Introduction : Une année 2020 marquante pour la pratique des instruments de musique !
Avec le couvre-feu et le confinement, les Français sont nombreux à avoir ressorti leur guitare ou leur piano du placard. Pour égayer le quotidien morose des de l’année 2020, beaucoup se sont mis à ou remis à jouer d’un instrument. Les magasins spécialisés ont observé une hausse des ventes. Le site Internet Woodbrass, par exemple, a enregistré une croissance de 10% l’an dernier. Et une nouvelle clientèle est au rendez-vous en magasin. Laura, responsable de l’un des boutiques Woodbrass à Paris, estime que « pendant le confinement, les gens se sont rendu compte qu’il y avait des choses qu’ils n’avaient pas faites. Il y a des regrets qui sont arrivés. Je ne dirais pas que ça a lancé des vocations, mais ça a donné des envies à beaucoup d’accéder à un rêve ».
Avec 400 000 exemplaires vendus chaque année, c’est la guitare qui a le plus de succès. Selon des estimations, il s’en est écoulé 100 000 de plus en 2020. « C’est beaucoup de guitare folk, parce que c’est la guitare qu’on entend dans la musique actuelle, le rock, la pop », explique Rémi, un vendeur spécialisé.
Parmi les instruments qui séduisent le plus, il y a aussi le piano numérique, qui s’écoute au casque. On en trouve en entrée de gamme à moins de 500€. « C’est un piano d’étude, il a un vrai clavier de 88 touches, avec une sensation de piano classique. Ça marche surtout pour les appartements parisiens, parce que ça prend peu de place. »
Ces ventes qui explosent ont aussi des conséquences sur le travail des luthiers. « C’est un très bon espoir, se réjouit JB, fondateur de la marque de guitares électriques Custom 77, dont l’atelier lyonnais enregistre une croissance de 15%. On avait plutôt une tendance au pessimisme sur l’avenir de notre métier. On ne pensait pas du tout que ça pouvait augmenter. Après, que ça augmente parce qu’on développe de nouveaux produits, ça s’explique. Mais là, c’était vraiment lié à la crise. »
Cet engouement profite aussi aux cours de musique. Sur Google, les recherches « apprendre la guitare » ou « apprendre le piano » explosent. « Avec le couvre-feu et le confinement, je n’avais plus rien comme activité. Je n’avais plus de cours de chant ni de sport, j’ai décidé de reprendre des cours de guitare, dans cette période un peu compliquée », raconte Marine, 33 ans, qui a passé une dizaine d’années sans pratiquer.
Ce regain de passion pour la pratique des instruments de musique a donc eu pour conséquence une hausse des ventes d’instruments de musique en ligne.
Au-delà de cette hausse transitoire, que peut-on dire sur la structure du e-commerce du marché des instruments de musique ?
Quels en sont les acteurs, les tendances de fond et surtout les impacts à moyen et long terme sur le marché des instruments de musique ?
Les acteurs du marché
La vente en ligne d’instruments de musique est un secteur où entrent en concurrence des fabricants (Fender et Gibson pour les instruments de musique traditionnels ; Ableton et Native Instruments pour les instruments numériques), des géants de la vente en ligne (comme Thomann, Woodbrass ou Gear4music), des « pure players » (Amazon et eBay en tête) et des revendeurs indépendants.
Des fabricants qui maîtrisent leur identité de marque
Fender et Gibson, les deux acteurs historiques de la vente de guitares ont connu une hausse de leurs ventes de 20% en 2020, leur plus grande année en matière de croissance et de ventes de guitares.
Autre indicateur à la hausse, l’application Fender Play, programme d’apprentissage en ligne guidé qui apprend aux débutants à jouer en quelques minutes, a vu son nombre d’élèves passer de 150 000 à 930 000 entre fin mars et fin juin 2020 !
