Nous parlions précédemment du fait que les consommateurs soient de plus en plus avisés quant aux marques. Grâce à internet, nous avons la capacité de nous renseigner ce qui nous donne un pouvoir que nous n’avions pas auparavant et bouscule les stratégies des entreprises sur un marché donné. Celui du médicament n’échappe pas à cette règle…
L’industrie pharmaceutique est une des industries les plus prospères au Monde; elle regroupe les activités de recherche, de fabrication et de commercialisation des médicaments pour les humains mais aussi les animaux.
Ayant beaucoup évolué au cours de l’Histoire, on peut observer aujourd’hui une concentration des activités de ces firmes dans les pays développés/riches car la recherche étant longue et coûteuse, elles ont besoin d’un marché de masse pour commercialiser leurs produits à grande échelle.
En termes de chiffres, le marché mondial du médicament c’est :
- Une croissance régulière malgré une légère diminution de son rythme annuel de croissance (passant de 14,5 % en 1999 à 10,4 % en 2003 pour atteindre 7 % en 2006).
- Des ventes mondiales représentent plus de 643 milliards de dollars en 2006.
- Un marché dominé par les États-Unis, avec 47,7 % des ventes, suivis de l’Europe (30 %) et du Japon (9,3 %) selon les données IMS Health (2006).
- Des 18 000 pathologies recensées par l’Organisation mondiale de la santé, 12 000 n’auraient pas encore de traitement satisfaisant
Le vieillissement général de la population, l’amélioration du niveau de vie dans les pays émergents et les progrès thérapeutiques à venir permettent de supposer que la tendance à la croissance du marché est durable.
Caractéristiques du marché des médicaments et stratégies des firmes pharmaceutiques. Philippe Abecassis, Nathalie Coutinet dans Horizons stratégiques 2008/1 (n° 7), pages 111 à 139
En conservant la trame de l’article précédent, nous vous proposons de nous intéresser tout d’abord à la manière dont les laboratoires captent leurs cibles de communication avant de demander comment se décide le prospect sur ce marché, en analysant enfin le trafic de différents laboratoires, nous donnerons une recommandation d’après notre expérience et nos découvertes.
- La nécessité de se démarquer de ses concurrents :
En tant que consommateurs de médicaments, nous avons une vision simplifiée du parcours d’un médicament de sa fabrication à leur achat en pharmacie ou sur internet (depuis peu dans l’histoire du médicament).
Nous sommes malades ou nous avons besoin d’un remontant, nous nous rendons chez un médecin ou un spécialiste qui va nous ausculter et nous prescrire un traitement (ensemble de mesures que nous devons suivre pour nous soigner et qui peut impliquer la prise de médicaments). Une fois notre prescription (ordonnance) en main, nous nous rendons chez le pharmacien qui va (en général) nous délivrer le médicament puis nous rappeler le traitement à suivre.
Selon la maladie, le traitement peut être plus ou moins long voire coûteux, ce qui nécessite un suivi plus considérable pour les professionnels de santé mais aussi les organismes qui participent à ce marché (assurance maladie notamment).
C’est pourquoi avant d’entrer dans le vif du sujet, nous devons évoquer la différence entre les médicaments commercialisés car ils ont une incidence non négligeable dans la stratégie de communication de ces firmes. On peut distinguer les médicaments selon trois marchés; les princeps, les génériques et les OTC :
Un laboratoire avec des droits de propriété intellectuelle sur une molécule (suite à la recherche et au développement de celle-ci), sera généralement en situation de monopole et pourra fixer son prix librement si celui ci n’est pas remboursable par l’assurance maladie; ce sont les princeps. Ils sont généralement plus efficaces que les autres types de médicaments ce qui est important car ils permettent d’améliorer le bien-être ainsi que notre santé à tous. Pour rentabiliser le coût de la recherche, ces médicaments sont généralement plus chers…
A eux s’opposent les génériques; groupe commun de médicaments conçus à partir de la molécule d’un médicament déjà commercialisé dont le brevet est tombé dans le domaine public. C’est la raison pour laquelle il y a autant de génériques pour une molécule et qu’ils sont moins cher (=> les laboratoires misent sur les quantités dont tentent de produire le plus possible de génériques et communiquent auprès des pharmaciens qui eux, peuvent substituer le générique au princeps avec l’accord du patient). Mais cela signifie également qu’en produisant beaucoup de génériques, on peut être moins pertinent sur un marché où le nombre de malades est restreint, donc où le marché du générique n’est pas développé voire très peu.
