Entretien avec Mayssa Chehab, Marketing Science Lead chez Facebook France
La publicité vidéo en ligne poursuit sa croissance, alimentée par l’apparition de nouveaux formats comme les « Stories ». Comment ces contenus vidéo vivent-ils par rapport à la pub TV ?
Mayssa Chehab. Aujourd’hui, nous ne devons plus penser « stratégie TV » mais « stratégie vidéo ». La télévision est un média important, mais nous passons aujourd’hui 1h28 au quotidien à consommer du contenu sur internet, principalement sur mobile (1). Il y a donc une convergence de plus en plus forte entre les contenus en ligne et hors ligne. C’est pourquoi il est crucial de penser une seule et unique stratégie vidéo publicitaire pour tous les écrans, ainsi que les méthodes de mesure qui permettent une mesure précise, efficace et adaptée.
Mais comment mesure-t-on l’impact de ces campagnes vidéo à la TV et sur le digital ?
MC. Mener une étude d’incrément (2) est le moyen le plus fiable pour mesurer l’impact que peut avoir une campagne publicitaire, surtout dans un marché publicitaire en constante évolution. Le principe est simple, nous comparons les résultats liés à un objectif marketing (comme les ventes ou un score de notoriété) entre deux groupes de personnes : ceux qui ont été exposés à un levier publicitaire et ceux qui ne l’ont pas été. On peut ainsi définir l’apport d’une tactique publicitaire isolée – c’est à dire, l’incrément. C’est essentiel pour identifier la stratégie média la plus efficace. Cela s’applique autant à la mesure des campagnes vidéo sur la TV qu’en ligne.
Dans quelle mesure peut-on dire que Facebook et la TV sont complémentaires dans une stratégie média ?
MC. Facebook et la TV sont complémentaires à plusieurs niveaux. Au niveau par exemple de la couverture publicitaire. La solution Nielsen Total Ad Rating (TAR) permet aux annonceurs de suivre leurs performances à la fois à la télévision et en ligne, afin de déterminer la couverture et la fréquence sur cible de l’ensemble de leur campagne. En se basant sur 36 études menées avec Nielsen TAR (3) nous constatons qu’en moyenne, Facebook permet de générer une couverture incrémentale de 8,9% par rapport à la TV.
Cette complémentarité entre la TV et Facebook se traduit également à travers l’impact sur les ventes. Une étude Kantar Worldpanel, basée sur la solution Consumer Mix Model (4) a démontré que dans le cadre de 8 campagnes publicitaires diffusées simultanément sur ces deux médias, Facebook était efficace pour toucher des foyers non exposés ou peu exposés à la TV. Facebook est donc un média clé pour augmenter la couverture d’une campagne et faire plus de contacts sur des foyers faiblement exposés à la TV.
Nous avons également mesuré un effet de synergie chez les foyers exposés simultanément aux deux médias. Nous avons mesuré une augmentation de l’incrément sur les ventes de 11% grâce à la double exposition Facebook et TV. Enfin, les campagnes étudiées, ont généré une rentabilité moyenne de 1,7, ce qui signifie que pour chaque euro investit, les campagnes ont généré 1,7€ de ventes incrémentales.
TV et VOL, un combo gagnant
Pour compléter cet entretien nous pouvons évoquer l’avenir certain de la complémentarité entre la TV et le digital.
Lidl, qui déploie chaque semaine, selon Michel Biero, « des centaines de millions de bannières » pour faire écho aux produits mis en avant en TV, pourra bientôt cibler les personnes déjà exposées en TV, grâce à des partenariats comme celui récemment dévoilé par Realytics et Gamned! : « Au-delà de la mesure DRTV, nous sommes capables de créer des segments d’engagement, que Gamned! va mettre à profit pour faire du retargeting ou des campagnes lookalike. On remarque un taux de conversion 2 à 3 fois supérieur chez les personnes qui ont été exposées en amont à une campagne TV ou des actions orientées branding, et un coup d’acquisition divisé par 3 par rapport aux moyennes du digital », expliquent Guillaume Belmas et Simon Tanguy de Gamned!, citant une campagne menée pour un acteur du travel.
Une vision complétée par Jean-Marc Segati : « En attendant qu’un équivalent au GRP apparaisse en ligne, ce qui est un peu une arlésienne dans le milieu, pour avoir une vision désilotée de ces différents canaux, nous pouvons par exemple considérer que YouTube est un bon moyen d’aller chercher de la répétition à moindre coût, et de compléter sa couverture TV en allant chercher des audiences spécifiques, et plus jeunes. Les deux vont de pair. » Michel Biero y voit un autre avantage : « Le replay par exemple, n’a pas la même réglementation qu’en TV, où quand vous communiquez sur un produit, vous êtes dans l’obligation de le proposer à la vente pendant 15 semaines ! » Le co-gérant de l’enseigne réfléchit enfin à intensifier sa présence en ligne via le développement de contenus vidéo spécifiques à YouTube, « avec une chaîne cuisine, qui sait ? »En attendant, il s’offre aussi des égéries, en l’occurrence Nikola Karabatic, qu’on a pu voir sur les réseaux sociaux en train d’aider les préparateurs de commande de l’enseigne à s’échauffer pour la rentrée. Ces activations se multiplient depuis que l’enseigne a signé un partenariat de naming avec le LNH en 2016, en faisant un pas de plus vers le titre de premier annonceur de France. Mais, un pas dont les retombées, pour le « coût », sont plus difficiles à chiffrer qu’en télévision.
TV et VOL, quelle efficacité ?
« En matière d’incrémental sur les différents indicateurs de performance des annonceurs, la TV reste à tous les niveaux bien plus contributrice que la vidéo en ligne, du fait d’investissements et d’un taux de couverture supérieurs. Néanmoins, la VOL est un bon complément d’audience : 500 GRP de vidéo en ligne permettent d’atteindre 7 points de couverture en plus. Aussi, elle n’a pas atteint un niveau de « saturation » : chaque euro supplémentaire investi est aussi efficace que le précédent. Ce n’est pas le cas en TV, où plus de 10% des campagnes saturent, c’est-à-dire qu’elles répondent davantage à un objectif de construction de l’image de marque et de l’augmentation de la part de marché qu’à un objectif de rentabilité », explique Julien Gaviard, partners chez Ekimetrics, spécialiste de l’attribution marketing.
Sources:
http://strategies.fr/decrypter-la-video/video-en-ligne-et-tv-comment-mesurer-la-complementarite