jours en avance. Et s’appuie sur leur algorithme pour optimiser leurs tournées en prenant en compte les horaires de livraison choisies par l’internaute, la taille du véhicule ou bien même la taille de la commande. Ainsi que les conditions météorologiques.
Le pays de la gastronomie voit apparaître ces startups food tech hybrides, qui changent les modes de consommation grâce aux technologies, tout en essayant de garder les traditions culinaires. Une concurrence supplémentaire donc, qui s’attaque non seulement au marché de la restauration, mais également aux plateformes de livraisons.
Il nous est maintenant nécessaire d’évoquer les acteurs qui jouent une influence sur la fréquentation d’un restaurant d’une manière ou d’une autre : nous y ferons référence via les termes “acteurs tiers de confiance”. Que ce soient les plateformes de recommandation (TripAdvisor en 2000, Yelp en 2004, LaFourchette en 2007, Foursquare en 2009), les réseaux sociaux (Facebook en 2004, Instagram en 2010), ou le référencement sur internet (Google en 1998), les acteurs tiers de confiance sont apparus dans les années 2000 et ont gagné en importance particulièrement depuis les années 2013-2014, avec l’utilisation croissante et massive d’internet et des médias sociaux.
En termes de visibilité et de notoriété, les restaurants ne peuvent plus se passer d’internet. Les restaurateurs sont dans l’obligation de prendre cette réalité en compte en déployant une réelle stratégie de communication digitale. Cette communication passe par la présence et la veille sur les plateformes de recommandation, les moteurs de recherche et les réseaux sociaux.
Depuis plusieurs années, les critiques gastronomiques ne sont plus ceux qu’on croit : les consommateurs ont supplanté les guides professionnels, tels que le fameux Michelin. Ce dernier, bien qu’il reste pour de nombreux restaurateurs un Saint Graal à obtenir, fait l’objet de nombreuses critiques pour son élitisme et son incapacité à évoluer pour s’adapter aux temps modernes. A présent, la réputation des restaurants s’effectuent sur les plateformes de recommandation et les sites de notation sur lesquels les internautes postent leurs commentaires et avis. Parmi les plus connus, citons TripAdvisor, La Fourchette (plateforme française, leader sur le marché de la réservation de restaurants en ligne, racheté par TripAdvisor en 2014), Yelp (réseau social, leader aux Etats-Unis, moins utilisé en France), ou encore Foursquare. Des outils extrêmement efficaces pour les restaurateurs, qui leur apportent visibilité en ligne et notoriété. Chaque client s’improvise expert culinaire et se fait juge du restaurant sur la qualité des produits, le service, l’ambiance, la propreté, la décoration… Tout y passe.
La réputation des restaurants également portée par le référencement, élément clé de la visibilité et de la notoriété. En termes de référencement, c’est Google qui mène la danse : il représente aujourd’hui plus de 90% des recherches sur internet en France. Suite à une recherche, Google suggère les résultats les plus pertinents selon les critères et la localisation. La première page comprend 3 établissements, le fameux « Pack 3 local » avec leurs informations et les avis, suivis des liens pertinents, souvent représentés par les plateformes de recommandation (d’où l’importance d’être également visibles sur ces plateformes) ou articles de médias. Apparaître en page 1 est indispensable pour gagner des clients puisque la première page recueille près de 91% des clics. Pour un restaurateur, l’optimisation du SEO local (fiche Google My Business, publication fréquente de contenu riche et pertinent, réponse aux commentaires…) apparait donc comme vital.
La restauration est également omniprésente sur les réseaux sociaux, sur lesquels 40% des consommateurs choisissent leurs restaurants. Du côté des professionnels de la restauration, c’est un moyen supplémentaire de gagner en visibilité et notoriété, un formidable vecteur de communication sur lequel mettre en avant les photos de l’établissement et des plats, la géolocalisation du restaurant, mais aussi effectuer une analyse de l’audience et maîtriser son image.
Et comment aborder les réseaux sociaux sans parler de Facebook ? Avec 33 millions d’utilisateurs actifs en France, ce réseau social permet aux restaurateurs de présenter leur établissement, de le localiser, de télécharger leur menu, de publier leurs photos, d’annoncer leurs actualités et événements, d’intégrer un système de réservation en ligne, etc… L’autre réseau social star de la restauration est sans conteste Instagram. L’utilisation des hashtags permet d’élargir l’audience et d’augmenter sa portée. D’autres réseaux sociaux tels que Twitter, Pinterest, Google +, chacun avec leurs spécificités propres, permettent de construire une présence digitale. A chaque restaurateur de définir leur stratégie, leur cible et leurs ressources afin d’optimiser ses canaux.
Il est également fondamental de collaborer avec les Blogueurs et Influenceurs, ces experts culinaires 3.0 qui font la pluie et le beau temps dans l’univers #food sur internet, en les intégrant dans la stratégie de communication. Qu’ils soient chroniqueurs gastronomiques, rédacteurs, ou simples gourmets, ces gourous de la gastronomie partagent leurs bonnes trouvailles et adresses fétiches avec leurs milliers de followers, jeunes en majorité. De plus, les internautes considèrent qu’un influenceur est 92% plus crédible qu’une marque, de par son objectivité. Leur pouvoir de prescription, leur authenticité et leur accessibilité font donc d’eux des interlocuteurs de choix pour les restaurateurs à la recherche de lumière.
Nous retiendrons qu’en quelques années, l’écosystème dans lequel évolue le restaurateur s’est grandement complexifié. Alors que 30 ans en arrière, le Guide Michelin faisait et défaisait les réputations des établissements, aujourd’hui un nombre croissant de nouveaux acteurs influent sur celles-ci. Tout cela, les restaurants doivent également le prendre en compte.
Nous voyons donc qu’en 20 ans, l’écosystème du restaurant s’est considérablement complexifié. Alors qu’à l’aube d’internet, le nombre d’intervenants était relativement limité (restaurant, client, bouche à oreilles/annuaire et éventuellement – pour certaines enseignes – publicité), il en existe chaque jour un nombre plus important. Si certains représentent une menace directe pour le restaurateur, comme les restaurants pure-players, d’autres au contraire représentent de véritables opportunités, notamment d’un point de vue média. Nous pensons notamment aux acteurs tiers de confiance, aux réseaux sociaux, à Google, et même aux plateformes de livraison. Ce nouveau paradigme étant maintenant établi, nous tâcherons, dans nos prochains articles à paraître au cours de l’année, de l’analyser.
Représentation simplifiée de l’écosystème digital actuel
Références :
http://www.atabula.com/2016/04/06/livraison-repas-a-domicile/
https://www.orderbird.fr/blog/les-services-de-livraison-domicile/
https://onsefaitunebouffe.fr/2016/09/25/comparatif-foodora-deliveroo-alloresto/