Comme évoqué dans l’épisode précédent portant sur les catégories où le marketing d’influence a sa place, le métier de créateur de contenu tend à se professionnaliser mais aussi à se réguler du fait de l’explosion du nombre de protagonistes et des dérives médiatisées.
Aussi les influenceurs, conscients de leur impact notamment envers la jeune population, ont à cœur de devenirs des acteurs plus responsables & éthiques en phase avec les mentalités et préoccupations actuelles de la société.
Dans ce contexte il nous semblait important d’évoquer en détails les thématiques suivantes :
- L’existence du certificat de l’Influence Responsable proposé par l’ARPP (Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité)
- Le rôle de cette administration dans le secteur de l’Influence
- Les actions menées le gouvernement Français pour encadrer ce métier & protéger les consommateurs
- L’éveil écologique des créateurs de contenus qui aspirent désormais à une éco-communication
Le but premier étant d’informer du cadre actuel Français lié au Marketing d’Influence qui est dans une phase de changement avec une régulation prochaine due à la professionnalisation des acteurs. Ces derniers n’étant plus considérés comme de simples panneaux publicitaires comme cela fût le cas au début mais plus comme des ambassadeurs pouvant éveiller les consciences.
Le certificat de l’Influence Responsable proposé par l’ARPP
Nous avons eu l’opportunité d’interroger Mohamed MANSOURI, directeur délégué de l’ARPP depuis Avril 2018 afin de lui poser plusieurs questions au sujet du Certificat de l’Influence Responsable. Pour rappel ce dernier est à destination des talents collaborant avec des annonceurs mais aussi des professionnels de l’Influence dans le but de maîtriser les clés.
Au programme de cet e-learning développé en collaboration avec l’association-centre de formation Media Institute :
- La transparence dans les partenariats
- Les règles à respecter quand on parle environnement, santé ou encore jeux d’argent
- Les grands principes éthiques qui encadrent le Marketing d’Influence
On retiendra que le discours du créateur de contenus doit être fondé sur des preuves, proportionnel, clair, explicite et nuancé.
Aussi chaque partenariat commercial doit être annoncé de façon immédiate, éclairée & distincte à partir du moment où il y a une contrepartie (financière ou non). En pratique l’infographie ci-contre apporte un éclaircissement sur les bonnes pratiques à adopter.
L’obtention de cette pièce est preuve d’engagement & de connaissances pour de nombreuses marques si bien que l’entreprise Club Med commercialisant des séjours aux quatre coins du globe dans des villages de vacances, a annoncé qu’elle travaillera désormais uniquement avec des créateurs ayant suivi le cursus et obtenu le précieux sésame.
Interview de Mohamed Mansouri, Directeur Délégué de l’ARPP concernant l’Influence
Quels sont les éléments qui vous ont poussé à lancer ce certificat en Septembre 2021?
En 2021, les résultats de l’Observatoire de l’Influence Responsable ont révélé que la majorité des manquements était principalement le fait des « petits » influenceurs de moins de 10 000 abonnés (43% de contenus non transparents sur l’intention commerciale, vs. 12% chez les influenceurs de plus de 1 million d’abonnés). Cette situation résulte sans doute du manque d’accompagnement de ces créateurs de contenu et donc de connaissance du cadre légal.
Le Comité de suivi de l’Observatoire composé des marques, des agences et des plateformes a donc décidé de répondre au besoin de pédagogie au moyen d’un certificat et de confier à l’ARPP le soin de sa mise en œuvre et de son suivi.
Comment avez-vous construit le certificat de l’influence responsable? Quels acteurs ont pu vous aider ?
Nous nous sommes naturellement tournés vers Media Institute notre partenaire spécialisé dans la formation qui nous a aidé à construire la structure pédagogique du parcours d’e-learning pour une toute première version, au moyen des ressources que nous leur avons communiqués.
Plusieurs versions ont vu le jour. Quand décidez-vous d’intégrer de nouveaux éléments à ce certificat et donc de changer de version ?
Nous intégrons de nouveaux modules selon les enjeux, l’actualité. À titre d’exemple, à l’Automne dernier nous avons intégré un module en lien avec le dérèglement climatique, afin de sensibiliser les créateurs de contenu aux conclusions du dernier rapport du GIEC et aux modèles économiques des produits dont ils font la promotion (conditions des travailleurs participant à la production, impact carbone ou sur les ressources naturelles, s’interroger sur le cycle de vie complet du produit etc.).
Puisqu’il faut une validation avant de prétendre passer le certificat, quels éléments vérifiez-vous avant d’accepter la candidature d’un créateur ?