Enfin, avec les OTC (médicaments en accès libre) un laboratoire peut être soit en situation de monopole, soit de concurrence; dans les deux cas, ce ne sont pas des traitements pris en charge par l’assurance maladie. Le patient n’a pas besoin d’ordonnance pour les acquérir; mais ils peuvent être prescrits par le médecin ou recommandés par le pharmacien.
En conclusion, les patients, qui sont de plus en plus impliqués dans la prise de décision du traitement se retrouvent en duo avec leur médecin (dans le cadre du princeps), en duo avec le pharmacien (quand celui ci lui donne un générique) et peut prendre la décision seul ou avec le médecin et le pharmacien (s’il s’agit d’un OTC).
Statut de la molécule | Cible(s) de communication | Leviers de communication | Avantages |
princeps | médecin et patient | display off & on, email, visite médicale, les formations, séminaires et conventions, presse spécialisée | Répétition du message auprès des prescripteurs, rassure le patient en cas de recherche d’infos |
générique | pharmacien et patient, médecin dans une moindre mesure | display off & on, email, visite médicale, les formations, séminaires et conventions, presse spécialisée | Répétition du message auprès des prescripteurs, rassure le patient en cas de recherche d’infos |
otc | patient d’abord, puis pharmacien et éventuellement le médecin | display off & on, email, presse généraliste ou thématique bien être, mise en avant en pharmacie | Rassure le patient qui peut poser des questions à son pharmacien ou son médecin voire acheter directement |
- Convaincre les patients et les prescripteurs : la condition nécessaire pour vendre sa molécule…
Nous avons vu que les laboratoires étaient d’une part dépendants de la recherche et développement pour parvenir à sortir du stade de concurrence, mais que pour maintes raisons, avoir une molécule plus efficace ne suffit pas forcément à gagner de l’argent. Encore faut-il convaincre la chaîne patient-pharmacien-médecin que sa molécule possède un atout comparatif (c’est un produit comme les autres).
Dans le cadre du marché des médicaments, le message est réglementé par l’ANSM (Agence nationale de la sécurité du médicament et des produits de santé) qui exerce un contrôle à priori sur tous les produits considérés comme des médicaments qu’ils soient sous ordonnance ou non avant qu’ils soient diffusés en publicité.
L’ANSM fonde ses décisions notamment en fonction de la conformité de la publicité aux trois critères suivants (article L.5122-2 du Code de la santé publique) :
- Le respect des dispositions de l’autorisation de mise sur le marché (AMM) et des stratégies thérapeutiques recommandées par la Haute Autorité de santé (HAS)
- Une présentation objective du médicament et de nature à favoriser son bon usage
- La publicité ne doit pas être trompeuse, ni porter atteinte à la protection de la santé publique.
En cas d’avis favorable, la demande se traduit par l’octroi d’une autorisation préalable dénommée visa de publicité. En cas de manquements à ces critères, l’ANSM refusera la demande de visa de publicité.
L’industrie pharmaceutique en France n’est donc pas vraiment entravée par l’Autorité; comme tous produits, il faut convaincre et être honnête sur son produit en particulier s’il est meilleur que celui du concurrent.
