Essentiellement stimulée par la prise de conscience écologique, la crise économique et l’essor du e-commerce, le marché de la seconde main connaît une croissance impressionnante, ces dernières années.
Le marché tricolore est passé de 1 milliard d’euros à plus de 7 milliards d’euros en à peine 5 ans. Ce phénomène devrait se poursuivre et atteindre 10 milliards d’euros en 2025. Le marché mondial devrait doubler et peser 350 milliards de dollars d’ici 2027. Le marché s’est diversifié, il englobe désormais tous les secteurs.
La mode est la catégorie la plus dynamique du marché avec 48% de part de marché. Suivie de près par les produits culturels qui représentent 43%. Les meubles et objets de décoration affichent 34%. Les indispensables smartphones et l’high tech complètent ce panorama avec 12% et 8% de part de marché.
Même si la motivation première à l’achat de produits d’occasion est plus économique qu’écologique, ce mode de consommation responsable est bien ancré dans les habitudes des Français. En effet,73 % ont déjà acheté un produit d’occasion au cours des 12 derniers mois et 87 % en ont déjà vendu cette année.
Cette tendance se confirme car 40% des consommateurs achètent au moins un produit d’occasion par mois. Le bon coin, Vinted ou encore Back Market ont littéralement bouleversé les codes du secteur.
Ces plateformes ont démocratisé la seconde main et rendu le marché plus accessible et très compétitif. Les enseignes traditionnelles et les acteurs historiques de la seconde main se sont adaptés à cette profonde mutation du marché. La concurrence s’est intensifiée avec l’apparition de nouveaux acteurs et le CtoC s’impose comme le mode d’achat préféré des Français si bien que 84 % des consommateurs se tournent vers des particuliers pour acheter des produits d’occasion.
Plus qu’une tendance, la seconde main est devenue un mode de consommation incontournable. Focus sur l’essor de la mode de seconde main, sa concurrence, ses perspectives et ses limites.
Une économie circulaire vertueuse :
L’industrie de la mode est l’une des plus polluantes au monde. Cet impact néfaste est notamment dû à l’utilisation de ressources naturelles non renouvelables, à la production massive de déchets et à la pollution de l’eau. La mode de seconde main consiste à acheter ou à échanger des vêtements ou accessoires qui ont déjà été utilisés par une autre personne. C’est l’alternative durable qui permet de prolonger la durée de vie d’un vêtement. Chaque vêtement porté à un impact sur l’environnement, de sa production à sa fin de vie consommer un vêtement de seconde main réduit l’empreinte carbone de 82% par rapport à l’achat d’un vêtement neuf.
Une question de générations : Vintage addict, écologiste averti ou besoin de faire des économies, la mode de seconde main séduit de plus en plus. Le marché français est estimé à plus de 1 milliard d’euros et ce chiffre devrait progresser dans les années à venir. Soucieuse de son empreinte écologique et à la recherche constante d’un style unique, la génération Z en a fait un mode de consommation alternatif. Selon une étude Enov, de manière générale, les 25-35 ans sont les plus grands consommateurs de produits d’occasion. Principalement féminin, les « accros engagés » consomment très régulièrement des produits de seconde main tant pour des raisons écologiques qu’économiques. Contrairement à leurs aînés les« prudents économes » représentés par les 55 ans et plus qui n’achètent et ne vendent qu’occasionnellement de la seconde main.
Un essor accéléré par le digital :
Si, arpenter les interminables étals des friperies et des vide greniers était la seule option pour chiner des pépites de seconde main. Les plateformes comme Le boncoin, Vinted ou encore Vestiaire Collective ont sensiblement changé la donne. Désormais, quelques scroll suffisent pour dénicher un pull ou une robe de créateur d’occasion.
Aujourd’hui, 59% des consommateurs utilisent le digital pour acheter ou vendre un produit d’occasion.
Ces plateformes ont vulgarisé le marché , aujourd’hui l’économie circulaire est incontournable puisque 80% des sites et applications les plus visités en France proposent de la seconde main.