Nous vérifions plusieurs choses à commencer par l’existence de partenariats. Le certificat est en effet ouvert aux créateurs effectuant des partenariats avec les marques. Nous vérifions par ailleurs, si l’audience n’est pas significativement composée de fake followers au moyen d’outils technologiques proposés par des acteurs comme Reech. Nous nous réservons par ailleurs la possibilité de refuser l’inscription en cas de constatation de manquements grave ou sérieux aux règles déontologiques. Surtout, après obtention du certificat, nous vérifions que l’influenceur respecte bien son engagement d’observer le cadre légal et déontologique.
À ce jour, combien de créateurs de contenus ont obtenus le certificat ?
Près de 400, avec une véritable accélération ces dernières semaines notamment suite aux discussion engagées par le Ministère de l’Economie avec l’interprofession dont l’ARPP, et une campagne réalisée en partenariat avec Instagram, adhérent de l’ARPP, ainsi qu’une célèbre créatrice de contenu. La campagne a fait à ce jour près de 20 millions de vues ! Nous avons une quarantaine d’inscription par semaine.
Comment avez-vous procédé pour le faire connaître auprès des créateurs et donc les faire adhérer ?
Au moyen de campagnes comme précédemment expliqué. Aussi parce que des marques l’imposent de plus en plus et des agences organisent des master class avec l’ARPP pour sensibiliser directement les créateurs de contenu ou les talents managers.
Avez-vous été concerté lors de la table ronde de Novembre dernier à Bercy et/ou dans le cadre de la mise en ligne de la concertation publique qui se déroule actuellement sur https://dialogue-make.org/fr/concertation-influenceurs ? Qu’est-ce qui se profile avec la prise en main du sujet de l’influence par le gouvernement Français ? Attendez-vous des règles précises ? Si oui, sur quelles thématiques ?
Oui, l’ARPP participe aux échanges. Les discussions concernent le statut de l’influenceur, la protection du consommateur, la propriété intellectuelle, la gouvernance. Les échanges sont constructifs et permettent de réfléchir à la meilleure manière de réguler le secteur.
Après certification, êtes-vous sollicité quotidiennement par des créateurs et/ou annonceurs pour diverses questions ? Si oui, comment gérez-vous ce flux ?
À ce stade les demandes sont gérables mais nous prévoyons un renforcement de l’équipe.
Envisagez-vous le développement d’autres certificats sur d’autres sujets à l’ARPP ?
Nous travaillons avec l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) pour lancer un certificat « Influence responsable » option produits financiers, en Mars 2023.
La régulation du secteur de l’Influence à l’initiative du gouvernement Français
Face aux nombreux scandales et polémiques mais aussi aux plaintes des consommateurs survenues ces dernières années, le gouvernement a souhaité prendre le sujet en main.
Dans une interview accordée au média Brut, à la suite de la diffusion du magazine « Complément d’enquête » de France 2 intitulée Arnaques, fric et politique : le vrai business des influenceurs, le ministre Bruno Le Maire s’est engagé à organiser une réunion pour évoquer ce vaste sujet.
En conséquence une table ronde avec les principaux acteurs de l’Influence, représentés par les agences mais aussi l’ARPP (Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité), a eu lieu en Novembre 2022 à Bercy dans le but de mieux comprendre ce domaine. Le ministre en charge de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique a confirmé l’impact des créateurs de contenus chez les Français comme le prouve la citation suivante.
Vous êtes des millions à consulter leurs avis, leurs recommandations dans le domaine de la mode, du sport, de la beauté, des voyages. Ils jouent donc un rôle dans notre vie quotidienne. Ça leur donne une responsabilité particulière !
Propos issus de la vidéo ci-dessous datant du 8 Janvier 2023 et postée sur la chaîne YouTube du ministre Bruno Le Maire
À la suite de ces discussions, une consultation publique a été ouverte courant Janvier 2023 via la plateforme Make.org dont la vocation est de définir les priorités mais aussi de réaliser des changements concrets avec et pour les Français (citoyens, associations et entreprises) afin de délimiter le métier de créateur de contenu puis décider « d’un code de bonne conduite ».
Cette enquête a pour but de donner la parole à tous les Français souhaitant s’exprimer sur l’Influence. Au total on retrouve 11 propositions de mesures réparties en quatre thématiques (droits & obligations des influenceurs, propriété intellectuelle, protection des consommateurs, gouvernance du secteur).
L’ambition de l’état est de protéger les acheteurs et particulièrement le public mineur, d’accompagner les créateurs de contenus et les annonceurs dans leurs comportements et si besoin, de sanctionner avec fermeté ceux qui ne respecteraient pas les règles.