Acteurs historiques de la vente d’instruments de musique, les fabricants n’ont pas suivre la tendance du e-commerce avec pour principale motivation de diversifier leurs canaux de distribution ainsi que de contrer la montée en puissance des géants de la vente en ligne.
S’appuyant sur des sites hybrides, entre site vitrine et boutique en ligne, ils ont su tirer leur épingle du jeu en capitalisant sur leurs forces : l’identité de marque et le storytelling avant tout. S’il y a bien un atout dont les fabricants peuvent se targuer, c’est de proposer à leurs visiteurs une expérience « made by Fender » ou « made by Gibson ». Là où Fender joue la carte des sliders lui permettant d’afficher ces iconiques Stratocaster, Jazzmaster et autres Telecaster en un minimum de temps, Gibson a préféré mettre en avant un unique modèle Signature, soit une guitare designée en collaboration avec un artiste.
Chacun sa stratégie pour la homepage de son site même si ces deux approches existent bel et bien chez les deux fabricants, la différence résidant dans la manière de les présenter.
Le deuxième atout de ces fabricants réside dans les ressources mises à disposition des internautes. Fiches produits ultra détaillées, contenus vidéos permettant d’apprécier des démonstrations des instruments dans différentes situations et pour jouer différentes genres de musique, vues à 360° sont autant d’éléments mis à disposition des visiteurs pour leur faire vivre une expérience la plus proche possible de celle qu’ils rencontreraient en magasin, le toucher en moins !
La personnalisation est la cerise sur le gâteau de cette boutique virtuelle : coloris, matériau, vous avez l’embarras du choix.
Vous me répondrez que ces fonctionnalités n’ont en tant que telles, rien de révolutionnaires et qu’elles sont pour la plupart assez communes pour des sites ecommerce. La différence majeure réside dans la subtile combinaison des trois critères que nous vous avons présentés : un storytelling maîtrisé de bout en bout, pas tape-à-l’œil mais qui que l’on garde en tête tout au long de la visite ; des caractéristiques produits qui s’intègrent dans cet univers propre à la marque et une personnalisation simple et efficace.
Ce qui fait toute la beauté des sites de Fender et Gibson, c’est la dosage ! Les fabricants ont mis à la disposition des internautes ce dont ils ont besoin pour vivre une expérience fidèle à l’image qu’ils ont de la marque, ni trop, ni trop peu. Cela vaut notamment pour le catalogue proposé, riche certes mais pas gargantuesque comme c’est le cas pour les géants de la vente en ligne.
Comment les géants de la vente en ligne se positionnent-ils pour exister à côté des fabricants historiques ?
Les géants de la vente en ligne qui dynamitent le marché
Gear4music, un géant de la vente en ligne d’instruments de musique, a été fondée en 2003 au Royaume-Uni pour ensuite devenir l’un des plus grands revendeurs d’instruments de musique en Europe, avec des centres de distribution eau Royaume-Uni, en Suède et en Allemagne. Elle est cotée en bourse depuis 2015. Entre mars 2020 et mars 2021, l’entreprise britannique a connu une hausse de 31% de ses ventes grâce à l’augmentation de la pratique des instruments de musique pendant les différentes périodes de confinement. Preuve de ses excellents chiffres, elle anticipe un EBITDA de 19m£ contre 7,8£ sur l’exercice comptable précédent.
Côté français, l’entreprise Woodbrass, qui siège à Saint-Herblain près de Nantes, a généré 50 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2019 et emploi 100 salariés. Elle a pourtant été placé en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Nantes en octobre 2020 pour cause de cessation de paiements. Malgré une activité soutenue pendant l’année 2020, Woodbrass n’est pas parvenue à se mettre d’accord avec ses créanciers et devra donc s’adapter pour poursuivre son activité. Cette dernière reste très dynamique et le fondateur de l’entreprise, Christophe Chauvin, se dit confiant dans l’avenir.