Chez CMS, deux écoles s’opposent : les laboratoires qui ne souhaitent s’adresser qu’à des professionnels (majoritaires); mais aussi des laboratoires qui sont assez mûrs d’un point de vue digital pour créer des messages à destination des consommateurs finaux et ils ont bien raison car ceux ci ont de plus en plus leur mot à dire.
C’est pourquoi en termes de communication, comme nous pouvons le voir dans notre agence, les laboratoires vont communiquer sur des sites éditeurs “niches” où se rendent les professionnels de santé et sur lesquels ils peuvent s’identifier ou s’inscrire en tant que tels (évolution du marché dû à cette contrainte en matière de communication).
Plutôt que sur des sites “grand public” où leurs bannières risquent d’être noyées dans une foule de contenus sur différents sujets. Pour capter l’attention de leur audience, ils ont donc besoin de la toucher quelque part puis de lui répéter le message pour que ce PDS puisse prescrire leur médicament.
Analyse de trafic entre laboratoires présents en France et ciblant des oncologues dans leur communication :
On peut d’emblée voir la différence entre ces laboratoires en termes de position sur le marché : Bayer arrive en 1er de ce classement (16ème position sur le secteur).
C’est donc sans surprise que Bayer est le site qui reçoit le plus de visites comparé aux autres. A première vue, on pourrait donc penser que Bayer a une meilleure stratégie mais il faudrait pour le démontrer isoler le trafic français, puis exclure les professions autres que oncologues; puis faire de même pour les autres laboratoires.
Ici, nous pouvons juste conclure que la marque a une stratégie de trafic performante, lui permettant d’attirer beaucoup de visiteurs sur son site. En supposant que ce soient les bonnes personnes qui sont ciblées et qui parviennent sur leur site, on pourrait dire que sa stratégie de communication est en adéquation avec les leviers utilisés ce qui est un bon point.
Astrazeneca est le site sur lequel les visiteurs passent le plus de temps, en moyenne 3 minutes de plus que sur Roche. Ce dernier est aussi le site avec le plus fort taux de rebond; ce qui peut indiquer qu’il retient peu l’attention des internautes. En terme de comparaison, s’il fallait minimum 2 pages pour prendre connaissance d’un contenu relatif à un traitement, le PDS ne serait pas parvenu à ce contenu sur le site de Roche alors qu’il l’aurait fait le parcours sans faute sur le site de Novartis, Bayer et Astrazeneca.
La manière dont les laboratoires construisent leurs sites internet ainsi que le contenu qu’ils proposent de partager est donc un élément déterminant dans la réussite d’une stratégie d’acquisition de contacts potentiels sur le marché (marché d’un médicament ou d’une pathologie en particulier).
Bayer et Astrazeneca sont présents dans tous les pays; leur couverture sur cible dépasse donc les frontières, les autres laboratoires sont sous-représentés ailleurs qu’en France.
Comparativement aux sources de trafic sur le site, la recherche du terme éponyme à la marque en recherche organique semble être la principale voie d’acquisition de trafic. Pour Roche il semblerait qu’on ait ici l’explication du taux de rebond car ils n’ont quasiment aucune stratégie en place si ce n’est la recherche organique et le direct (lorsqu’on arrive sur le site directement sans chercher de terme). La marque est aussi peu représentée dans les autres leviers où se démarquent mieux Novartis, Bayer et Astrazeneca.
Pour l’investissement en publicité, Novartis arrive en tête du classement :
Réalités dermatologiques est un éditeur en santé que nous actionnons en programmatique via adform mais que nous achetons également en gré à gré pour nos clients tout comme mediscoop où sont très présents les oncologues; ceci explique la présence de Novartis, un de nos clients, sur ces différents éditeurs.