En complément de cette concertation publique à l’initiative des autorités, une fédération professionnelle du secteur de l’Influence composée des 7 principales agences d’influence marketing (Influence4You, Smile Conseil, Bump, Follow, Point d’Orgue, Reech et Spoutnik) a vu le jour mi-Janvier 2023. Nommée par l’acronyme UMICC qui signifie Union des Métiers de l’Influence et des Créateurs de Contenu, cette confédération souhaite mener les actions suivantes :
- La mise en place d’un canal unique de discussion avec les pouvoirs publics
- Devenir l’unique référent du secteur auprès du public visé
- Agir en tant qu’acteur à part entière pour proposer des évolutions & réformes nécessaires afin que le secteur de l’influence bénéficie d’un environnement adapté à son développement
- Diffuser des informations pédagogiques auprès des créateurs de contenu pour les aider à connaître leurs droits et leurs devoirs
Enfin une proposition de loi portant sur l’Influence a été rédigé par des députés de diverses étiquettes politiques et devrait être examiné à l’Assemblée Nationale pour fin Mars 2023. Le texte se concentre sur la définition juridique du terme « d’influenceur », sur leurs obligations mais aussi les types de publicité qui pourraient être interdits (pronostique sportif, dropshipping, chirurgie esthétique…).
Le Marketing d’Influence, acteur en devenir d’une communication plus responsable & éthique
En conséquence de la mise en place d’un cadre plus strict mais aussi d’une modification des habitudes des consommateurs en quête de sens et de valeurs collectives, la communication des créateurs de contenus devient plus responsable & éthique.
Certaines personnalités n’hésitent plus à partager leurs valeurs et parfois à clamer leurs engagements dans diverses thématiques comme la protection de l’environnement, le développement durable, la lutte contre le réchauffement climatique ou encore le gaspillage alimentaire. Le pari peut paraître risqué pour certains créateurs qui opèrent un virage à l’opposé de leurs contenus originels. Toutefois lorsque le process est authentique & assumée, il est souvent gagnant !
Nous avons deux exemples en tête dans l’univers des YouTubeuses Beauté qui ont été propulsés sur le devant de la scène dans les années 2010 et au cours des dernières années ont changés leurs lignes directives.
Marie Lopez portant le pseudonyme Enjoy Phoenix a amorcé son changement lorsqu’elle a annoncé publiquement en Janvier 2019 refuser les portages de marques/agences qui lui envoyaient jusqu’à quatre colis par jour.
Quant à Sandréa qui accumulait les Hauls Beauté & Mode, elle a décidé de consacrer son énergie à sensibiliser ses abonnées aux enjeux écologiques, féministes et sociaux. Elle le reconnaît aujourd’hui, ses achats n’étaient que le reflet d’une sorte de manque affectif.
Pour vous démontrer que le Marketing d’Influence peut être utilisé à des fins utiles, nous avons souhaités vous parler de la collaboration entre Reech, agence de marketing expert de l’Influence et l’annonceur spécialisé dans l’équipement de la maison Camif. Ce dernier, à l’initiative du mouvement Anti Black Friday a souhaité renouveler sa position en fermant son site marchand toute la journée du 29 Novembre 2019.
En écho de cette décision inédite & significative pour le business, une campagne sur les réseaux sociaux a été mise en place. 23 créateurs de contenus ont été sollicités pour soutenir cette opération et relayés le hashtag #Jemedeconnectepourlaplanete. Ils ont bien entendu été sélectionnés pour leurs valeurs en lien avec le crédo « Consommer moins, Consommer mieux ». L’objectif de la marque était de faire émerger une prise de conscience de la part des consommateurs et d’inciter à une consommation plus réfléchie, durable et locale.
Le vrai coût des prix bas il est sociétal et environnemental. Réfléchissez avant d’acheter !
Propos de Margaux issus de la vidéo ci-dessus datant du 6 Décembre 2019 et postée sur la chaîne YouTube de la marque Camif
Le secteur de l’Influence du fait de son rayonnement, pourrait aller plus loin dans cette démarche. En effet l’audience est large, souvent jeune et il y a une urgence écologique qui nous concerne tous.
Toutefois cela implique indéniablement une remise en question sur :
- Les modes de vie
- Les réussites
- Les produits/services
- La consommation
Malgré l’éveil des mœurs quant à l’urgence écologique et l’évolution de la communication faite en ce sens par les influenceurs, nous nous tenterons de répondre prochainement aux questions suivantes : « Les créateurs de contenus incitent-ils à la surconsommation des Français ? » et « La nouvelle génération fait-elle confiance aux influenceurs ? ».