« Pendant le confinement, nos ventes ont bondi, confirme-t-il. C’est un marché qui se développe fort, mais nous avons rencontré des difficultés avec l’arrivée de concurrents européens qui ont fortement baissé les prix pour prendre des parts de marché. Nos marges ont chuté, on a dû adapter notre modèle économique ».
L’exemple de Thomann, leader de la revente d’instruments de musique en Europe, permet de comprendre le bouleversement entraîné par l’arrivé d’Internet et du e-commerce sur le marché. Fondée en 1954 en Allemagne par un musicien de cirque dont l’idée de départ était de revendre des instruments de musique aux fanfares et musiciens des alentours.
Dans les années 1980, le magasin de l’entreprise est toujours installé dans la maison familiale des Thomann. C’est finalement le premier magasin de musique à créer son propre site web en 1996. Après quelques expériences convaincantes avec la BTX-Technology de la poste allemande, le site est publié et rencontre un franc succès. Remis au goût du jour en 2008 pour répondre à un trafic croissant depuis son lancement et assurer la meilleure expérience utilisateur possible, le site thomann.de a fini l’année 2019 avec 231 millions de visiteurs.
La force de ces géants de la vente en ligne est d’associer la promesse d’une expérience utilisateur optimale (catalogue étendu et régulièrement mis à jour, site e-commerce optimisé et responsive, garanties nombreuses et assistance personnalisée) avec une grande expertise de la logistique. Bien que spécialisés dans la revente d’instruments de musique en ligne donc n’ayant pas de problématique de « surdiversification », ces acteurs proposent énormément de références qui ne représentent pas toutes la même création de valeur (entre les produits d’entrée de gamme comme les guitares de la marque Squier et des guitares de série limitée qui dépassent parfois les 500€ l’unité) ce qui constitue un risque en matière de logistique et de gestion des stocks. Avec près de 30523 commandes reçues en une seule journée en 2019, on comprend l’importance d’une logistique et de circuits de distribution parfaitement maîtrisés pour maximiser la satisfaction client.
Pour ce faire, Thomann se refuse à externaliser son service client. « L’externalisation n’a jamais été notre truc. Nous aimons tous avoir des gens autour de nous et il a donc été rapidement décidé que nos futurs centres d’appels – comme tout le reste – devraient être à Treppendorf. A l’heure actuelle, plus de 250 employés s’occupent des commandes, des questions techniques et du service dans plus de 19 langues par téléphone, par e-mail ou par chat.
Qu’est-ce qui différencie les géants de la vente en ligne spécialisés dans les instruments de musique des pure players comme Amazon ou eBay ?
Les pure players qui captent une part croissante du marché
S’ils ne sont pas les distributeurs préférés des musiciens déjà détenteurs d’instruments et aguerris, les pure players que sont Amazon et eBay tirent leur épingle du jeu auprès des débutants, particulièrement ceux qui se sont mis à la pratique d’un instrument durant la pandémie de Covid-19. Référence en matière de marketplace, Amazon et eBay profitent d’un catalogue fourni en matière d’instruments et d’accessoires en tous genres (de simples sangles de guitares jusqu’à des équipements de transports pour les musiciens en tournée).
L’enjeu de la montée en puissance de ces poids lourds du e-commerce réside donc, pour les marques et fabricants, dans leur pouvoir de marché. S’ils sont incontournables dans la vente en ligne d’instruments de musique, c’est donc qu’il faut composer avec eux et être présent sur leurs plateformes pour s’assurer une couverture aussi efficace que possible de tous les consommateurs potentiels. Une telle politique de distribution représente néanmoins une charge en termes de frais généraux et implique que la boutique en ligne en propre et les marketplaces puissent communiquer efficacement pour gérer l’information (ventes, caractéristiques produits) et maîtriser l’image de la marque.
Après avoir passé en revue les acteurs dominants du e-commerce sur notre marché, que peut-on dire des revendeurs indépendants ?