Amazon se maintient en tête du classement avec 37,8 millions de visiteurs par mois. Le boncoin est en seconde position avec 27,8 millions. Vinted, leader de la mode d’occasion, est en quatrième position avec 16,6 millions de visiteurs. En 2023, la plateforme de seconde main représente à elle seule 12,6 % du volume des achats de vêtements en ligne. Les géants du e-commerce Amazon et de l’ultra fast fashion Shein détiennent respectivement 9,1 % et 8,6 % de part de marché.
Leader de la mode d’occasion :
Lancée en 2008, Vinted domine le marché de la seconde main depuis plusieurs années. La plateforme d’achat et de revente de produits d’occasion est présente dans plus de 16 pays. Son chiffre d’affaires est évalué à plus de 371 millions d’euros en 2022. La plateforme aux 80 millions de Vinties (utilisateurs) connait une importante croissance grâce à sa redoutable stratégie marketing. Vinted y a consacré un budget colossal (+ de 37 millions de livres en 2022). Elle a développé une stratégie marketing très performante pour asseoir sa notoriété et avoir plus de visibilité (spots TV et réseaux sociaux). Ce qui fait le succès de Vinted c’est que le vendeur perçoit l’intégralité du prix de vente qu’il a fixé. Contrairement à certaines plateformes les frais de port et commissions sont à la charge de l’acheteur. Véritable plateforme sociale les avis et expériences utilisateurs y sont directement partagés. Ce qui permet aux utilisateurs de commenter son expérience et parcours d’achat. Vinted fidélise ainsi les conquis et attire chaque jour de nouveaux utilisateurs.
Une économie vertueuse ? :
Les acteurs de la seconde main se sont multipliés ces dernières années et la concurrence est rude. Le nombre de plateformes d’achat et de vente en ligne a explosé, la dernière-née est « Pré owned » lancée en septembre dernier par Zara. La marque s’engage en faveur de la durabilité et propose un service de réparation de ses vêtements et accessoires. Zara va plus loin dans sa démarche RSE et collabore avec l‘association le Relais pour collecter et recycler des vêtements usagés. Cette collecte se fait directement auprès des particuliers ou en magasin. Si les plateformes de seconde main sont en plein essor, les friperies physiques et associatives comme Kilo Shop, Marché noir (mode de luxe) ou encore Label Emmaüs n’ont pas dit leur dernier mot. Ces friperies ont repensé leur modèle économique pour s’adapter aux évolutions du marché car 74% des acheteurs en ligne vérifient systématiquement la disponibilité d’un produit sur le marché de l’occasion. Ces pionniers du secteur ont renforcé leur présence numérique. Ils ont développé des sites performants, optimisé leur SEO et proposent des contenus engageants et dynamiques sur les réseaux sociaux. Cette stratégie cross canal leur permet de proposer une expérience client complète et intuitive. Ces innovations leur ont également permis de toucher un public plus large qui ne fréquentaient pas forcément ces antres de la seconde main. Au détour des allées de magasins comme Kiabi ou les Galeries Lafayette des corners dédiés à la seconde main ont fait leur apparition.
Certaines marques sont en rupture totale avec la démarche vertueuse initiale voire à la limite du greenwashing. Des enseignes proposent des services de collecte ou de rachat de vêtements usagés, qu’ils soient de la marque ou non. En contrepartie le donneur /ou vendeur se voit offrir un bon d’achat à faire valoir sur la nouvelle collection de l’enseigne.
En définitive, la concurrence sur le marché de la mode d’occasion est un véritable moteur d’innovation qui pousse les acteurs à se renouveler constamment pour proposer des produits et services toujours plus attractifs.
Les limites du marché
Cette forte croissance pose tout de même les questions suivantes :
1.Quel impact sur l’économie solidaire ?
2. Vers une surconsommation ?
1) .En France, les friperies associatives et ressourceries, comme Emmaüs ou la Croix rouge sont des acteurs importants de l’économie sociale et solidaire. Elles offrent des opportunités d’emploi à des personnes en situation de précarité ou d’exclusion. Ces associations participent activement à la réduction des inégalités et favorisent l’inclusion sociale. Elles collectent, réparent et vendent des vêtements de seconde main pour les plus démunis. Les recettes de ces ventes permettent également de financer des initiatives et projets solidaires. Leur modèle économique est essentiellement basé sur les dons de vêtements des particuliers. Ces associations observent une nette diminution des dons et surtout une baisse de la qualité des vêtements donnés depuis l’essor des plateformes de seconde main. Désormais, les particuliers sont plus enclins à vendre leurs vêtements en bon état sur le marché de l’occasion.