Enfin, on peut noter la présence du display vidéo avec YouTube où Bayer (77%) et Astrazeneca (22%), investissent quasiment autant que Novartis chez tous les autres éditeurs. Ce qui fait le lien avec la dernière image ci-dessous …
Google est le réseau publicitaire qui arrive en tête des réseaux utilisés pour cette course aux visites (plus de 50%). En utilisant également d’autres acteurs en programmatique tels que Taboola ou The Trade Desk qui sont des régies publicitaires. Novartis réussi à se démarquer grâce à notre solution Digicare qui nous permet à CMS, grâce à Adform, de diffuser de la publicité sur des sites éditeurs santé pour nos clients afin de travailler la montée en couverture de leurs messages, la visibilité de leurs bannières sur les différents sites de la Marketplace, mais aussi de maîtriser la répétition du message au PDS dès qu’il se connecte sur un de nos sites partenaires.
- Notre constat et nos recommandations :
Si vous êtes parvenus à lire jusqu’ici, c’est que vous savez autant de choses que nous sur le sujet à présent 😉
C’est à dire que les patients sont de plus en plus écoutés dans la prise en compte du traitement qu’ils veulent suivre; ils suivent également les informations, sont au courant des scandales donc sont plus soucieux de savoir ce que le corps médical souhaite mettre en place pour les soigner. La question du financement de la sécurité sociale est également une question qui a une incidence sur le business model des laboratoires pharmaceutiques donc sur la manière qu’elles ont de présenter les informations aussi bien aux patients qu’aux PDS ou aux autorités publiques qui protègent comme nous l’avons vu en France avec l’ANSM, les patients face aux firmes de la Santé qui pourraient être en position de force si leurs messages n’étaient pas encadrés.
C’est dans toute cette jungle que nous pensons que le meilleur moyen de se démarquer et de convaincre à la fois est de produire du contenu adapté à chaque produit ou question pathologique qui parle d’une part au PDS qui va prescrire, au pharmacien qui va dispenser le médicament, mais également au patient qui va subir le traitement.
Ce contenu, qu’il soit publicitaire ou non, doit prendre en compte le type de cible (patient, pharmacien, médecin/médecin spécialiste, autres) pour lui dresser un parcours au cours duquel il sera amené à considérer le message de sa perspective. Par exemple, si un laboratoire décidait de s’engager dans la lutte contre la pollution de l’air et propose des médicaments qui protègent ou soignent de ces troubles, elle pourrait attirer toutes les personnes qui s’intéressent à ce sujet car ils seront potentiellement victimes de ce problème un jour (vous et nous également), donc nous pourrions nous souvenir que la marque nous avertissait du problème bien à l’avance; donc nous pourrions penser à elle surtout si son produit est en vente libre ou si elle a suffisamment communiqué auprès des PDS pour qu’ils prescrivent et conseillent le produit.
Dresser le portrait de sa cible et en dessiner le parcours signifie aussi attendre le bon moment pour toucher sa cible (le moment où elle sera le plus attentif) et cela représente également un enjeu. Quelques pistes pour un jeune laboratoire qui souhaiterait gagner des parts de marché sur une pathologie donnée? Parler de cette pathologie sous tous les angles; avec des experts, sans experts, utiliser différents tons en fonction de l’image que l’on souhaite renvoyer et en respectant les règles de l’ANSM, puis trouver les leviers adaptés aux différents messages créés sur le sujet. Il faut pouvoir faire connaître le laboratoire et faire venir les cibles vers le contenu où ils prendront enfin connaissance de l’offre associée. Avec de la vidéo pouvoir interviewer des scientifiques ou réaliser des expériences avec des influenceurs (créer du contenu qui passionne autant le scientifique qu’une personne lambda), du display qui renvoie vers des landings pages où on peut tester des produits, participer à des expériences ou jouer à des jeux pour tester ses connaissances…
Ce qui est certain, c’est que cette industrie a encore de beaux jours devant elle et nous sommes bien loin d’avoir vécu toutes les évolutions technologiques qui pourraient bousculer la donne sur ce marché.
C’était Henri et Yanis, accounts managers chez Conseil Média Santé, nos linkedIn sur nos prénoms 😉