Les revendeurs indépendants qui essayent de tirer leur épingle du jeu
Dans un environnement concurrentiel mondialisé, le secteur de la revente d’instruments de musique doit faire face à la montée en puissance rapide des ventes en ligne. Les nouvelles pratiques d’achats des jeunes et une offre performante (mais surtout d’origine étrangère) viennent bouleverser l’aval de la filière, et plus particulièrement les magasins généralistes sans atelier de fabrication.
Pour faire face à la concurrence en ligne, les réseaux traditionnels de vente devraient se positionner davantage comme spécialistes et proposer des services pour se différencier tels que des ateliers de réparation, des contrats d’entretien-maintenance des services financiers, une mise en place de services collaboratifs.
En se positionnant comme les interlocuteurs et conseillers privilégiés pour les apprentis musiciens, notamment à travers des visites de contrôle des instruments et de réparation le cas échéant, les revendeurs généralistes s’assureraient une activité soutenue tout au long de du cycle de vie des instruments de musique.
L’essor du e-commerce dans les ventes du marché des instruments de musique
Une tendance de fond engendrée par les acteurs dominants de la vente en ligne …
Les achats d’instruments de musique par les particuliers, en France, ont été estimés à 1 554 000 par an dans un rapport délivré conjointement par la Direction Générale des Entreprises (DGE) et la Chambre Syndicale de la Facture Instrumentale (CSFI) sur l’année 2017.
En 2017, les magasins revendeurs représentaient encore la majorité des ventes, autour de 45% devant les achats sur Internet, tous revendeurs confondus. Ces derniers représentent environ 25% du marché français (à l’exception des instruments à cordes frottées comme le violon et le violoncelle), proportion relativement importante en partie due au développement de l’offre via ce canal depuis le milieu des années 2000. Suivent ensuite les fabricants et les particuliers avec entre 10 et 15% des ventes.
Dans l’étude menée par la DGE et la CSFI, les acteurs interrogés constatent unanimement que les ventes en ligne ont d’abord mis à mal les distributeurs « traditionnels », autrement dit les magasins sans atelier de fabrication. Ceci est d’autant plus vrai pour les boutiques généralistes, les vendeurs spécialisés parvenant à attirer une clientèle plus experte et peut-être plus méfiante vis-à-vis d’Internet pour l’achat d’un instrument. Pour la plupart des familles d’instruments, le marché des accessoires est encore davantage touché par le phénomène Internet.
Les magasins français ont été très sceptiques quant à la vente d’instruments sur Internet au début des années 2000, alors qu’à cette époque (vers 2002/2003), le site allemand Thomann était déjà bien opérationnel, en proposant des prix bas et une hotline française. Les magasin ne se sont positionnés sur Internet que tardivement (bien après 2005 et avec uniquement des sites vitrine pour la plupart) : le premier à proposer la vente massive en ligne a été Euroguitar en 2006 (créé d’ailleurs par un ancien de chez Thomann), qui a en quelque sorte annoncé le démarrage des quelques sites importants susceptibles de concurrencer Thomann, tels Woodbrass. L’entreprise allemande, pionnière de la vente en ligne sur le marché, a finalement à ce jour conservé sa place de leader sur le marché français suivi d’acteurs de taille plus modeste.
… et accélérée par la pandémie de Covid-19
Les artisans et magasins de vente en ligne ont, tout comme les disquaires, subi de plein fouet le confinement et ses implications. L’enquête menée par la CSFI (Chambre Syndicale de la Facture Instrumentale) pour France Culture a révélé des chiffres alarmants qui concernent principalement les instruments dits traditionnels (piano, guitare, violons entre autres). La production instrumentale française a connu une détérioration majeure qui a mis le marché français en défaut, 56% des fabricants d’instruments ayant totalement arrêté leur activité, 32% partiellement, quand 40% des entreprises anticipent une baisse de leur chiffre d’affaires entre 75 et 100%. La fermeture des lieux de production non prioritaires et la paralysie générale du commerce mondiale, dues aux mesures de confinement, en sont les causes premières.