La baisse de la qualité des dons engendre une diminution considérable des sources de revenus de ces associations. Ce qui peut à long terme représenter une menace pour l’emploi des publics fragiles. La mise en place de campagnes de sensibilisation autour du don sur les plateformes « star » de la seconde main serait un moyen d’inverser cette tendance. .
De nombreuses initiatives peuvent être portées par les plateformes , à l’instar de de celle initiée par Vestiaire Collective en octobre dernier. Pour soutenir l’association Emmaüs, le leader de la mode d’occasion de luxe lui a fait don de plusieurs centaines d’articles de mode. Ces démarches permettent à la fois de concilier les enjeux de l’économie circulaire et de l’insertion sociale et de garantir ainsi la pérennité de ces associations.
2). L’engouement croissant pour la seconde main peut faire apparaître un effet de surconsommation. Aujourd’hui, il est beaucoup plus facile d’acheter de la mode d’occasion avec la multitude de plateformes de revente. La variété des articles et les petits prix sont des atouts majeurs pour motiver un achat. Ces facteurs peuvent conduire à une certaine forme d’impulsivité et à acheter plus que nécessaire. La démarche à l’origine vertueuse peut vite devenir une source de pollution (transports multiples, étapes de nettoyage du vêtement,…).D’un point de vue économique, la surconsommation peut amener à une forte baisse des prix du marché. Les consommateurs peuvent alors acheter davantage de vêtements à des prix très bas, ce qui peut aussi nuire aux entreprises qui vendent des produits neufs. Pour lutter contre la surconsommation, il parait important de rappeler l’impact écologique et économique d’une surconsommation à travers des campagnes de sensibilisation. Mais aussi de développer encore plus les alternatives pour prolonger la durée de vie du vêtement comme la réparation ou la location.
La courbe de croissance de la seconde main devrait continuer de progresser ces prochaines années et dépasser la fast fashion d’ici 2028. Pour résister sur le marché et maintenir leur compétitivité, les acteurs de la seconde main développent sans cesse des solutions innovantes pour répondre aux besoins des consommateurs.
Aujourd’hui, l’intelligence artificielle (IA) permet de répondre à un certain nombre d’exigences du secteur.
Notamment, le classement des articles par style, taille et état. Le tracking permet également de générer des recommandations personnalisées selon les habitudes et le profil de l’utilisateur.
L’IA permet l’automatisation de certaines tâches, telles que la gestion des stocks et des retours clients. Elle va encore potentiellement transformer le marché de l’occasion et le rendre plus durable et attrayant pour les consommateurs. Ces solutions viendront peut-être séduire les quelques réfractaires à la mode de seconde main.
Les tendances du DIY (do it yourself = faire soi-même) et de l’upcycling qui consiste à donner vie à un vêtement ou accessoire de mode à partir de textiles de seconde main sont également des alternatives duables en plein essor.
La mode de seconde main est un phénomène qui va continuer à se développer ces prochaines années. Elle semble être une réponse concrète aux enjeux écologiques et économiques d’aujourd’hui et de demain. Pour l’écologie, la mode d’occasion réduit fortement le gaspillage textile et prolonge la durée de vie du vêtement. Elle réduit drastiquement les émissions de gaz à effet de serre et préserve les ressources naturelles.
La mode d’occasion présente aussi un véritable avantage économique.
Comme dans tous les domaines il peut y avoir des dérives. Pour cela il est important de mettre en place des mesures visant à sensibiliser les consommateurs aux bonnes pratiques pour une consommation plus responsable.
Mais aussi d’attirer l’attention des consommateurs sur l’importance de l’économie solidaire. Pour les encourager à faire des dons de vêtements. La seconde main reste « la solution » pour une mode durable, responsable, et consciente.
Sources: ENOV – FEVAD – VOLAGO – LE RELAIS