Depuis quelques années, on le pressentait et on y est. En 2018, le digital (au global) a officiellement dépassé la TV en terme de dépense média avec 1,45 milliard d’euros d’investissements sur l’année (+20% de croissance). En détail, le display programmatique enregistre une croissance de 67% par rapport à 2017. Cette hausse offre évidemment de nombreuses possibilités, mais l’extension des risques et limites en devient tout aussi probable. Dans ce contexte, comment assurer alors de la transparence dans le programmatique.
Les prémices du besoin de transparence
Le marché de la publicité traditionnelle, et notamment l’affichage, a connu certaines problématiques de manque de transparence en terme de facturation. En effet, les annonceurs ont subi de nombreuses facturations frauduleuses. C’est pourquoi en 1993, la Loi Sapin* (1) a vu le jour avec pour principal objectif de réglementer les procédures d’achat d’espaces publicitaires. Plus exactement, l’ensemble des conditions tarifaires doit être public : la facture d’achat doit être adressée à l’annonceur, même si c’est l’agence qui s’occupe du règlement via un contrat mandataire (obligatoire). Mais dans le digital, comment appliquer une telle loi ? A défaut, comment contrôler tout simplement ?
Depuis le 1er janvier 2018, la Loi Sapin* (2) a été mise à jour au marché de la publicité digitale. Dans le détail, le décret précise les modalités d’obligation de la part des “vendeurs d’espaces” d’informer les annonceurs sur :
- L’environnement de diffusion (sites ou ensemble de sites regroupés en fonction de leur nature ou de leurs contenus éditoriaux) ;
- Le contenu ;
- Les formats ;
- Le résultat (KPIs convenus à l’achat comme le nombre d’impressions, le nombre de pages vues, le taux de clics, etc.) ;
- Le montant global facturé.
Néanmoins, comment cela s’applique concrètement ?
*Loi générale anti-corruption
Le nouveau terrain de jeu de la publicité en ligne
L’étendue et la complexité de l’environnement digital décuple le besoin de surveillance. Et malgré ces efforts de légifération, le contrôle demeure ardu sur de nombreux points.
Pour commencer, 45% des visites sont faites par des humains en France, ce qui laisse donc plus de la majorité des interactions aux mânes des robots. Dans ce contexte, on peut légitimement se demander comment les “vendeurs d’espaces”, tels que décrits dans la loi, peuvent garantir et présenter des résultats tangibles.
Par ailleurs, le programmatique représente désormais 67% du Display global, soit 1 315M€). Bien que certains annonceurs commencent timidement à réclamer le détail des facturations, la lisibilité reste difficile car la nomenclature varie selon les SSP/DSP et ne permet pas de réconcilier correctement les informations de facturation.
De plus, les plus grands acteurs de technologie en programmatique sont essentiellement étrangers. Or, la Loi Sapin s’applique dans son intégralité, uniquement en France. En effet, bien que l’article 17 de la loi tente d’apposer le principe de double seuil aux entreprises étrangères, dans la pratique, il est courant que celles-ci parviennent à y échapper.
Enfin, c’est le social qui a produit la plus grosse croissance dans le programmatique. Géré notamment par Facebook, et ses 1.15 Milliards d’utilisateurs actifs tous les jours*, l’opacité et l’indisponibilité de la firme américaine enrichit la difficulté de contrôle.
*dans le monde
Quelles solutions pour plus de transparence ?
Dans un article, James O’connor (Head of Programmatic de Kiip) propose quelques pistes d’amélioration pour apporter davantage de transparence en programmatique :
- Approfondir les informations décisionnelles fournies par les DSP : à ce jour, lorsqu’une DSP ne répond pas à une demande d’enchère, la plateforme ne renvoie aucune information permettant d’en connaître la raison ;
- Spécifier les informations de dépannage : les blocages ou problèmes de gestion d’identifiants sont courant et le manque d’information sur leur origine engendre pour les acteurs une perte de temps conséquente en investigation ;
- Clarifier les résultats sur les performances post-clic : dans la plupart des achats programmatiques, les éditeurs ont peu de visibilité sur les performances post-clic des campagnes dont les conversions. Pourtant, en accédant à ces statistiques, les éditeurs pourraient connaître les formules gagnantes et ainsi renforcer leurs relations avec les annonceurs, ce qui serait bénéfique à chacun.
D’autre part, lancé en décembre 2017, le Label Digital Ad Trust a permis d’évaluer et valoriser la qualité de 109 sites*. Cette initiative interprofessionnelle permet notamment de :
- Garantir la brand safety : assurer aux marques la sécurité des environnements dans lesquels elles apparaissent ;
- Optimiser la visibilité de la publicité en ligne ;
- Lutter contre la fraude ;
- Améliorer l’expérience utilisateur (UX), et maîtriser le nombre d’objets publicitaires par page ;
- Mieux informer les internautes en matière de protection des données personnelles.
*MAJ publication du 17 mai 2019
Au regard de ces constatations, la gestion et le contrôle relèvent manifestement de l’être humain. On pourrait donc penser que le marketing digital tend vers un système hybride, et non pas exclusivement programmatique. Pourtant, l’intelligence artificielle paraît comme l’alternative mettant fin au contrôle par l’Homme. La R&D et l’avenir nous diront si elle parviendra à nous remplacer définitivement.
S. Randrianasolo