Cette paralysie, qui demeurait importante à la fin du confinement (mai 2020), risque de continuer à affecter les acteurs de la distribution du secteur avec des imports de matière première et de composants pour les instruments assemblés en France qui seront sans doute ralentis.
Les revendeurs et distributeurs qui disposaient d’une plateforme de vente numérique ont observé de leur côté, leurs rentrées d’argent augmenter grâce aux stocks constitués (les instruments revendus étant issus des quatre coins du monde). Le directeur du magasin parisien Woodbrass a ainsi déclaré à France Culture, que depuis le début du confinement (mars 2020) « La vente en ligne a augmenté avec beaucoup d’achats de piano numériques et de guitares premiers prix. Les gens en profitent pour se mettre à la musique ». Le fabricant de pianos et instruments numériques Roland a lui aussi vu une augmentation importante de ses ventes en ligne. Joué Music, fabricant d’instruments innovant alliant l’expressivité des instruments traditionnels au potentiel des outils numériques, a quant à lui constaté la progression de ses activités de vente de claviers Joué Play via son système de financement en crowdfunding, indiquant par ailleurs, lors du webinaire Business France sur les ICC (International Chamber of Commerce) en Amérique, disposer de suffisamment de matière première importée préalablement à la fermeture des frontières pour répondre aux commandes effectuées.
Outre la hausse des ventes en ligne de pianos numériques et guitares (également observée aux Etats-Unis), une forte hausse de l’intérêt pour les logiciels de composition musicale tels que le bestseller d’Apple (Garage Band), Ableton Live ou encore FL Studio (Image Line) doit être notée. Les recherches Google pour les DAW (Digital Audio Workstation) ont considérablement augmenté pendant la période de confinement comme on peut l’observer sur le graphique ci-dessous qui met en évidence la hausse de l’intérêt pour les logiciels Ableton, Logic Pro et Garage Band aux Etats-Unis.
Quels impacts pour le marché à moyen et long terme ?
Le déclin inévitable des revendeurs indépendants ?
Le marché français est marqué par la difficulté à recruter des employeurs. Beaucoup d’entreprises rencontrées constatent que les compétences sont parfois difficiles à trouver, notamment parce que le secteur, en difficulté, voit son attractivité baisser (tout au moins pour une activité en tant que salarié).
Une proportion importante de dirigeants (notamment de commerces) devrait partir à la retraite dans les années à venir. Or l’image d’un secteur en difficulté peut rendre difficile la transmission des entreprises et pourrait entraîner à terme de nouvelles fermetures de magasins. Doublement menacés par les ventes en ligne et cet effet démographique, le devenir des magasins physiques d’instruments de musique semble donc très incertain.
Repenser le parcours client : le modèle « phygital » de Woodbrass
Acteur majeur de la vente en ligne d’instruments de musique, Woodbrass a placé sa restructuration au cœur de sa stratégie pour l’année 2021.
Confrontée à la concurrence de sites étrangers puissants et couvrant plusieurs marchés nationaux, l’acteur français souhaite désormais réconcilier deux modèles de distribution pourtant généralement mis en opposition depuis l’explosion du e-commerce : les magasins physiques et la vente en ligne.
Présenté comme un modèle innovant et fidèle au parcours client, le modèle « phygital » est peut-être la clé pour « sauver » le modèle des magasins physiques qui sont si souvent destinés à un sort funeste.
Qu’est-ce que le commerce phygital ?
C’est la vente via des outils digitaux déployés dans les lieux accueillant du public : magasins, salles de sport, corners, shop in shop, … Le consommateur n’utilise pas son matériel, comme son propre ordinateur ou smartphone dans le cas du commerce en ligne. Le commerce phygital est donc marqué par 4 caractéristiques principales :
- Il n’utilise pas son matériel
- Il n’est pas propriétaire du matériel qu’il utilise
- Il utilise du matériel digital mis à disposition du public
- Il n’est pas propriétaire donc n’est pas « chez lui »
La différence entre e-commerce et commerce phygital repose donc sur la notion de « propriété du matériel utilisé » par le consommateur. Et cette notion change tout. Propriétaire ou non propriétaire, d’un côté comme de l’autre, tout est différent. La manière de s’adresser au consommateur est différente. Les process, les besoins, les fonctionnalités, les technologies, les opérations, les aspects juridiques. Tout est différent.
Dans le domaine du commerce physique, le commerce phygital touche au Core business historique des magasins et surtout des enseignes en réseau. En effet, pour vendre ses produits, un magasin reposant sur un modèle traditionnel est contraint de disposer de stocks suffisants mais aussi d’une certaine surface. Ces deux éléments sont d’ailleurs interdépendants et pèsent fortement sur la rentabilité. Le Phygital commerce remet ainsi en cause ce modèle car il rend possible « dans un magasin » la vente de produits qui ne sont pas physiquement dans ce magasin. Cette simple faculté de vendre des produits hors stocks, lorsqu’elle est bien exécutée, permet ainsi d’augmenter considérablement le chiffre d’affaires dans ses magasins, tout en baissant efficacement ses charges (stocks, fonciers). Cela répond également à une attente des consommateurs qui comparent déjà l’offre du physique à celle du digital.
Conclusion
Le marché des instruments de musique est composé d’acteurs aux historiques différents et dont l’appréhension d’Internet a déterminé leur situation face aux évolutions du marché (offre mais surtout demande avec des changements de comportements des consommateurs significatifs).
La crise du Covid-19 a eu pour effet positif, quoique probablement transitoire, de relancer la pratique des instruments de musique auprès de publics jeunes mais aussi plus âgés, faisant ainsi augmenter les ventes en ligne d’instruments.
La fermeture des magasins physiques pendant l’année 2020 conjuguée à la tendance de fond qu’est la montée en puissance du e-commerce (25% des ventes en 2017), laissent présager une lente agonie pour les revendeurs généralistes dont le faible pouvoir de marché et le peu de visibilité numérique (notamment dû à un fort retard accumulé en matière d’identité numérique) sont devenus manifestes.
Pour inverser la tendance, améliorer sa présence sur Internet est un prérequis nécessaire mais non suffisant. Les magasins physiques et revendeurs généralistes devraient repenser le parcours client en proposant des services additionnels d’entretien des instruments, de réparation et se pencher sur les opportunités offertes par le modèle du commerce « phygital ».
Références bibliographiques
Centre national de la musique, L’impact du confinement sur la pratique de la musique (2020)
https://www.irma.asso.fr/L-impact-du-confinement-sur-la
Mathilde Vinceneux, Franceinfo, Les Français ont profité du Covid pour se mettre à la musique (2021)
Fédération française du commerce phygital, Qu’est-ce que le Phygital ?
http://www.federation-francaise-du-commerce-phygital.com/definition-phygital-commerce/
DGE & CSFI, Evaluation du marché de la facture instrumentale française (2018)
The Boca Raton Tribune, How COVID-19 Impacted Musical Instrument Sales Online (2021)
Kayla Jenkins, Global Trade, How has E-Commerce Adapted During the COVID-19 Outbreak? (2021)
https://www.globaltrademag.com/how-has-e-commerce-adapted-during-the-covid-19-outbreak/
Sahar Nazir, Retail Gazette, Gear4music sales smash £157m as Brits turn to musical instruments (2021)
Chris Wilson, i95, 12 Key E-commerce features for Musical Instrument and Supplies Industry
https://www.i95dev.com/12-key-e-commerce-features-for-musical-instrument-and-supplies-industry/
Thomann 2019 : le Bilan
Thomann
https://www.thomann.de/lu/compinfo_history.html
Woodbrass
Fender
https://shop.fender.com/fr-FR/start
Gibson
Ableton